La saga Johansson-SodaStream-Oxfam-Palestine

Brèves de crise

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La saga Johansson-SodaStream-Oxfam-Palestine

L’actrice Scarlett Johansson est, dans le rangement hollywoodien, plutôt du côté du sex symbol (classée “Sexiest Woman Alive” par Esquire, en 2006 et 2013, et seule à avoir accompli cette performance du doublé) ; également excellente actrice, caractère affirmée, diverses aventures et autres qui entretiennent classiquement la chronique du genre ; et, bien entendu, engagée comme tout people hollywoodien qui se respecte dans la bienpensance caritative, comme “ambassadrice mondiale” (sic) de l’organisation Oxfam, également mondiale. C’est là où le bat blesse désormais.

Depuis (début janvier) que Johansson a accepté d’être une figure de proue publicitaire de la firme israélienne SodaStream, qui entretient une belle usine de production de boissons de soda dans les territoires occupées, eh bien cela chauffe. Oxfam a basé l’un de ses engagements sur la critique active de la présence et du comportement israéliens dans les territoires occupés, et de l’exploitation économique qui va avec. Il y a donc incompatibilité. La crise s’est développée, avec à l’intérieur d’Oxfam, un très fort parti anti-Johansson. Un premier épisode s’est conclu hier, avec la décision de Johansson d’abandonner ses relations avec Oxfam.

«A statement released by Ms Johansson’s spokesman late on Wednesday said that the actress had a “fundamental difference of opinion” with Oxfam International because the humanitarian group opposes all trade from Israeli settlements... [...] “Scarlett Johansson has respectfully decided to end her ambassador role with Oxfam after eight years,” the statement, quoted by the Associated Press, said. “She and Oxfam have a fundamental difference of opinion in regards to the boycott, divestment and sanctions movement. She is very proud of her accomplishments and fundraising efforts during her tenure with Oxfam.”

»Oxfam said it had accepted Ms Johansson’s resignation, adding that her role in promoting SodaStream was incompatible with her work as a global ambassador for the charity. “Oxfam believes that businesses, such as SodaStream, that operate in settlements further the ongoing poverty and denial of rights of the Palestinian communities that we work to support,” the group said in a statement.»

En général, l’affaire est présentée comme d’abord financière dans le cadre de l’opulence du domaine de l’entertainment (l’importance du chèque de SodaStream pour Johansson), avec les jugements qui peuvent accompagner ce point de vue. Certains n’éviteront pas également l’hypothèse de l’implication politique par rapport aux origines de Johansson : selon l’article de Wikipédia qui lui est consacré, «Scarlett Johansson was born in New York City, New York on November 22, 1984. Her father, Karsten Johansson, is a Danish-born architect originally from Copenhagen, and her paternal grandfather, Ejner Johansson, was a screenwriter and director. Her mother, Melanie Sloan, a producer, comes from an Ashkenazi Jewish family from the Bronx [...] Johansson celebrates a “little of both” Christmas and Hanukkah, and has described herself as Jewish».

Mais ce qui nous frappe surtout, c’est l’importance qu’a pris cette affaire dans le système de la communication, autant dans les médias de l’entertainment, de l’engagement politique et polémique, des “réseaux sociaux”, que du monde financier. Il est particulièrement remarquable que le Financial Times (FT) consacre des articles réguliers à cette affaire : les citations ci-dessus sont d’un article de ce 30 janvier 2014 du FT, après un autre article du FT du 28 janvier 2014 sur le sujet. Le FT aborde tous les aspects, notamment économiques et financiers concernant SodaStream, notamment l’aspect du boycott anti-israélien qui se développe (y compris au niveau financier, avec la décision 19 janvier 2014 du troisième groupe mondial d’investissement de fonds de pension, le hollandais ABP, de cesser tout investissement en Israël).

On a là, autour de l’actrice Scarlett Johansson qui représente typiquement l’entertainment et la movie industry hollywoodienne, un mélange des genres très caractéristique de notre époque. Les connexions entre des domaines très différents sont directes et extrêmement rapides et avec des effets politiques et financiers à mesure, ce qui représente avec ces caractères un phénomène très singulier de notre époque, et tout cela renvoyant à des problèmes politiques sensibles en plein développement et souvent hors du contrôle des dirigeants politique, et exacerbant d’autant ces problèmes. On se trouve ainsi devant un cas où le comportement d’une actrice hollywoodienne, Sexiest Woman Alive à deux reprises, peut influer directement et selon une connexion portant spécifiquement sur le cas, sur l’important mouvement de boycott d’Israël actuellement en développement, et donc sur la position internationale d’Israël. Il n’y a rien d’accidentel dans tout cela mais bien une logique d’époque. C’est une circonstance typique de l’ère psychopolitique où la puissance du système de la communication est considérable dans tous les domaines, et particulièrement le domaine politique à partir de la synthèse des effets d'autres domaines très différents.


Mis en ligne le 30 janvier 2014 à 17H58