2011 : Révoltes des Arabes ou des marins ?

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2011 : Révoltes des Arabes ou des marins ?

2011, un vent de révolte souffle sur les côtes méditerranéennes. Poséidon prône le changement et pousse Mare Nostrum à s’affranchir de sa tutelle atlantique, avant d’ébranler d’autres rivages...

Le nom générique et marketing de “révoltes arabes” fut trouvé à la hâte et indûment repris par une presse qui croyait fermement à l’intangibilité des antiques dirigeants du sud de la Méditerranée. Cette expression permettait d’appréhender l’avenir rassuré, en se posant la question foireuse (au sens étymologique, relatif à la foire) : A qui le tour ?

“Tunisie, Égypte, Bahreïn, Libye, Syrie, … ils sont tous Arabes ces gens-là, appelons ça les révoltes arabes”. Cette logique de stigmatisation anthropologique à la limite du racisme, voudrait donc que ce soit l’appartenance à une “race” qui pousse à la révolte. Suivant une autre logique insensée, nous ajoutons la Grèce et l’Espagne à ces pays, pour renouer avec un aventureux déterminisme géographique : “ce sont tous des peuples de marins, il doit y avoir un vent maritime de révolte”.

En effet, nous voyons que les ancêtres des révoltés avaient tous la réputation de navigateurs, que ce soit les Carthaginois, les marchands phéniciens ou ceux qui adoraient la mer fluviale du Nil, et encore les colons grecs atterris à Cyrène. Cette dernière ville, selon sa mythologie, doit son existence à un roi de Libye [sûrement en exil à Londres] qui offrit son pays à quiconque parviendrait à tuer le lion qui ravageait son royaume [nous tenons ici la raison symbolique de l’exécution du vieux lion Kadhafi]. Les Grecs (ainsi que leurs cousins chypriotes) et les Indignados de l’ancienne Invincible Armada du XVIème siècle peuvent s’agréger facilement à cette liste de nations en crise.

Les pays méditerranéens qui n’ont pas été secoués ne possèdent pas cette spécificité et sont peuplés de montagnards. La Turquie a renié son héritage gréco-ottoman en déplaçant sa capitale à l’intérieur des terres, les villes côtières algériennes ont connu un envahissement venu des montagnes (de surcroit, leur célèbre corsaire Barberousse fut un Albano-Catalan), les ex-Yougoslaves et les Albanais ne regardent pas la mer (la situation des nouvelles capitales le prouve) et les Italiens sont devenus de piètres marins quand les cités se sont unies sous l’égide de la Rome terrestre.

Au Liban, la tourmente s’est produite dans la sphère politique (donc de manière moins spectaculaire) avec la fin du gouvernement pro-atlantiste. Tandis que les peuples israélites et cananéens étant trop occupés à se détester, ne peuvent amplifier leur révolte interne. Quant aux Français, Portugais et Marocains, leurs navires voguaient essentiellement sur l’Atlantique.

Cette tempête a déferlé sur des rivages au-delà de la Méditerranée, chez les marins yéménites et bahreïnites pour ce qui est des Pays d’islam ou du Monde arabophone (dénominations bien plus cohérentes que le Monde Musulman ou le Monde Arabe : le terme “musulman” ne s’appliquant qu’à l’humain et “Arabe” désignant un peuple qui aurait réussi l’exploit démographique de remplacer tous les autres peuples de la région !). Ce cyclone s’est propagé ailleurs, nous retrouvons des stigmates dans certains coins du monde tournés vers le large : des émeutiers des anciens maîtres des mers anglais, aux pirates somaliens, en passant par le Wisconsin (où le peuple Chippewa pêchait sur l’immense lac Supérieur). Désormais, après avoir poussé Atlante à se replier sur son inique territoire du couchant, le vent arrive au bon port de New York, où une tornade s’est constituée frappant de plein fouet le “Mur de la Rue” pour qu’il s’effondre…

Ce déterminisme géographique est tout aussi viable (et tordu) que l’ethnicisation médiatique ; avec les mêmes acrobaties mentales, nous pouvons réussir à presque tout englober (mis à part le Kirghizstan qui a été le prototype de ces révoltes dites “arabes” en avril 2010, avec une similarité dans le déroulement, la présence d’intérêts géostratégiques externes et d’une coalition aberrante). Il permet de plus, une symétrie entre deux vents violents frappant à 20 ans d’intervalle : le typhon qui fit se révolter les terriens de l’Empire Soviétique et l’actuel tsunami qui peut provoquer la chute d’un second empire.

Ismaël Malamati