France-Syrie : une politique-poire devenue blette

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France-Syrie : une politique-poire devenue blette

Ci-dessous, on peut lire une longue interview de Fabrice Balanche publiée par RT-France le 8 septembre 2015. Il s’agit d’un tableau détaillé, actualisé jusqu’aux hypothèses les plus récentes (départ possible de Fabius) d’une politique syrienne de la France qualifiée par l’interviewé lui-même, — «... au final du cosmétique, comme tout ce que fait François Hollande». Ce jugement permet de juger de l’ensemble de l’interview comme d’une appréciation très équilibrée de la “politique” française en Syrie. On comprend que le reste est à l’avenant, – What else?, en effet.

Dans l’introduction du texte, l’interviewé, Fabrice Balanche, est présenté comme «Directeur du Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et maître de conférences à l’Université Lyon 2. Il a vécu une dizaine d’années entre la Syrie et le Liban, terrains privilégiés de ses recherches en géographie politique. Il a publié en 2006 un ouvrage sur la Syrie contemporaine : La région alaouite et le pouvoir syrien dans lequel il analyse le clientélisme politique qui structure le régime baathiste. Son dernier ouvrage : Atlas du Proche-Orient arabe  présente les traits communs et la diversité du Proche-Orient arabe (Syrie, Liban, Jordanie et Palestine) contemporain

Le sujet est donc la politique syrienne de la France dans un contexte extrêmement agité, comme l’on sait, et une politique qui est décrite comme entamant une rupture qui pourrait être qualifiée de majeure. Cette “rupture” est celle de la ligne résolument, hystériquement anti-Assad suivie par la France, et qui est la marque personnelle du ministre des affaires étrangères d Fabius. (D’où l’hypothèse, qu’on jugerait alimentée par certains bruits de couloir, de son départ prochain. D'autre part, certaines déclarationds de Fabius, notamment sur RTL le 10 septembre, semblerait montrer qu'il sent passer le vent du boulet et entreprend une démarche salvatrice pour ébiter un éventuel limogeage...) Néanmoins, le ton de l’interview (“cosmétique”, etc.) ne laisse pas d’alimenter certaines appréhensions sur cette évolution ... C’est-à-dire que cette politique repose sur un exécutif si faible dans le chef de ceux qui le gouvernent, politique symbolisée autant que caractérisée par une sorte de psychologie caoutchouteuse, avec la résolution à mesure, qui semble être le caractère principal de la machinerie intellectuelle du président français. L’orientation d’une politique est évidemment importante, et par conséquent un changement d’orientation également, mais que valent l’une et l’autre si manquent la résolution, la conviction, la fermeté du caractère?

L’une des caractéristiques les plus remarquables de la période, surtout pour la France qui prétend avoir une tradition de haute politique extérieure et une conviction avancée et postmoderne des réformes sociétales, c’est que justement s’ajoutent deux aspects de la même crise embrassant la Syrie et l’UE, avec les autres acteurs concernés (USA, Russie, etc.), un aspect de politique de sécurité de type traditionnel et un aspect de politique sociétale de type postmoderne. Cette occurrence est donc particulièrement importante pour la France, dont on a rappelé la prétention de figurer avec force dans les deux registres. Le problème est que, selon les forces d’influence habituelles et l’affectivisme régnant, on peut aisément rencontrer des situations où l’observation “s’ajoutent deux aspects de la même crise” peut aisément être remplacée par “se télescopent deux aspects de la même crise”.

• D’une part, le passage prudent, sinon prudentissime de la France à une stratégie anti-Daesh en Syrie débarrassée de l'hypothèque Assad (nécessité conjointe d'être anti-Assad) suppose, d’une façon ou l’autre, sinon une coopération, du moins une “cohabitation aérienne” avec le régime Assad, voire des accord tacites sinon techniques dans le contrôle de l’espace aérien, pour éviter des interférences dommageables. Dans ce cas, certains peuvent argumenter que les “bruits” sur la présence renforcée de la Russie, ou dans tous les cas sur la perspective d’une présence renforcée sont fondés selon l’idée qu’il existe une nécessité d’élargir le plus possible la coalition “anti-Daesh”, et notamment avec la possibilité souvent évoquée ces dernières semaines d’une participation russe.

• D’autre part, on peut observer les effets à la fois d’influence et d’affectivisme, aussi bien en Europe (et notamment en France) et aux USA, d’abord vis-à-vis de l’idée d’un renforcement russe en Syrie, décrit quasiment sans aucun souci de l’absurdité du propos, comme une “agression” en Syrie, quasiment contre une mythique opposition vertueuse et démocratique anti-Assad. La plupart des commentaires de cette sorte font en effet de l’action des Russes une nouvelle “aventure” type-ukrainienne pour sauver l’immonde Assad, à l'image des dizaines d’invasions russes pour sauver les non-moins immondes “terroristes” du Donbass qui sabotent le destin idyllique de l’Ukraine démocratique. Tout cela est absurde puisqu’effectivement on parle plus haut d’une sorte de “coexistence aérienne” avec Assad, mais l’absurdité n’a pas sa place dans le domaine de l’affectivisme où la logique est remplacée par l’affect humanitariste, avec les influences qui vont avec, qui se passent résolument du filtre de la logique et “raisonnent comme on résonne”, c’est-à-dire en répercutant l’écho de ces vagues d’émotions sans y exercer le moindre contrôle, – nous dirions pour le plaisir de la chose. Dans ce pan de la vox populi richement subventionnée, les oracles ne comprennent rien et contredisent totalement une vérité de situation, mais ils se fichent complètement de ces avatars accessoires comme la compréhension et la contradiction puisque ressurgissent les descriptions hystériques des démons Poutine et Assad, – là aussi “le plaisir de la chose”. Par ailleurs, on ne peut pas dire que les incroyables sinuosités de l’administration Obama, appelant à l’engagement russe le 1er septembre avec les USA sur l’air d’un “il serait temps qu’ils s’engagent en Syrie contre Daesh”, condamnant le 4 septembre cet éventuel engagement comme une “déstabilisation” menaçant de conduire à une confrontation USA-Russie, soient d’une très grande aide pour stopper cette marée diluvienne d’affectivisme agressif.  

Le problème est évidemment de savoir ce qu’il va ressortir de cette “confrontation” dans le flux du système de la communication en France, par rapport à l’inflexion qui serait donc perceptible de la politique française. L’abandon éventuel du “fabiusisme” (avec ou sans le départ de Fabius), c’est-à-dire le politique étrangère (syrienne) française élevée au rang grandiose de l’anathème anti-Assad, entre en conflit direct avec les exigences de l’affectivisme dans cette période de grande tension psychologique, et cela constituera une très forte pression sociétale sur un exécutif dont on connaît la faiblesse et la vulnérabilité psychologiques à cet égard. Ce point est d’autant plus à souligner que la “feuille de route” de la narrative affectiviste, déjà dite par un BHL et d’autres, et aussi par divers centres d’influence (voir l'analyse stupéfiante d'outrance narrrativiste de DEBKAFiles du 6 septembre 2015) est de faire porter toute la charge de la responsabilité de l’actuel flux de migration vers l’Europe sur le seul Assad. (Dans ce cas, plus la narrative est à la fois grosse et grossière, plus elle est convaincante et a du charme pour l'affectivisme courant.)

D’un autre côté, une pression générale est en train de s’exercer de la part d’autres pays européens pour faire entrer Assad dans le jeu et ne plus considérer son départ du pouvoir comme une condition sine qua non de toute possibilité d’arrangement (échos dans ce sens venus du Royaume-Unis et des ministres des affaires étrangères autrichien et espagnol). Là aussi, la pression de la situation du flux des réfugiés, et son lien évident avec Daesh est devenue extrêmement forte. Considérant toutes ces circonstances, on est évidemment conduit à accepter l’idée que la politique syrienne de la France développée jusqu’ici pourrait être très rapidement considérée comme obsolète et devrait évidemment être adaptée aux circonstances qui changent très vite actuellement. L’opération serait intéressante à suivre, et l’interview de Fabrice Balanche permet de mieux en comprendre les caractères principaux.

dedefensa.org

 

 

La politique  syrienne de la France: hésitation, revirement et  cosmétique

RT France : «Comment comprendre le changement de stratégie de la France en Syrie qui a été annoncé par François Hollande?»

Fabrice Balanche : «La France ne pouvait plus continuer à tenir sa diplomatie sur le “ni Daesh, ni Assad”. Elle se devait de trouver une solution réaliste. Le pays est membre permanent du Conseil de sécurité, le Syrie est un ancien protectorat français, Paris se sent donc des responsabilités dans la région.

»De plus, on subit des attentats à répétition sur le sol français dans lesquels beaucoup de jeunes Français sont impliqués. Selon les renseignements, près de 2000 nationaux sont engagés aux côtés des djihadistes. Ce sont des bombes à retardement quand ils reviendront en France. Les services français sont aujourd'hui débordés, ils n'arrivent plus à faire face. Certes, ils préviennent des attentats mais il y a trop de monde à surveiller. Forcément, quelqu’un finira par passer entre les mailles du filet comme on l'a vu pour le Thalys.

»Enfin, il y a cette masse de réfugiés qui arrive. 300 000 personnes ont quitté le sud de la Méditerranée depuis le 1er janvier. On aura 500 000 demandeurs d'asile en Europe pour l'année 2015. Hollande dit que l'Europe doit intégrer 120 000 réfugiés sur deux ans mais le compte n'y est pas. En fait, il faut compter sur 1 million au minimum. Que va-t-on faire des 880 000 autres ? On a l'impression qu'il a minimisé le phénomène pour ne pas affoler les Français. C'est une vague migratoire sans précédent qui va s'abattre. Il faut comprendre que sur 23 millions de Syriens, la moitié a perdu sa maison : 5 millions de réfugiés et 8 millions de déplacés internes en Syrie et qui sont des candidats à l'immigration. Evidemment, il faut traiter le problème à la source et le principal problème est Daesh.»

RT France : «La réponse de François Hollande est-elle à la mesure de ces enjeux?»

Fabrice Balanche : «J'en doute fortement. Ce sont plutôt des mesurettes qu'un véritable changement politique. La France a été dans le discours très anti-Assad: “Assad doit partir, Assad est un boucher, si Assad franchit la ligne rouge, la réponse sera foudroyante” selon les mots même de Laurent Fabius en mai 2013 et rien ne s'est passé au final. Cette rhétorique a brouillé les enjeux, a coupé toute possibilité de relation avec le gouvernement syrien. Aujourd'hui, il est difficile à la France de faire volte-face. Mais il serait justement réaliste de le faire. Mais la France ne veut pas déjuger complètement, elle ne peut s'y résoudre. La France de Hollande n'a pas une politique étrangère digne de ce nom et digne de sa place au Conseil de sécurité.»   

RT France : «Donc la doctrine du “Ni-Ni” (Ni Assad, Ni Daesh) aura limité, voire enfermé la diplomatie française?»

Fabrice Balanche : «Pour être honnête, je ne pense pas que la France ait désormais au Moyen-Orient un rôle très important. Les acteurs majeurs y sont les Etats-Unis et la Russie, l'Iran et l'Arabie saoudite. C'est d'ailleurs pourquoi la politique française à l'égard de la Syrie est plus destinée à l'opinion publique. Mais elle est aussi destinée à récupérer quelques contrats auprès de ses amis saoudiens et qataris en retardant par exemple l'issue des négociations sur le nucléaire iranien ou en se faisant le porte-parole de l'Arabie saoudite ou du Qatar sur le dossier syrien auprès du Conseil de sécurité, histoire de récupérer pour Alstom le métro de Riyad et de vendre quelques rafales aux Qataris. Malheureusement, la France de Hollande ne va pas au-delà et n'a pas une politique étrangère digne de ce nom et digne de sa place au Conseil de sécurité.

»Ce droit-de-l'hommisme cache mal des intérêts économiques importants. Cela va concerner la Syrie mais ne va surtout pas concerner l'Arabie saoudite.»

RT France : «C'est très cynique comme politique pour un pays qui parle souvent des droits de l'Homme...»

Fabrice Balanche : «Mais les États n'ont pas d'amis, que des intérêts. Mais ce qui brouille un peu tout cela est cette idéologie “droit-de-l'hommiste” comme dit Hubert Védrine, qui est très en vogue dans l’opinion française et au Quai d’Orsay. On fait de la promotion des droits de l'homme le fer de lance officiel de notre politique étrangère, mais elle est très ciblée: cela va concerner la Syrie mais ne va surtout pas concerner l'Arabie saoudite. Ce droit-de-l'hommisme cache mal des intérêts économiques importants. Dans l'affaire syrienne, si l'Iran avait été un meilleur client, on n'aurait pas eu la même position sur la Syrie. Maintenant que les sanctions commencent à être levées sur l'Iran, que les chefs d'entreprises français se précipitent à Téhéran, que l'Arabie saoudite du fait de la baisse du pétrole achète moins, on commence à réajuster notre politique étrangère vis-à-vis de l'Iran pour bénéficier de l'ouverture de son marché. Cela nous oblige aussi à évoluer sur la Syrie. Quand Fabius s'est rendu en Iran, il a été fraîchement reçu : on lui a fait comprendre que si la France voulait bénéficier de quelques contrats, elle devait changer de position vis-à-vis de l'Iran et de ses alliés dans la région.»

RT France : «Ce qui explique pourquoi François Hollande a fait plusieurs fois allusion à l'Iran comme partenaire pour une solution en Syrie?»

Fabrice Balanche : «Exactement. Plus encore, on sent bien qu'entre Hollande et Fabius, il commence à y avoir une divergence. Fabius est incontournable politiquement d'où la grande liberté que lui laisse le président sur la diplomatie. On a presque l'impression qu'on est en cohabitation et que le ministre des Affaires étrangères gère la diplomatie sans en référer. C'est assez incroyable. Même les députés s'en plaignent. Je suis intervenu plusieurs fois en audition au Parlement sur l'affaire syrienne expliquant mes positions, beaucoup de députés et sénateurs, de gauche et de droite, se démarquaient nettement de la politique étrangère suivie par Fabius.

»Même le Ministère de l'Intérieur estime que cette politique envoie la France dans le mur: les services de renseignement intérieur ont grogné en disant que la politique menée par la France, laquelle soutient certains éléments sur le terrain ou la Turquie, entraîne un retour de boomerang en France avec le terrorisme. Aujourd'hui, il y a un rééquilibrage de cette politique, comme si François Hollande la reprenait en main. Beaucoup espèrent même que Laurent Fabius partira après les Régionales, et qu'on lui trouvera une place à l'ONU ou au Conseil constitutionnel. Car si on veut vraiment changer de politique au Moyen-Orient, il faudra sacrifier Fabius car il est allé vraiment trop loin.

»Laurent Fabius a été le fer de lance de cette politique très anti-Assad, s’alignant sur les Qataris, Turcs et Saoudiens.»

RT France : «Notamment par rapport à sa position inflexible vis-à-vis de Bachar al-Assad ? On a eu l'impression que François Hollande infléchissait cette position et qu'il ne faisait plus du départ d'Assad un préalable.»

Fabrice Balanche : «Les États-Unis, dès 2013, quand ils ont vu qu'il n'était pas possible de bombarder Damas, que les djihadistes montaient en puissance, que les alliés russes et iraniens de Bachar al-Assad ne le laisseraient pas tomber, ont compris qu'il fallait être pragmatique. Il ne fallait plus faire du départ d'Assad un préalable si on voulait un règlement du conflit. Les Saoudiens et les Turcs ont été furieux de ce changement de position américain et la France a rejoint la position turco-saoudienne. Ce qui nous a permis d'avoir pas mal de contrats à Riyad. Fabius a été le fer de lance de cette politique très anti-Assad, s'alignant sur les Qataris, Turcs et Saoudiens.

»Mais aujourd'hui, ce n'est plus tenable. Les Saoudiens eux-mêmes, après le deal sur le nucléaire iranien, ont fait contre mauvaise fortune bon cœur. Surtout qu'ils sont tétanisés par la guerre menée au Yémen et que la Syrie leur semble maintenant secondaire. La politique d'Erdogan joue aussi avec le feu. Hollande a fini par comprendre que la politique de Fabius mène à une catastrophe, d'autant que plusieurs voix au PS commencent à le dire à voix haute.»

RT France : «En ce qui concerne l'Irak, c'est le président irakien qui avait fait appel à la coalition internationale. Mais quelle sera la base juridique de l'intervention aérienne française en Syrie?»

Fabrice Balanche : «On en trouve toujours une. Dans ce cas, ce sera la légitime défense. Il est établi que c'est Daesh qui a commencé ses attentats en France, même si à l'époque on faisait très attention à ne pas reconnaître officiellement que les djihadistes venaient de Syrie, à ne pas mélanger les deux dossiers pour ne pas que la population française incrimine la politique étrangère de Fabius. Aujourd'hui que l'on a besoin d'une justification pour aller bombarder Daesh en Syrie, on dit publiquement que c'est cette organisation qui a commandité ces attentats. Hollande s'est appuyé dans son discours sur la Charte des Nations unies et l'article sur la légitime défense

RT France : «Ces frappes aériennes seront-elles efficaces, avec le recul que donnent les frappes en Irak?» 

Fabrice Balanche : «Si on veut qu'elles soient efficaces, il faut que ce soit en coordination avec les troupes qui se battent sur le terrain. Mais les troupes kurdes en ce moment sont frappées par la Turquie en Irak. Or le soutien logistique des troupes kurdes en Syrie vient d'Irak. Les Kurdes veulent constituer un territoire homogène au nord de la Syrie, le long de la frontière turque. De cela, la Turquie ne veut absolument pas en entendre parler. Le pays s'oppose à toute forme de soutien militaire aux Kurdes qui leur permettrait d'avancer.

»Donc sur qui s'appuyer après les frappes aériennes? La brigade entraînée par les Américains a été un échec total. S'appuyer sur Al-Nosra, donc Al-Qaïda contre Daesh? Non, ce n'est pas possible. Il reste qui? L'armée syrienne de Bachar al-Assad? On n'en est pas encore là. Donc on va d'abord faire des opérations de reconnaissance, puis balancer au hasard quelques missiles, protéger quelques zones assyriennes, quelques Chrétiens, ce sera de l'ordre du symbolique.

»Frapper Daesh est très compliqué. le groupe a compris les principes de la contre-insurrection. Ils sont au milieu des populations civiles. En Syrie, j'ai pu interviewer des gens de Raqqa: si Daesh est dans un immeuble, le reste est habité par de simples civils. Si un avion français lance un missile sur l'immeuble, il tuera ces combattants mais aussi des civils. Ce sera alors le scandale. Toute cette annonce est au final du cosmétique, comme tout ce que fait François Hollande.»

RT France : «Vous vous êtes rendu plusieurs fois en Syrie. On entend des choses très contradictoires. Quel est le sentiment de la population vis-à-vis du président syrien?»

Fabrice Balanche : «J'étais dans la zone gouvernementale. Le sentiment par rapport à ce président est qu'il n'est pas pire que les autres. Les Syriens sont assez blasés. Après 5 ans de guerre, ils aspirent à la paix et à la sécurité. Ils estiment qu'au moins avec lui, ils avaient cela. Mais ils aimeraient bien qu'Assad fasse le ménage dans son entourage, notamment sur des questions de corruption et d'affairisme. J'ai rencontré des Chrétiens, des Alaouites qui ne sont pas fondamentalement anti-Assad. Même les hommes d'affaires sunnites disent qu'ils avaient la paix sociale et pouvaient faire des affaires.

»Quant à son départ, les Syriens ne voient pas qui pourrait le remplacer. Il n'y a pas pour eux de remplacement possible. Assad assure la cohérence du système, l'unité. S'il tombe, il y aura une guerre de clans qui sera pire selon eux. Par défaut, par lassitude, ils ne voient personne d'autre que lui. L'opposition politique syrienne n'a pas de leader et c'est là un problème. Or un leader est nécessaire pour faire l'unité.

»Il faut aussi que cette opposition ait une branche militaire. Or il y a deux oppositions: une politique, très divisée, sans leader d'un côté; de l'autre côté, il y a une opposition militaire, tout autant divisée, avec pour leader Al-Bagdadi (Daesh) et  Al-Joulani (Al-Qaïda-Al-Nosra). Il faut donc une base sociale, politique et militaire. Il n'y a donc pas d'alternative à al-Assad aujourd'hui.»

Fabrice Balanche, interview de RT-France