L’UE baisse son élégante culotte

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L’UE baisse son élégante culotte

Un chroniqueur disait son étonnement devant le cadeau que Juncker apportait à Donald Trump hier, une photo du cimetière et de la tombe où repose le général George S. Patton au Luxembourg, avec tracée d’une écriture élégante quoiqu’un peu vacillante le rappel que “Nous avons tant combattu ensemble”. “Que cache ce cadeau un peu morbide ?” s’étonnait le chroniqueur dont nous avons perdu la trace mais point l’esprit soupçonneux ; la partie américaniste, manquant totalement d’à-propos malgré ce qu’elle a pu voirdu président de la Commission au sommet de l’OTAN, aurait pu lui répondre par une caisse d’American pale ale, avec cette dédicace de Trump, “Alors, trinquons ensemble !”... Mais Trump s’en fout.

Il ne lui importait qu’une chose, que l’UE baissât une fois de plus sa culotte, ce qui fut fait prestement par un Juncker pour une fois très sobre. Le Financial Times, qui a certainement près de deux mille abonnements chez les fonctionnaires de l’UE, entend se montrer aimable avec de tels lecteurs qui paient rubis sur l’ongle et, par conséquent, voit dans la rencontre Trump-Juncker, « une “victoire significative pour l’UE” ».Ce à quoi Nick Beams, de WSWS.org, répond : « C’est tout ce qu’on veut saut ça. »Nous avons donc choisi, pour décrire cette rencontre, les gens sérieux, et pas les clowns du FT qui courent derrière les subventions déguisées sous forme d’abonnements à répétition.

Plongée dans un état de décomposition avancée, l’UE, porteuse des “valeurs” d’avenir propres à inspirer la marche du monde, reste attachée à l’une des plus sûres et des plus durables d’entre elles : la servilité vis-à-vis de son capo di tutti capi. Qu’il s’agisse de Trump qui a dû tweeter une bonne dizaine de fois ces deux ou trois dernières semaines que l’UE est le “principal adversaire” des USA (on pourrait même dire “ennemi” puisqu’il a utilisé le mot “foe”), qui n’a cessé de profiter de toutes les occasions pour humilier l’UE et les Européens, qui considère le sens des mots, des jugements et des engagements comme autant de morceaux de pâte à modeler dont on change la forme selon l’usage qu’on en veut faire, – qu’importe du moment que l’EU/Europe peut se voir trônant au côté du boss sur le perron de la Maison-Blanche.

Il y a de la pathologie dans cette emprisonnement forcené dans la servilité, ce qui inclinerait à l’indulgence après tout. D’autres parlent de stupidité pure et simple, de corruption absolue, de lâcheté, etc. : eux aussi ont le droit de s’exprimer et rien ne dit qu’ils ne détiennent pas une part de vérité, mais nous tenons à la pathologie comme explication principale de cette sorte de jouissance presque vertueuse de la servilité, – plutôt par souci de convenance et par illusion de l’importance d’être ce qu’on imagine être le “principal allié”, – et d’une façon plus générale par l’extrême vulnérabilité de la psychologie pour l’influence maléfiquede toutes les forces d’abaissement des vertus et des principes qui fondent une tradition et constituent le cimier d’une grande politique.

Le seul espoir qu’il faille entretenir est que la vindicte anti-UE de Trump soit la plus forte, malgré les avantages des arrangements boiteux type Trump-Juncker où l’UE baisse sa culotte en croyant conserver sa vertu. De ce côté-là, il semble qu’on puisse lui faire confiance et qu’il reviendra sur telle ou telle exigence, de façon à soumettre les dirigeants UE dans la situation douloureuse pour eux de ne pas arriver à baisser leur culotte malgré toute leur bonne volonté. Pour un personnage tel que Trump, bien connu pour ses frasques abominables, l’UE est un peu trop rancie et usée par tant d’années de tapinage pour qu’il prenne des gants avec elle. Notre conviction serait bien qu’il ne leur fera pas souvent le cadeau d’un semblant d’accord où les Européens cèdent  sur tant de points pour éviter le courroux de son maître mais qu’il les confrontera rapidement à l’un ou l’autre ultimatum, voire à des mesures unilatérales sauvagesqui montreront l’UE pour ce qu’elle est, aux yeux de tous.

Pour nous exposer la servilité empressée de l’UE, le texte de Nick Beams, – « The Trump-Juncker agreement: A manoeuvre in the global trade war », – est du 26 juillet 2018 sur WSWS.org.

 

dedefensa.org

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L’UE, un pion dans le jeu de Trump

L'accord sur le commerce conclu entre le président américain Donald Trump et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors des négociations tenues mercredi à Washington, ne signifie pas la fin du conflit entre les États-Unis et l'Union européenne. Il s'agit plutôt d'une manœuvre de Washington dans le conflit commercial mondial en cours et de plus en plus profond. Il vise en particulier à renforcer les États-Unis dans leur lutte contre la Chine en concédant à l’UE des concessions limitées et extrêmement conditionnelles.

La menace de Washington d'imposer un droit de douane de 25% sur les importations de voitures et de produits automobiles n’a pas été levée, mais seulement suspendue pendant que les négociations se poursuivent sur des relations commerciales élargies, y compris des droits zéro sur tous les biens industriels non automobiles.

Mais l'exclusion même des produits de l'automobile signifie que de telles discussions auront lieu dans des conditions où la menace tarifaire automobile pourrait être soulevée à tout moment.

Les tarifs sur l'acier et l'aluminium, qui ont déclenché des mesures de rétorsion de la part de l'UE, subsisteront mais seront réévalués au cours des discussions menées par un groupe de travail exécutif UE-États-Unis qui sera mis en place.

Le résultat des pourparlers représente un recul important de l'UE, qui avait auparavant déclaré qu'elle ne s'engagerait pas dans des négociations avec un “canon de pistolet sur la tempe”. C’est pourtant exactement ce qui s'est passé. L'UE avait demandé une exemption des taxes sur l'acier et l'aluminium et la suppression de la menace tarifaire automobile et déclaré que toute négociation devait être mutuellement bénéfique, c'est-à-dire qu'il devait y avoir des concessions des États-Unis. Ces demandes n'ont pas été satisfaites.

Selon la déclaration Juncker-Trump, il n'y aura pas d'abrogation de “l'esprit” de l'accord “à moins que l'une des parties ne mette fin à la négociation”. Cela laisse la possibilité aux États-Unis de se retirer à tout moment.

Il faut rappeler qu'en mai dernier, après des négociations à Washington avec des responsables chinois, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a déclaré que la guerre commerciale avec la Chine avait été “suspendue.” Peu de temps après, l'administration a annoncé que la menace tarifaire sur un ensemble de $50 milliards de produits chinois serait exécutée, avec une première tranche de 34 $milliards de dollars effectivement tarifée le 6 juillet. Depuis lors, M. Trump a imposé des tarifs sur des volumes pouvant atteindre 500 $milliards de marchandises chinoises.

C'est un signe certain de l'effondrement actuel des relations économiques internationales que les pourparlers Trump-Juncker n'ont pas eu le caractère de négociations, mais plutôt celui d’une visite d’un sous-fifre recevant de la part de son capo de la Mafia une offre qu’il n’était pas question de refuser. À la veille des discussions, Trump avait tweeté : « Les tarifs, il n’y a rien de mieux ! Soit un pays qui a traité les États-Unis de manière injuste sur le commerce négocie un accord équitable, soit il est frappé par les droits de douane. C'est aussi simple que ça. »

Alors que les États-Unis n'ont rien abandonné, l'UE a accepté d'augmenter ses importations de soja américain et de devenir un “acheteur massif” de gaz naturel liquéfié, tous deux considérés comme des domaines importants pour les États-Unis. Les marchés et les prix du soja ont été frappés par les restrictions imposées par la Chine en réponse aux tarifs américains, et les États-Unis ont également cherché à accroître leurs exportations de gaz. Lors de sa visite en Europe au début de ce mois, Trump a qualifié l'Allemagne de “captive” de la Russie à cause des contrats de gaz qu'elle avait conclus.

Ces manœuvres des États-Unis visant à améliorer leur balance commerciale avec l'UE et à consolider la position des producteurs de soja se déroulent dans le contexte plus large de l'intensification de la guerre commerciale contre la Chine. L'un des thèmes récurrents du Congrès américain et des grandes entreprises est l’accord [avec l’UE] avec la nécessité de prendre des mesures contre la Chine, accompagné de critiques à l'encontre de l'administration Trump pour avoir pris des mesures contre l'UE, le Canada et d'autres “alliés stratégiques”. Cela affaiblit la position américaine contre Pékin. Le problème est que si l'UE est coincée dans un coin, elle n'aura d'autre choix que de répondre aux ouvertures de la Chine pour présenter un front commun de “libre-échange” contre les États-Unis.

S'exprimant lors d'une conférence de presse conjointe avec Juncker, Trump a déclaré que les pourparlers étaient le lancement d'une “nouvelle phase dans les relations entre les États-Unis et l'Union européenne”, qui représentent plus de 50% du produit intérieur brut mondial et plus de 50 pour cent du commerce. “Si nous faisons équipe, nous pouvons faire de notre planète un endroit meilleur, plus sûr et plus prospère”, a-t-il déclaré.

Toute “travail en équipe”, s’il a lieu, n'aura rien à voir avec la sécurité et la prospérité mondiales, mais visera à renforcer les États-Unis contre la Chine, que les secteurs clés de l'administration considèrent comme la plus grande menace pour l'économie et finalement pour la domination militaire des États-Unis.

Dans ses remarques, M. Trump a déclaré que les États-Unis “travailleraient étroitement avec des partenaires partageant les mêmes idées pour réformer l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et lutter contre les pratiques commerciales déloyales, notamment le vol de propriété intellectuelle, le transfert de technologie forcé, les subsides industriels, les distorsions créées par entreprises publiques et la surcapacité.” La Chine n'était pas nommée, mais c'était la cible. L'un des axes centraux de l'administration Trump est le plan “Made in China 2025”, dans le cadre duquel Pékin cherche à élargir et à approfondir sa base industrielle et technologique. Une déclaration américaine publiée en Chine au début du mois de mai exigeait en effet que la Chine abandonne le plan et devienne une semi-colonie économique virtuelle des États-Unis. Alors que les médias chinois ont été invités à minimiser les références au plan ces dernières semaines, cela reste non négociable en ce qui concerne Pékin.

Trump calcule qu'en contrepartie d'une suspension des tarifs, l'UE, qui a aussi des griefs avec les pratiques industrielles chinoises, et surtout ses actions pour exercer une influence économique et éventuellement politique en Europe de l'Est, rejoindra les États-Unis dans une action commune contre elle.

Les considérations internes ont également joué un rôle dans l'accord proposé. Les compagnies automobiles ont émis de nombreuses critiques à l'effet que l'imposition de tarifs sur les voitures et en particulier sur les pièces automobiles perturberait considérablement leurs chaînes d'approvisionnement mondiales, Ford, General Motors et Fiat Chrysler publiant tous des rapports de déclassement des bénéfices. De manière significative, le seul soutien aux États-Unis pour les tarifs automobiles proposés vient de la bureaucratie syndicale, le Syndicat des Travailleurs unis de l'automobile décrivant le déménagement comme étant “attendu depuis longtemps”. D'autres industries se sont également opposées aux perturbations et aux augmentations de coûts résultant des tarifs de l'acier et de l'aluminium.

Dans son rapport sur les résultats de la réunion, le Financial Times l'a décrit comme une “victoire significative pour l'UE”. C’est tout ce qu’on veut saut ça. Les États-Unis n'ont rien abandonné sur le plan économique, ne retirant qu'une menace tarifaire immédiate, tandis que l'UE a offert des concessions économiques majeures.

Après la victoire contre l'Irak lors de la guerre du Golfe en 1991, – le début des guerres en cours depuis plus d'un quart de siècle, - le Wall Street Journal avait proclamé que « la force paye ! » Après avoir remporté une victoire sur l’UE, l’administration Trump tirera une conclusion similaire. Ainsi, alors que l'accord d'hier peut être qualifié de “cessez-le-feu”, la guerre commerciale mondiale continue et elle s’intensifiera.

Nick Beams