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Article : Trudeau : dire la vérité contre son gré

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Flux d'énergie

Laurent Caillette

  13/09/2018

La diversité est le contraire de l'entropie, car l'entropie représente une destruction d'information. Pour préserver la diversité il faut des frontières. Même si Justin Trudeau se gourre complètement, il a au moins le mérite d'importer un mot important dans le vocabulaire politique. 

Il se peut qu'il ait lu l'ouvrage de François Roddier : Thermodynamique de l'Évolution, un essai de bio-thermo-sociologie. La puissance explicative de ce livre est telle qu'elle affecte tout raisonnement ultérieur. On imagine le pauvre Justin Trudeau essayant d'y puiser des mots brillants qui enrichiraient son discours mais sans le désintégrer complètement. Eh bien, il a suffit de l'ombre d'une miette de vérité pour lui faire dire le contraire de ce qu'il voulait dire. 

François Roddier porte à notre connaissance la loi qui régit l'Univers à toutes ses échelles : toute structure s'auto-organise de façon à maximiser le flux d'énergie qui la traverse. 

Pour s'en convaincre il suffit de regarder la courbe représentant l'énergie dissipée par unité de masse pour des structures apparues au cours de l'évolution. Y figurent étoiles, végétaux et mammifères ; on découvre qu'un être humain dissipe 10.000 fois plus que le Soleil, par unité de masse (1 kg d'humain contre 1 kg de Soleil). L'évolution de cette dissipation est une belle exponentielle sur l'échelle du temps. Une société humaine est également, ô combien, une structure dissipative d'énergie.

Ajoutons cela aux lois connues de la thermodynamique : dans un système clos l'entropie ne peut que croître, jusqu'à l'indifférenciation complète. Et il est possible pour un système de diminuer son entropie en consommant de l'énergie, c'est-à-dire en "exportant" son entropie au-dehors, vers les systèmes environnants. 

Avec cela on a les éléments pour une compréhension intuitive du fonctionnement des structures évolutives, indépendemment de leur taille apparente. Thermodynamique de l'Évolution prend également grand soin de détailler le mécanisme d'effondrement (fondamental pour l'évolution) dont l'amplitude est inversement proportionnel à la fréquence.

La notion d'entropie est ce qui fait tenir toute la théorie d'aplomb ; il se trouve que c'est une dimension totalement contre-intuitive. Ce n'est pas "juste" la chaleur, ni "juste" le bruit perturbateur de l'information. C'est une notion qui permet d'intuiter l'équivalence entre énergie et information, et institue qu'un changement change de nature avec sa vitesse (réversibilité et flèche du temps). 

Le livre de François Roddier nous convainc de l'intérêt de considérer une société sous le jour de sa production d'entropie, ou plus précisément, de la caractériser par la vitesse et la quantité des transferts d'énergie-information avec les systèmes environnants. Ainsi outillé il devient aisé de constater que l'ordre social reproduit les lois de la thermodynamique ; par exemple un ordre social bâti au cours des siècles peut être vu comme un réservoir d'énergie ; l'accès à cet énergie nécessitant de "consumer" cet ordre-là, c'est-à-dire d'instaurer le désordre. Désordre qui, dans la pratique, se traduit par toujours plus de mélanges donc d'indifférenciation.

 

« L'entropie est notre force »

Nicolas Prenant

  13/09/2018

Je dirais même plus :

"L'entropie, c'est la force."

Vous m'aurez compris…

Analogies et archétypes

jc

  14/09/2018

Ceci est un commentaire sur le commentaire de Laurent Caillette.

Toute analogie se réfère à un archétype. Autrement dit (et contrairement à la définition mathématique de l'équivalence qui affirme que si B est analogue à C alors C est analogue à B) il y a dans toute classe d'équivalence, c'est-à-dire dans toute classe d'entités analogues, un ordre -souvent caché et subtil- qui distingue dans la classe un élément archétypique A, B et C n'étant alors analogues que parce qu'ils sont tous deux analogues à l'archétype A. Et cet archétype dépend du système de croyance, de la vision du monde -du paradigme pour faire "à la mode"- de celui qui opère cette classification.

(Pour fixer les idées considérons 2x2 et 3+1. Ces deux quantités sont équivalentes dans notre système de croyance -commun depuis le CP- puisque les deux "valent" 4 -elles sont 4-valentes-. Mais dans la vision d'un "additif" l'archétype sera 3+1 et dans celle d'un "multiplicatif" (par exemple un cordonnier) l'archétype sera 2x2. Bien que ce ne soit pas l'objectif de mon commentaire on notera ici qu'il y a "perte d'information" -"augmentation de l'entropie"- en remplaçant 2x2 et 3+1 par 4.)

Le grand intérêt de l'essai de François Roddier est, selon moi, d'oser des analogies* -et il en ose, toujours selon moi, de très belles et de très profondes**, analogies rapportées -si j'ai bien compris- à l'archétype thermodynamique du cycle de Carnot. René Thom fait également des analogies, elles aussi très belles et très profondes, rapportées à des archétypes "hors substrat", donc platoniciens, archétypes qui sont ses fameuses catastrophes élémentaires.

Pour moi la vision de Thom est considérablement plus profonde -et plus scientifique***- que celle de Roddier, et ce n'est pas à mes yeux un hasard si l'on retrouve la fronce -et la falaise de Sénèque- dans les figures explicatives de Roddier. Mais chacun voit midi à sa porte****.


*: Un problème important est de savoir si cette démarche est ou non scientifique (selon le système de croyances scientifiques en cours, c'est, il me semble, l'adage "comparaison n'est pas raison" qui fait loi).

**: http://www.dedefensa.org/article/vers-un-effondrement-de-civilisation

***: Pour Thom la théorie des catastrophes est une théorie de l'analogie.

****: Prigogine et Thom se sont violemment heurtés à ce propos, et, au fond, à propos du déterminisme en science, vers la fin des années 1970.