Deux voyages du Marcheur en Rond

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Deux voyages du Marcheur en Rond

La soumission à l’Allemagne

Monarc Premier est allé porter ses lettres de créances à son supérieur hiérarchique. Le lendemain de son couronnement, toutes affaires cessantes, les valises non défaites,  il est allé s’enquérir des conditions immédiates de sa vassalité. En cela, le mot de son adversaire qui le concurrençait pour son poste de manager fait sens, c’est bien une femme qui dirige effectivement la province française.

La chancelière, au parti victorieux dans un fief des sociaux-démocrates, et sûre maintenant d’être reconduite au pouvoir a fait savoir d’emblée que les dettes ne seront pas ‘socialisées’. Il ne lui sera pas accordé de délai de grâce et il devra appliquer la rigueur pour ne pas laisser filer de déficit budgétaire. Les revenus de l’Etat français, en stagnation au mieux sinon en baisse du fait d’une récession non avouée et de cadeaux fiscaux aux grosses entreprises, doivent d’abord être consacrés à servir les intérêts de la Dette. Le carcan de l’Union  européenne renforcé par l’euro a sécrété  et plus nettement encore depuis 2008 un jeu d’enchevêtrements supplémentaires entre les finances publiques et grosses entités financières défaillantes. Les premières sont commises à renflouer les secondes qui sont alors en position de détenir des obligations émises par leurs sauveteurs, et contrairement à l’affirmation péremptoire et tronquée de la Chancelière, seules les dettes du secteur bancaire privé sont socialisées alors que celles de chacun des Etats membres ne sauraient être réparties à l’ensemble des autres. Autrement dit, pas de solidarité européenne quand un pays est en difficulté de paiement. Le Mécanisme européen de stabilité entré en fonctionnement depuis 2012, une sorte de méga-banque au- dessus de la BCE, est dirigée par un gouverneur allemand, elle est chargée de veiller sur l’euro, l’autre nom du Deutsch mark  et d’emprunter ‘sur le marché‘ en cas de besoin pour chacun des membres. Elle est une instance supplémentaire de contrôle et de surveillance des budgets nationaux. 

Elle exige des réformes structurelles selon  deux axes.

Le premier, réduire le nombre de fonctionnaires de 120 000 unités en cinq ans. Ce programme, sans originalité, est en cours d’exécution depuis 2006 sous le gouvernement Chirac, plus soutenu avec Sarközy qui en détruisant 130 000 postes a réussi une économie de 7 misérables milliards sur 2000. Il a connu un ralentissement sous Hollande. Or la suppression de postes et le non remplacement de départ à la retraite oblige souvent à externaliser les services soit à les privatiser donc en amoindrir la qualité et en augmenter le coût. 

Le second, couper dans les budgets sociaux, culturels et de sécurité et défense, économiser sans avoir recours à l’impôt direct 60 milliards et ramener le déficit actuellement de 2,9%  à 2,4% en 2020.

Monarc Premier va surtout parachever la destruction du Code du Travail et se rangera aux normes allemandes établies  par Schröder. Les réformes des lois Hartz ont produit des emplois précaires, des travailleurs pauvres. La baisse du chômage est un effet de la sénescence de la population, de moins en moins de jeunes actifs demandeurs d’emploi et les sans-emploi de plus de 58 ans ne sont plus comptabilisés. Il se propose donc d’harmoniser les pays de l’Union européenne de la manière qui agrée aux patronats.

Exonérer de ‘charges’  c’est-à-dire les cotisations patronales à la Sécurité Sociale, au chômage et à la retraite les bas salaires, les plus nombreux. 

Simplifier davantage le licenciement sans supprimer les 35 heures.

Permettre les négociations par branches et par unité de production.

L’assurance chômage va être financée par un impôt, une augmentation de la CSG, et l’allocation versée ne résultera plus du salaire différé épargné par l’employeur et le salarié. Il deviendra une aumône distribuée par l’Etat et supportée par tous les contribuables.

La Sécurité Sociale, branches maladie et vieillesse, dépourvue de revenus par les exonérations prévues, deviendra exsangue et rendra l’âme. Les assureurs privés auront réussi leur option d’achat sur ce secteur convoité depuis 1945. On sait bien le maquignonnage par les grands banques, moins celui des Axa et CNP assurances.

La soumission de l’Afrique

Monac Premier, sitôt prise la photo de groupe de son administration, est allé visiter les terres extérieures africaines. Le Mali est l’un des centres du dispositif actuel du contrôle militaire de l’Afrique francophone avec l’Algérie à son Nord et les mines d’uranium d’Imouraren au Niger pas loin de sa frontière orientale. Il perpétuera le déploiement des forces armées dans la région pour garantir les intérêts d’Areva et de Total. Elles seront prêtes à intervenir en faveur du maintien des gouvernements locaux qui acceptent de payer un énorme tribut à l’ancienne métropole sous la forme du franc CFA.

Cette rente odieuse oblige chaque Etat qui utilise la monnaie imprimée en France à en reverser sous forme de réserve à la Banque de France la moitié de chaque unité émise. Elle est l’une des sources de l’appauvrissement continu et alimente le flux des migrants économiques cers l’Europe. Une bonne partie ira mourir dans le désert ou dans la mer Méditerranée, victimes de passeurs et de la politique de Frontex, organisme européen qui délègue le pouvoir de réprimer et réguler les migrants au Maroc et à l’Algérie.

La fraction qui parvient en France permet de faire appliquer les réformes de flexibilité du travail et de son moindre coût. 

Un mécanisme de régulation des populations est en place depuis des décennies.

Les sans emploi en excès voient leur ambition de candidats au départ encouragée par les administrations des pays d’origine. Elles se débarrassent d’éventuels frondeurs voire de recrues pour une contestation de leur pouvoir et de leur ordre et en cas de succès, elles bénéficient de leur envoi de devises. Les travailleurs migrants assurent un transfert annuel de 400 milliards de dollars vers leurs pays d’origine.

Cette réserve de prolétaires sans droit constitue une pression sur les salaires et les conditions de travail du prolétariat autochtone extrêmement efficace. C’est vrai pour les emplois non qualifiés qui bénéficient d’apports humains qui n’ont rien coûté à la collectivité en terme de santé et d’éducation. 

Mais c’est encore valable pour les migrants diplômés formés sur des budgets de pays tiers. Le coût seulement direct pour l’Algérie du départ de ses médecins pour la France a été estimé à 40 milliards de dollars. Arrivés en France, ceux-ci ont été sous-payés pour les mêmes fonctions que leurs confrères à diplôme français. Ils ont conforté la politique du numérus clausus menée ces 20 dernières années qui se fait ressentir dramatiquement aujourd’hui, obligeant à recourir à des médecins de l’Europe de l’Est pour garnir des déserts médicaux tout en n’ayant pas participé au développement des structures de soin de leur pays d’origine. 

La loi de maîtrise de l’immigration de l’intégration du droit d’asile de Sarközy de 2006 puis le Code de l’entrée et du séjour des étrangers adopté en 2009  limitent drastiquement l’immigration légale et les conditions imposées pour le regroupement familial la rendent impossible.  Dès lors,  ces dispositifs toujours en vigueur ne laissaient plus place à aucune initiative supplémentaire au Parti Xénophobe qui se revendique comme tel élevé au statut de fasciste pour mieux intimider les électeurs veauteurs. 

Le premier flux d’entrée s’opère par l’immigration dite clandestine mais qui est  contrôlée finement par Frontex. Frontex est un organisme européen qui siège à Varsovie dont les moyens sont régulièrement rehaussés pour surveiller les frontières de l’espace Schengen, drones, avions et frégates, allocations de ressources aux pays voisins chargés d’organiser des camps de rétention. 

Le deuxième niveau de l’écluse se fait par la sélection d’étudiants étrangers francophones donc d’ex-colonies qui ont terminé leurs études et qui sont recrutés par des entreprises qui leur accordent le privilège d’un contrat de travail pour valider leur statut d’immigré choisi.

L’Afrique est toujours perdante.

Le capitalisme mondialisé depuis plus de deux siècles par ses conquêtes coloniales, en ajustant les vannes des flux migratoires, dispose d’un atout formidable dans la lutte des classes au sein de chaque unité territoriale. La famille Le Pen (et ses équivalents en Europe) constitue pour lui un appoint opportun qui masque la réalité de l’antagonisme tout en dénonçant bruyamment le symptôme. Les petites officines de la société civile de lutte contre le racisme prennent  en charge l’autre part du travail du dévoiement des masses.

En moins d’une semaine et en deux trajets aériens, la feuille de route des cinq années à venir est tracée.

L’inversion  du calendrier des élections décidée par un ancien trotskyste devenu socialiste, celui qui a fait élire Chirac avec 80% de voix, a transformé le vote des représentants à l’Assemblée nationale en une confirmation du choix du président monarque. La fonction de député est tellement dévaluée et parasitaire qu’elle finira par tomber en désuétude. 

Monarc Premier gouvernera en recourant au 49-3.

Tant mieux, le système se présente sous sa lumière la plus crue et se passe de l’artifice d’une prétendue opposition institutionnelle.  

La perte de souveraineté nationale est la plus sûre voie de la perte de l’espace politique et syndical du peuple français. Aucun de ceux qui se pressent à briguer le siège de député et les 10 000 euros mensuels d’émoluments qui lui sont attachés ne s’y est fermement opposé.

Badia Benjelloun