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Article : “Valeurs” versus principes

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Structure versus fonction

jc

  10/07/2018

Lorsqu'on actionne le moteur de recherche de Dedefensa, "Principe" renvoie à 54 articles, alors que "Valeurs" renvoie à deux seulement (en fait un seul pour ce commentaire). (PhG est un logocrate assumé, ceci explique sans doute cela…)

Ce que PhG entend par principe et par valeurs est explicité dans le paragraphe "Les principes contre les valeurs"  de l'article "Poutine, la Russie et le sens de la crise":

"C’est le constat d’une différence fondamentale de sens, c’est-à-dire de l’essence même de la chose, de ce qu’est une civilisation. Cette différence est développée et explicitée, si l’on veut, autour de ce qu’on pourrait identifier comme un affrontement entre les “valeurs” et les principes : les “valeurs” étant l’acquis d’un développement donné (la modernité, dans ce cas), instituées par ceux qui l’ont développé, donc par les responsables humains de la modernité, éventuellement devenues, par la force des choses, des acteurs actifs de ce qui est devenu le Système ; les principes étant ce qui est intangible, qui précède tout développement et toute civilisation, qui structure la voie et le sens de ce que toute civilisation doit chercher à faire pour s’accomplir en tant que telle."


Je vois ces choses comme suit:

(Pour planter le décor et fixer les idées, liberté, égalité, fraternité sont des valeurs fondamentales de notre république, alors qu'indivisibilité, laïcité et démocratie en sont des principes fondamentaux.)

Je place les principes du côté de la structure mais aussi du côté de la légalité et de la syntaxe, et par dualité, les valeurs du côté de la fonction, mais aussi de la légitimité et de la sémantique.

"In principium erat verbum": c'est ainsi que, je suppose, le logocrate PhG justifie son "qui structure la voie et le sens".

La position de Thom est opposée (Thom topocrate). Pour lui, dans les sociétés (et les civilisations), c'est la fonction qui crée l'organe (et il en infère que ce principe lamarckien vaut aussi en biologie -arguant, je suppose, du fait que ce sont fondamentalement les mêmes dynamiques qui sont à l'oeuvre): cf. le film de Godard sur Thom    http://www.ina.fr/video/CPC7606652202  à 39'45

Thom étudie le rapport structure-fonction dans l'article "Structure et fonction en biologie aristotélicienne" (AL pp. 247 à 266). Je relis de temps en temps cet article en espérant qu'un jour je finirai par y comprendre quelque chose: ce n'est pas le cas pour l'instant.

Mais pour Thom c'est sans hésitation le sens d'abord:

"C’est-à-dire que pour nous, la question de l’acceptabilité
sémantique d’une assertion est un problème ontologiquement
antérieur à celui de sa vérité. La vérité présuppose une signi-
fication. L’idéal des logiciens (et de certains mathématiciens*)
d’éliminer la signification au bénéfice de la seule vérité est un
contre-sens philosophique."

De même que la vérité présuppose une signification, de même une structure présuppose une fonction qui fonctionne.

* au premier rang desquels on trouve les hilbertiens et les bourbakistes.



 

Valeurs et principes

Ni Ando

  10/07/2018

Intuitivement je vois cela un peu différemment. Les valeurs sont celles qui m’appartiennent et aussi celles du monde où je vis. Si on parle des miennes ce sont les choses non corporelles qui me font mieux vivre, mieux en tout cas qu’une machine dotée d’un comportement répétitif. C’est à la fois du comportemental et du mental. Ces choses-là sont donc forcément subjectives mais elles sont aussi structurantes pour moi, s’il s’agit vraiment de valeurs. Ce peut être le goût de la vérité, de l’intégrité, le courage, l’amitié, le plaisir, etc.. tout ce que vous voulez. Les valeurs sociales, celles appliquées au niveau de la société, recoupent logiquement au moins en partie les premières mais s’y ajoute une dimension supplémentaire, à savoir un ensemble de règles tacitement ou légalement acceptées comme autorisant et favorisant la vie en commun, règles issues de l’histoire et donc de l’expérience collective. La politesse, les méthodes de résolution des conflits, sont des « valeurs sociales ». Dans ce cadre, je vois les principes comme des règles de comportement visant à atteindre ou protéger ce qui pour nous « a de la valeur ». La Fédération russe, ou n’importe quel autre pays, défend le « principe de souveraineté » parce que cette notion une fois traduite dans le réel permet d’atteindre des valeurs sociales évidentes en termes de paix sociale. Cette dernière permettant plus facilement à mes valeurs particulières de s’épanouir.  
 

Structure versus fonction.1

jc

  10/07/2018

"Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice…" (citation de Daniel Rops répétée à la fin du deuxième tome de "La Grâce de l'Histoire".

Pour moi l'opposition structure-fonction se retrouve dans l'opposition volonté créatrice-matière rétive et plus généralement dans l'opposition yang-yin.

Qui mène la danse? Qui est l'être premier?

Pour Thom et Grothendieck c'est le yin. Tout me porte à croire que, pour PhG, c'est le yang.

PhG qui écrit:

"Il m'importe ici, dans la conclusion de ce deuxième tome de "La Grâce de l'Histoire", de découvrir un symbole décisif qui me permette l'essentiel de ce travail ("La Grâce"). (...) La phrase de Daniel Rops, par je ne sais quelle circonstance que je n'ai évidemment pas cherchée, rassemble les matériaux de mon travail."

Eclaircissements dans le troisième tome?

 

PRINCIPE / VALEUR

EricRobertMarcel Basillais

  10/07/2018

Cet article de fond est très important :
l'opposition duale Principe / Valeurs est abondamment décrite en termes d'une autre dualité : Nécessaire /Aléatoire.

Lorsqu'on se souvient de la définition du Mal par Plotin, que vous utilisâtes une fois, on comprend simultannément l'analogie entre l'ordre politique et l'ordre spirituel.

Même si les catégories du Christianisme diffèrent, ells sont rigoureusement identiques quant à la chose. Et, étant éternelles, c'est bien ce qui importe.

C'est pourquoi il m'a semblé utile de rétablir le Christianisme dans ses principes même, ayant constaté le levain d'Hérode et le levain des Pharisiens dans moulte production dite  "traditionnelle".

Indépendamment de tout espoir de réussite dans cette entreprise (et il en est de même dans l'ordre, plus temporel, où vous travaillez), n'est-ce pas le principe même de sa tentative qui est le plus important ?

Logos, PhG et Thom

EricRobertMarcel Basillais

  11/07/2018

1/ Je ne savais pas que PhG était "Logocrate". Je m'en réjouis si nous partageons bien le sens du mot Logos.  Il y a la définition logique  (in LOGOS.PDF  : https://ericbasillais.files.wordpress.com/2016/11/logos.pdf ) et il y la définition Johannique : In principium erat Verbum , En arche ên ho Logos . C'est légèrement différent mais ontologiquement équivalent (Trinité).

2/ @JC : si jamais il existe une version PDF des sources de THOM, je suis preneur :





 

jc

  11/07/2018

Il me semble que PhG a trop tendance à dévaluer la notion de valeur (en l'écrivant quasi-systématiquement entre guillemets) et à surévaluer celle de principe (en l'écrivant quasi-systématiquement sans guillemets).

Pour moi il doit absolument y avoir une étroite corrélation (une dualité parfaite?) entre principes et valeurs. De bon principes vont engendrer de bonnes valeurs, alors que de mauvais principes vont engendrer de mauvaises valeurs. D'un ensemble de bonnes valeurs on pourra espérer remonter à de bons principes qui les engendrent, alors que c'est sans espoir si, par exemple, certaines valeurs sont contradictoires (liberté, égalité et fraternité?).

En termes guénoniens(?) les principes renvoient selon moi à la Jérusalem Céleste, yang, alors que les valeurs renvoient au Paradis Terrestre, yin. (Une partie du commentaire d'ERM Basillais va, selon moi, dans ce sens: ordre spirituel yang, ordre politique yin -je ne suis pas d'accord avec l'opposition nécessaire-aléatoire.)

PhG: “[les]principes… font la structurations de la pensée* et des actes, [tandis que les] “valeurs”… sont des choix de la pensée* (d’une pensée* ou l’autre, par définition partisane) pour justifier des actes”

Pour moi on retrouve là l'opposition aristotélicienne acte-yang/puissance-yin. Qui mène la danse? Qui est ontologiquement l'être primitif? Pour moi c'est yin, c'est l'oeuf totipotent (le Dieu tout puissant).

En logique mathématique on retrouve l'opposition théorie/modèles (reliées entre elles par le théorème de complétude de Gödel). Pour moi c'est le modèle qui est primitif. (C'est de l'idée intuitive de nombre entier et de l'idée intuitive d'ensemble que sont nées les théories de Péano et de Zermelo-Frankel, et non l'inverse.)

La position yang est également défendable. Ainsi "Stabilité structurelle et morphogénèse" est sous-titré "Essai d'une théorie générale des modèles".

Chacun voit midi à sa porte, ou, plutôt ici, voit les choses du ciel ou de la terre.

*: Thom: "L'homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son temps à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire: aussi va-t-il "penser", c'est-à-dire saisir des êtres intermédiaires entre les formes extérieures et les formes génétiques: les concepts." (SSM p.309)
 

@PhG et @JC

EricRobertMarcel Basillais

  11/07/2018

A propos de la dualité de PhG
Principe/Valeurs = Nécessité/Aléatoire , JC dit :
" Pour moi on retrouve là l'opposition aristotélicienne acte-yang/puissance-yin. Qui mène la danse? Qui est ontologiquement l'être primitif? Pour moi c'est yin, c'est l'oeuf totipotent (le Dieu tout puissant). "

ERM Basillais répond :
Mais oui ! C'est exactement cela : il est possible ( avec toutes les réserves liées à l'homologation entre culture grecque et chinoise, si différentes) de poser l'identité des dualités (Cf.LOGOS.PDF, vol. 1, Page 50, §: Infinis Contraires :
https://ericbasillais.files.wordpress.com/2016/11/logos.pdf)
Acte-Yang/Puissance-Yin. (avec majuscules : ce sont des ...Principes !).

JC
a dit : "Qui mène la danse? Qui est ontologiquement l'être primitif? Pour moi c'est yin, c'est l'oeuf totipotent (le Dieu tout puissant). "
ERM Basillais
répond :
Ni l'Acte, ni la Puissance : mais le POSSIBLE  ! (Cf. DRVID.PDF, vol. 4, Page 11 : in
https://ericbasillais.files.wordpress.com/2017/12/drvid-pdf1.pdf )

Et si vous voulez utiliser l'analogie chinoise :
Ni le Yang, ni le Yin, mais le Tao !

Addendum

EricRobertMarcel Basillais

  11/07/2018

...Addendum : Quant à ERM BASILLAIS, il en déduit logiquement et ontologiquement .... la Sainte TRINITE chrétienne, l'emportant définitivement sur les prétentions sémites anti-trinitaires.

Principes versus Valeurs principielles

jc

  13/07/2018

J'ai du mal avec la distinction principe-valeur. L'article "Principe philosophique" de Wikipédia n'arrange rien:

"Le principe le plus élevé, selon Platon, est l'Un, identique au Bien et au dieu."

Il y a ainsi identité, pour Platon*, entre le principe le plus élevé, le Un (plotinien?), et la valeur pour lui principielle, le Bien, la différenciation Un-Bien (Yang-Yin?) se faisant ultérieurement.

Les valeurs principielles d'une société, d'une civilisation, sont, je crois, exactement ses valeurs sacrées. Toutes les civilisations ont sacralisé la nature. Toutes sauf une: la nôtre. Notre contre-civilisation a en effet choisi de sacraliser ce qui désacralise la nature, à savoir la technique (nature -> artefact), et de sacraliser ce qui désacralise Dieu, à savoir l'argent (god -> gold).

Jacques Ellul dit ça très bien:
« Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique.»
« L'invasion technique désacralise le monde dans lequel l'homme est appelé à vivre. (...) Mais nous assistons à un étrange renversement : l'homme ne pouvant vivre sans sacré, il reporte son sens du sacré sur cela même qui a détruit tout ce qui en était l'objet : sur la technique. »

Dans l'article Wikipédia sur Ellul on trouve ceci:

"Ce qu'Ellul appelle « sacralisation de la technique » relève donc de l'idéologie et rejoint le concept contemporain de fuite de soi. C'est pourquoi, insiste-t-il, « croire que l'on modifiera quoi que ce soit par la voie institutionnelle est illusoire », la politique, dans son ensemble, est elle-même une gigantesque illusion, ce qui importe fondamentalement, c'est que les hommes, dans leur singularité, revoient chacun leur façon de penser le monde. À cet égard, la pensée d'Ellul rejoint celle de deux de ses contemporains, Guy Debord et Jean Baudrillard respectivement à l'origine des théories de la société du spectacle et du simulacre."

Une façon originale de penser le monde, Thom l'a assurément: pour lui l'oeuf totipotent (le Un?,le Dieu tout-puissant?) est l'analogue de la fonction différentiable (mais non différentiée) et il y a analogie entre le développement de l'oeuf totipotent et le développement de Taylor (SSM p.32)

On se souvient de Galilée: "Le livre de la nature est écrit en langage mathématique". Les Principia** de Newton ont orienté les mathématiques dans une direction qui a eu, selon moi, une influence non négligeable sinon déterminante sur l'avènement de l'ère technicienne, sur le divorce entre science et philosophie et sur l'inversion de notre civilisation en contre-civilisation. Mais qui, aujourd'hui, considère que les principes mathématiques de Newton sont des principes philosophiques? Qui considère aujourd'hui que la philosophie de Newton est une philosophie naturelle? "Les lumières c'est l'industrie", disait Gouhier (que PhG cite de temps à autre).

"Thom: un nouveau Newton"? Des média scientifiques l'on titré à l'heure de gloire de la théorie des catastrophes (début des années 1970). Comme Newton, Thom s'affiche philosophe de la nature. La différence est que la nature considérée par le premier est inanimée alors que celle considérée par le second est une nature vivante.

La mathématique au principe de toute chose?
Thom: "Selon beaucoup de philosophies, Dieu est géomètre, il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu." (Article "Infini opératoire et réalité physique" -que je n'ai pas lu!)


* Selon Wikipédia…

** Philosophiae naturalis principia mathematica
 

Erat ou Erit?

jc

  13/07/2018

"In principium erat verbum" ou "In principium erit verbum"? (esse: erat imparfait, erit futur)

Dans sa jeunesse Thom a concocté une théorie dynamique de l'éternel retour (cf. la fin de l'entretien Thom-Nimier  http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html ). Il semble que sa position a évolué ultérieurement:

"Il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."

Influencé par le "Premier selon l'Être, dernier selon la génération" d'Aristote?

Sa tirade de Porphyre (ES p.216) se termine par:

"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."

Erat: Dieu-Yin en puissance au commencement des temps?
Erit: Dieu-Yang en acte à la fin des temps?





 

À l'ordre du jour!

jc

  15/07/2018

@ERM Basillais

Jc

  15/07/2018

Je viens de trouver ça (je n'ai pas lu):

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01265180/document

Stabilité structurelle et structuralisme

jc

  16/07/2018

Ce qui suit ne me semble pas déplacé en commentaire de ce papier consacré aux principes et aux "valeurs".

Dans l'article de Jean Petitot* sur les idées "princeps" de Thom que je commence à parcourir, je recommande le court paragraphe 4.3 qui concerne un principe nouveau que la "Déesse raison" des Lumièèères n'a jamais pris en considération, celle-ci n'acceptant que le principe d'identité, le principe de non-contradiction (que refuse Thom), le principe du tiers exclu(?) et le principe de raison suffisante (avec grande réticence -sinon rejet pur et simple- lorsque la cause est finale). Il s'agit de la mathématisation d'un principe philosophique énoncé par Spinoza: "Tout être tend à persévérer dans son être". Si l'on accepte qu'il y a en l'occurrence un accord entre mathématique et réalité (réalisme métaphysique), alors s'ouvrent de nouveaux horizons pour les rapports entre science et philosophie explorés par l'article de Petitot (horizons que se refuse la science-Système actuelle).

Il ne fait pas de doute pour moi que PhG est structuraliste. (On remarque que dans la très courte liste des structuralistes établie par le linguiste Jakobson figure le russe Troubetskoï, défenseur de la théorie de l'eurasisme qui a, paraît-il, influencé Douguine.)

Thom est selon moi celui qui est allé le plus loin dans la voie du structuralisme. Sa théorie linguistique ébauchée dans les articles "princeps" que sont "Topologie et linguistique" et "Topologie et signification" peut être vue comme une justification -via le concept de stabilité structurelle- de la citation de Steiner maintes fois faite par PhG: "...l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la “maison du langage” (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… »


https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01265180/document 

(Petitot est l'un des meilleurs connaisseurs de l'oeuvre de Thom. Cependant je suis convaincu qu'il n'est pas thomien (il se dit lui-même libéral, aronien, hayekien et popperien). En particulier ses vues sur le progrès et l'innovation me semblent aux antipodes de celles de Thom.)