Notes sur la transaction or contre pétrole

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Notes sur la transaction or contre pétrole

Les affirmations sous forme de révélations de DEBKAFiles (le 23 janvier 2012) sur la possibilité de transaction en or pour l’achat du pétrole iranien par l’Inde, éventuellement par la Chine, éventuellement avec la possibilité de transactions entre l’Iran et la Russie en or également, ont provoqué peu de réactions visibles, – ou, disons, lisibles à ciel ouvert. Le caractère de la source (DEBKAFiles), qui a une faible visibilité de type “médiatique”, permet effectivement cette discrétion.

D’autre part, le “la” dans la matière d’une telle “visibilité” est donné par la presse anglo-saxonne (le système de la communication anglo-saxonne), fidèlement suivie par la presse du groupe européen dans le bloc BAO. Le bloc BAO n’a pas intérêt à ébruiter, ne serait-ce que la possibilité d’une telle méthodologie, d’où la pusillanimité et la rareté des réactions. La discrétion de la chose n’implique nullement que la “nouvelle” (même au niveau de la possibilité) n’est pas importante ; c’est au contraire le signe indubitable qu’elle est très importante, sinon explosive dans ses implications. Il y a des silences qui renvoient plus à l’anxiété de la Chute qu’à la politesse de la discrétion.

Pour autant, on peut ajouter quelques éléments au dossier initial… (Voir notre Bloc-Notes du 25 janvier 2012.)

L’Inde prudente mais qui ne dit pas “non”

Du côté indien, un ton apaisant, ambiguë, mais qui s’attache surtout à la formule “ni, ni”, – ni confirmation, ni démenti, – qui est, dans les normes de la communication, une forme de confirmation qu’il y a évidemment anguille sous roche, et anguille explosive sans aucun doute. Le site EconomicTimes.com, du quotidien Times of India, s’en fait l’écho le 26 janvier 2012. Le site cite spécifiquement DEBKAFiles comme source de la nouvelle, et c’est autour d’elle que les indications sur la position du gouvernement indien sont développées.

«Unfazed by the US and EU sanctions, India on Thursday said that it is open to all mechanisms for payment, “whatever it takes,” to buy Iranian oil as it contributes around 12 per cent of New Delhi's oil imports and it's difficult to find replacement on this scale. It could include a mix of options that will enable India to buy Iranian oil without violating the UN sanctions, highly-placed government sources told a day after an Israeli website suggested that India has agreed to pay Iran in gold for oil purchases. Sources added that India is confident of finding “a way out” to buy Iranian oil without being seen as breaker of UN sanctions.

»All options are open, said sources involved with decision-making on this sensitive issue. They neither confirmed nor rejected the option of paying for Iranian oil in gold. There was, however, no official reaction to the Israeli website's disclosure. Aware of the sensitivity of the issue, some Indian authorities have chosen to play it safe, calling the report “spéculative”.

»Indian officials, who did not want to be identified, pointed out that they were working out with their Iranian counterparts on the options they have to make payments toward oil imports. “We have time till June end to decide on our options and to exercise them,” an official told…»

Quitter les circuits du bloc BAO

Nous mentionnons également des indications inédites d’un texte de Russia Today qui, le 24 janvier 2012, reprenait les informations de DEBKAFiles d’une façon extrêmement positive, c’est-à-dire en en acceptant le bien-fondé. Le ton du texte montre qu’une perception russe de la nouvelle n’en montre aucun étonnement.

La partie que nous citons, à la fin du texte de RT, concerne des indications propres à ce site, à partir de citations de deux experts indépendants, l’un allemand et l’autre indien. Toutes ces indications échappent manifestement aux impératifs de propagande et d’alignement du circuit anglo-saxon et satellites, d’information et de communication.

«German political analyst Christoph R. Horstel told RT that amid the economic crisis the embargo on Iranian oil imports could backfire on the EU, while Iran “will do quite well even under the embargo.” “All the present faithful customers to Iran oil are set to continue buying this oil, and they will find a way, rest assured,” he said. “This is the signal I get from Tehran.” “I was personally present when the deputy economics minister of Iran was talking to a foreign society in Berlin,” he added. “And the gentleman said very openly to the shocked audience ‘OK. You don’t want to buy our goods. Well, the Chinese do.”

»Neil Padukone from the Takshashila, an independent Indian think tank, told RT that countries like China, Russia and India are now looking for other creative ways to engage with Iran while insulating themselves from punitive actions from the United States. “And some of these actions include paying in gold rather than dollars and also building new, independent corporate entities that don’t even participate in Western markets.”»

Une perspective explosive

L’impression est donc d’une part que la perspective est traitée avec une extraordinaire précaution parce qu’elle est explosive, d’autre part qu’elle présente des hypothèses parcellaires mais aussi des hypothèses d’intégration fondamentales, les unes n’excluant pas les autres.

Les précisions de Neil Padukone sont d’un particulier intérêt. Elles confirment certes que les transactions en or sont parmi les possibilités envisagées, mais qu’il y aussi des projets de nouvelles “entités indépendantes qui ne participeraient pas aux marchés occidentaux”. Il s’agirait donc de systèmes intégrés de transaction, essentiellement développées à partir de la circulation de cette matière fondamentale qu’est le pétrole, qui auraient comme principale particularité de se placer absolument en dehors du circuit du bloc BAO. C’est là aussi une perspective explosive.

Nous sommes dans l’irrationnel maniaque

L’intérêt fondamental de cette affaire, qu’il faut absolument garder à l’esprit et sur lequel nous reviendrons plus loin, est que tout cela est déclenché principalement, non pas par une crise financière, non pas par un problème commercial et monétaire, mais par une crise politique et faussement stratégique. Il s’agit du legs direct de ce que nous nommons la “politique de l’idéologie et de l’instinct” appliquée par Bush et reprise par Obama, et plus ou moins héritée des neocons agissant en relais d’une évolution métahistorique de bouleversement chaotique de la situation générale. Dans ce cadre contraignant pour les psychologies, la crise est poursuivie et aggravée par des perceptions des directions politiques relevant de ce que nous avons désigné comme une attitude maniaque dans une affection psychologique relevant elle-même de la maniaco-dépression.

Cela est important pour comprendre que nous ne dépendons pas ici, principalement, comme moteur central de la réflexion, d’une logique économique, financière, commerciale ou monétaire, où, nous dit la narrative-Système, la raison conduit les décisions. Nous sommes dans le domaine complet de l’irrationnel maniaque que les pressions du Système provoquent au sein des directions politiques du bloc BAO.

Un maximalisme nihiliste

Nous parlons bien d’irrationalité et de pathologie, tant il est impossible de trouver une seule explication cohérente de cette “politique” du bloc BAO vis-à-vis de l’Iran, tant dans ses modalités que dans ses buts et dans son dessein spécifique. Les seules explications cohérentes concernent l’extrême dangerosité de cette “politique”, avec la catastrophique perspective d’une éventuelle guerre, ces “explications” étant données par ceux-là même qui mettent en œuvre cette “politique” (cas de Sarko avertissant de la catastrophe que serait une guerre avec l’Iran alors que sa “politique” maximaliste représente objectivement un incitatif majeur pour pousser vers cette guerre). Il y a une logique interne de Système dans cette “politique”, spécifiquement nihiliste, qui fait que les “acteurs” ne sont que des exécuteurs de cette “politique” sans qu’il semble leur venir l’idée d’y interférer d’une manière constructive. On connaît l'histoire du fou qui se tape sur la tête à coups de marteau en expliquant que “c'est tellement bon quand ça s'arrête” ; là, nous sommes dans le cas du fou qui se tape sur la tête à coups de marteau en expliquant que “ça fait tellement mal quand ça continue”.

…C’est pour cette raison que les perspectives envisagées du côté des puissances hors du bloc BAO ont toutes les chances de se réaliser. Cette attitude, à la fois instinctive dans un sens aveugle et psychologique selon une situation de pathologie, indique que l’extrémisme nihiliste constitue la règle de la “politique” du bloc BAO dans cette affaire, donc que l’activité ira dans ce sens du maximalisme. La question de l’or comme moyen d’échange naît d’abord du constat que les pressions et les interférences du bloc BAO dans les circuits financier et bancaire peuvent très bien, dans leur extrémisme nihiliste, empêcher des transactions en monnaie (même nationales, dans le chef des puissances refusant l’embargo). Ces remarques préliminaires permettent de développer plusieurs points.

L’étrange fascination de l’Europe pour la Chute

L’idée de l’achat de pétrole par de l’or s’inscrit dans l’idée générale de l’achat du pétrole iranien par des moyens de transaction qui ne sont ni le dollar ni l’euro. Il s’agit donc d’une démarche d’acheteurs très puissants de pétrole iranien échappant à l’empire du bloc BAO, donc d’une démarche commerciale et économique répondant effectivement à une logique politique imposée par la “politique” suivie par le bloc BAO dans la crise iranienne.

Certes, il reste du temps (embargo effectif en juillet pour l’UE) pour organiser de nouveaux circuits financiers complètement hors-bloc BAO (idée de Padukone), comme le gouvernement indien le fait lui-même remarquer. Mais les choses peuvent se précipiter. En Iran, des suggestions se multiplient pour que ce pays impose lui-même, immédiatement, un embargo vers les pays de l’UE, pour ne pas laisser de temps à ces pays d’organiser des sources alternatives de pétrole, notamment les trois pays les plus vulnérables à l’embargo qui sont en même temps les trois pays européens économiquement les plus mal en point (Espagne, Grèce, Italie). L’effet économique serait catastrophique pour l’Europe.

(A cet égard, on doit observer l’étrange chemin fait par l’Europe dans le sens de la dégradation, de la Chute, c’est-à-dire selon une politique de subversion et d’autodestruction d’elle-même : l’euro passé de l’ambition de la concurrence du dollar à la position de supplétif en pleine dégradation du dollar. Il y a six ans, en 2006, l’Iran tentait de substituer l’euro au dollar pour ses transactions de vente de pétrole. Aujourd’hui, l’euro est dans le même “camp” que le dollar, c’est-à-dire auxiliaire virtuel et mineur, et en crise bien entendu, du dollar et de sa doctrine d’hégémonie artificielle en pleine débâcle.)

Une dynamique de “bloc” antiSystème

…Dans ce dernier cas d’une accélération volontaire et contre-offensive de l’embargo par l’Iran, l’option “or contre pétrole” serait sans doute nécessairement d’application, puisqu’elle évite les circuits financiers alors que, dans cette option, la mise en place de circuits financiers et d’échange hors-bloc BAO n’aurait pu être encore organisée entre les puissances concernées. Quoi qu’il en soit, même si le calendrier normal est respecté, il semble bien que l’option “or contre pétrole” aura sa place dans le système qui s’ébauche, introduisant une notion théorique puissante de lien structurel entre acheteurs et vendeurs de pétrole, puisque l’or doit circuler entre acheteurs et vendeurs pour permettre la poursuite des transactions.

Nous ne sommes plus dans le domaine fantasmagorique de la planche à billets et des circuits informatiques boursiers mais dans le domaine concret de la matière, ressource concrète contre ressource concrète. Il y a donc la nécessité théorique d’équilibrer structurellement les transactions (importations d’autres produits des acheteurs de pétrole vers l’Iran, pour que l’or circule effectivement selon une “voie à double sens”, chaque pays voulant conserver des réserves en or devenues aujourd’hui si nécessaires en regard de la “singerie” que deviennent les monnaies). Cela implique des liens commerciaux et économiques, c’est-à-dire, dans le contexte général de crise politique extrême voulu par le bloc BAO, des liens politiques conduisant à la formation de facto d’un “bloc” où se trouverait évidemment l’Iran, mais où l’on trouverait des puissances telles que la Chine, l’Inde et la Russie. (“Bloc” concurrent du bloc BAO, que certains verraient alternatif, mais qui est d’abord un système antiSystème.) Les pressions de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” et de l’épisode maniaque des directions politiques du bloc BAO auraient provoqué ce que ces puissances envisagent prudemment depuis quelques années mais n’osaient encore mettre en place d’une façon si affirmée.

Ouverture solennelle de la boîte de Pandorre

De toutes les façons, la boîte de Pandore est ouverte, avec l’idée de l’introduction de l’or dans les transactions dans un commerce stratégique fondamental du Système. L’idée est à la fois politiquement dévastatrice et symboliquement d’une énorme importance. Elle implique, au travers de ce qui devient une opération de “troc” au plus haut niveau, qu’est détruit le caractère absolu et totalitaire de l’argent artificiel et virtuel (billets représentant une valeur artificielle, transfert électronique “virtualisant” totalement l’argent, etc.), qui est le fondement du Système dans sa dimension financière et commerciale.

Apparaît ainsi la possibilité que des transactions portant sur des matières essentielles se fassent dans un domaine concret de la réalité des matières impliquées. C’est la réalité qui dément le caractère absolu de l’aspect virtualiste du système financier. Il s’agirait d’un coup terrible porté, non seulement au bloc BAO, mais au Système lui-même : ce n’est plus seulement le dollar et l’euro qui sont mis en cause, c’est toute une conception de fonctionnement du monde selon le Système. Ce “coup terrible” est d’ordre politique et d’ordre symbolique très haut.

Nous préférons voir cette affaire sous cet angle plutôt que sous l’angle de la mise en place d’un système alternatif, même si cela semble le cas. L’essentiel, c’est d’abord les coups portés au Système central dont, jusqu’ici, tout le monde dépend peu ou prou. Selon notre perception séquentielle, la chute du Système est le point essentiel qui doit précéder toute possibilité d’organisation nouvelle fondamentale. C’est le point de la rupture, après lequel plus rien ne sera comme avant et sans lequel rien ne peut être qui n’ait quelque chose d’avant.

Dynamique d’autodestruction du Système

Comme on l’a déjà mentionné, le fait essentiel au niveau de l’évolution de la crise générale est bien que ces différents facteurs financiers, monétaires et commerciaux ne sont pas développés, pour ce qui concerne la “cause centrale”, en fonction d’une situation spécifique de ces domaines financier, monétaire et commerciaux. C’est, par exemple, une situation complètement différente du début de 2009, où l’hégémonie du dollar fut mise en cause (voir, par exemple, le 27 mars 2009), principalement par la Chine, pour des raisons évidemment suscitées par la crise de l’effondrement financier US de l’automne 2008, donc strictement financières.

Cette fois, nous assistons à une intégration totale de crises de nature différente : crise politique et stratégique (l’Iran), crise psychologique et crise des directions politiques (le bloc BAO et Israël), crise psychologique et bureaucratique (le fondement de la politique du bloc BAO renvoyant à la poussée nihiliste du Système), etc., pour conduire aux dimensions financière, monétaire et commerciales, en attendant d’autres dimensions. Cette intégration est un point fondamental en ceci qu’elle expose à nu qu’il s’agit bien de la crise générale d’effondrement du Système. Il n’est pas du tout assuré, et il l’est de moins en moins, qu’une guerre (celle contre l’Iran, bien sûr) soit nécessaire pour cette opération de curetage général. La dynamique d’autodestruction du Système, la dynamique de la Chute, est, à cet égard, plus rapide que tout le reste. Le temps n'est plus historique, il est métahistorique.


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