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Article : Une « famille d’esprit », ou le “Signe des Temps”

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Famille d'esprit et esprit de famille

jc

  09/03/2019

Guénon et Evola (auxquels je rajoute PhG) sont de la même famille d'esprit.

Bien que Thom ne soit pas de cette famille -du moins je crois-, je suis de plus en plus convaincu qu'il y a quand même entre les précités et Thom un esprit de famille. Et l'un des liens qui les unit est qu'ils opposent tous "L'éternel présent" de la Tradition au "Big Now" des modernes et des postmodernes.

Pour les scientifiques le "Big Now" est né avec l' "invention" du calcul infinitésimal. C'est là que le temps est devenu un ensemble d'instants repérés par autant de nombres réels "ordonnés", et que l'espace est devenu un ensemble de points repérés par leurs coordonnées cartésiennes. C'est là que le temps a été "haché menu" -et l'espace aussi- par le biais de sa représentation cartésienne par la "droite réelle", c'est là que le temps est devenu une succession de "Big Now", rendant impossible, pour ceux qui acceptent cette représentation du temps -les scientifiques dans leur immense majorité et, à leur suite, les "penseurs-Système"-, de concevoir l' "Eternel présent". Et même de concevoir le mouvement! Car l'invention du calcul infinitésimal n'a pas résolu pour autant les paradoxes de Zénon¹.

Bien qu'il ne soit pas de la famille, Thom est à ce propos -et selon moi à beaucoup d'autres- dans le même esprit, comme le montrent les quelques citations suivantes (il y en a beaucoup d'autres):

- "Le monde concret se trouve immergé dans l'abîme qui sépare le vrai continu, celui que nous procure l'intuition immédiate du temps, du faux continu pseudo-numérique que nous fabriquent les logiciens et autres théoriciens des fondations de la Mathématique."

- "L'existence du continu apparaît comme une donnée primordiale. C'est par elle, croyons-nous, que s'opère la jonction entre la description langagière d'Aristote et la description mathématisée de la Physique post-galiléenne."

- "Peut-être faudra-t-il renverser l'interprétation traditionnelle des paradoxes des Eléates. Ce n'est pas le continu qui fait problème, mais bien le continu dans sa réalisation d'infini actuel, qui justifie l'infini dénombrable car, n'est-ce pas, Achille finit par dépasser la tortue."

Dans "Le règne de la quantité et les signes des temps", Guénon considère deux sortes de quantité: la quantité  continue et la quantité discrète (le nombre). Pour moi Thom est d'abord un penseur du continu, donc un quantitatif au sens de Guénon; mais ce n'est pas du tout un quantitatif numérique, que le nombre soit pris au sens vulgaire ou même au sens sacré -il laisse volontiers, je crois, cette approche sacrée à Grothendieck-, et, bien entendu, ce n'est pas un penseur du pseudo-continu "à la Descartes". Thom n'est donc pas "de la famille"; il est trop "matérialiste" pour cela, trop topocrate. Ce qui ne l'empêche pas d'être pour l'unité primordiale, continuité oblige; et par ce biais fondamentalement membre éminent de la grande famille des anti-Système.


 ¹: Cf. "Les principes du calcul infinitésimal", en particulier le chapitre XXIII.