«Birthday, happy ou pas » — éditorial, de defensa, Volume 18, n°01 du 10 septembre 2002

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«Birthday, happy ou pas » — éditorial, de defensa, Volume 18, n°04 du 10 septembre 2002

Pour ce 11 septembre 2002, nous publions l'éditorial de notre numéro de reprise de de defensa, le Volume 18, n°01 du 10 septembre 2002. Bien sûr, cet éditorial a trait au 11 septembre 2001.

Birthday, happy ou pas


Il y a un an que cela s’est passé. Tout le monde sait de quoi je parle. Aussitôt subi, aussitôt évalué, aussitôt mesuré, l’événement fut catalogué. Il allait bouleverser le monde. Effectivement.

Ce qui s’est passé depuis 9/11 ne laisse pas de ne pas surprendre, tant cela est conforme à la prévision pour l’importance de la chose. Il s’agit d’un bouleversement, d’une rupture, d’une ère nouvelle, et le lieu commun type “il y avait un avant-9/11, il y aura un après-9/11” devient une évidence grave, une réalité d’une force incroyable, un de ces constats qui mesurent le bouleversement de l’histoire. Même le lieu commun devient historique, — et il n’est plus lieu commun. Tout se passe comme si tout ce qui se passe était programmé, et justifié par la réalisation des choses.

Voilà pour l’auto-satisfaction. Impossible d’aller plus loin. Certes, c’est historique, mais pas du tout comme on croyait. C’est même l’inverse.

Après 9/11, il y avait eu trois réactions presque immédiates, dites comme on se confesse ou comme on déclare sa flamme à la bien-aimé qu’on n’en peut plus de désirer :

• Vive l’Amérique ! (« Nous sommes tous Américains. »)

• Agressée par le monde, l’Amérique va enfin entrer dans le monde.

• L’Amérique, cette puissance sans égale, va assurer son empire sur le monde.

Rien de tout cela n’a été rencontré, et c’est même le contraire, comme par esprit de système inversé, ou esprit de contre-système, qui est fait ou en voie d’être fait. 9/11 nous apparaît comme un de ces événements troublants en même temps qu’extraordinaire. Il est aussi important que les publicistes l’annoncèrent aussitôt, et dans un sens exactement contraire à ce que tous les publicistes annoncèrent aussitôt. Nous n’avons peut-être jamais été aussi éloignés d’être « tous Américains », l’Amérique n’a jamais été aussi repliée sur elle-même (dans la dimension qui compte, la psychologique) et l’empire de l’Amérique sur le monde n’a jamais été aussi proche d’être si radicalement contesté (dans la dimension qui compte, la fascination le cédant à la démonisation).

9/11 a déchaîné des forces cachées ou découvertes mais encore contenues, — non pas celles de l’islamisme, du terrorisme, de l’“obscurantisme médiéval”, tous ces sujets qui font les délices des intellectuels germanopratins, à longueur de colonnes, dans la page Horizons du Monde. Les “forces cachées” sont celles de notre civilisation, de nos conception militaro-technologiques, de nos certitudes morales, de notre architecture bureaucratique, de nos théories hystériques sur le progrès — toutes ces choses qui régissent, au niveau le plus primaire, l’administration américaine la plus simpliste et la plus américaniste en un sens, qu’on ait connue.

Au moins, ceci est plus vrai que tout : 9/11 est notre très grande crise.