L'humeur de Netanyahu

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L'humeur de Netanyahu

Le Peuple agréé

Par centaines de milliers, ils s’étaient portés en masse dans les principales avenues de la capitale.

Les abords du cimetière qui allait accueillir la dépouille d’un homme qu’ils chérissaient étaient noirs de monde.

Pas loin de 10% de la population s’était déplacé pour lui rendre un dernier hommage.

L’émotion était grande, la douleur s’extériorisait par des larmes fournies.

La plupart des manifestants témoignaient de leur affliction sobrement, mais, par moments, certains dans la foule compacte laissaient fuser des gémissements et des lamentations.

Un homme à l’immense savoir venait de s’éteindre.

Sa science ne peut se ranger parmi les ‘dures’, le champ de son érudition tenait dans le Talmud et la Thora.

Plus de 800 000 personnes avaient participé aux obsèques du rabbin Ovadia Yosef.

Bien plus que n’a mobilisé la disparition de Charles De Gaulle le 12 novembre 1970, quelques centaines de milliers sur les Champs-Élysées pour un jour décrété de deuil national, mais moins que les deux millions de Parisiens sortis conduire Victor Hugo en mai 1885 au Panthéon qui a perdu son statut d’église ce jour-là.

Chef du Conseil des Sages de la Torah, il a fondé dans les années quatre vingt le parti Shass d’inspiration religieuse dont le rôle d’arbitrage lors de la composition d’alliances gouvernementales lui a accordé une puissance de plus en plus affirmée.

D’origine irakienne, son père était épicier à Bagdad, la position de pouvoir et d’influence qu’il a acquise constitue une véritable revanche, cinquante ans après, des sépharades pratiquants méprisés par les ashkénazes. Les fondateurs de l’entité sioniste étaient européens et laïcs, voire athées et socialistes. À leur arrivée en Israël, les juifs arabes recevaient systématiquement une dose de DTT sur leurs corps et leurs vêtements et occupaient durablement des logements dans des campements de tentes. La discrimination se perpétuait à l’école puis lors l’accession à des fonctions d’importance dans le public et le privé.

Cet homme à la réputation de faiseur de ‘rois’, les Premiers ministres venaient se faire bénir chez lui, s’est fait connaître en dehors des frontières de l’entité sioniste par des déclarations de source biblique.

Ses sermons du samedi soir étaient très courus, en octobre 2010, il y expliquait : « Les Goyim ne sont nés que pour nous servir. Hors cela, ils n’ont aucune place dans ce monde – sauf pour servir le peuple d’Israël »

C’est à ce Sage que les Israéliens ont témoigné un attachement et une reconnaissance intermédiaires entre celles que les Français avaient dévolus à Victor Hugo et Charles de Gaulle pour les services rendus à la nation.

Netanyahu peut être content de son peuple.

Le Peuple à dissoudre

La Fédération des Juifs d’Amérique du Nord a confié pour la première fois son enquête démographique et d’opinion décennale au Centre Pew Research pour une évaluation du nombre, du comportement et de l’opinion des Juifs étasuniens.

Ils sont 6,7 millions dont 5,3 d’adultes contre 5,3 en 2000.

Ils sont plutôt libéraux, votent pour le parti démocrate, pensent que les Noirs et les Musulmans sont victimes de discrimination et que la société devrait davantage tolérer l’homosexualité.

L’étude a révélé une catégorie particulière de Juifs en expansion, celle des Juifs déclarant ne pas avoir le judaïsme comme religion. Ils étaient 7% en 2000, ils sont devenus 22% dix ans plus tard. Ces Juifs non judaïques (ou non juifs ou non juifistes au choix) ont un profil particulier, ils réalisent plus volontiers que les autres des unions matrimoniales avec des non Juifs et n’ont pas de lien avec d’autres juifs en particulier, ils ne cotisent pas aux différentes associations communautaires.

Le portrait des Juifs étasuniens montre une image saisissante, ils critiquent plus qu’ils ne soutiennent l’État d’Israël, ils estiment les efforts de paix israéliens non sincères. Ils sont favorables à une solution pour deux États, ils sont opposés à la politique d’extension des colonies et seuls 17% d’entre eux estiment que la colonisation améliore la sécurité d’Israël.

Un nombre croissant de jeunes juifs étasuniens désapprouvent la relation de leur pays avec Israël, quand ils ont entre 18 et 29 ans, ils sont 25% à estimer que les Us(a) soutiennent trop aveuglément Israël contre seulement 5% quand ils ont plus de 50 ans.

Une tendance très nette de l’infléchissement rapide de la tendance conservatrice qui a été largement dominante ces dernières années est à noter chez les juifs pratiquants en faveur de la tendance libérale et réformatrice.

L’éloignement de la religion, la désaffection grandissante pour sa version orthodoxe conservatrice, les liens de plus en plus distendus avec Israël malgré le lobbying intense des fondations pro-israéliennes, voilà de quoi rendre Netnanyahu moins content. Va-t-il dissoudre son peuple diasporique étasunien pour non conformité idéologique ?

La dialectique de la dette

D’autres raisons inquiètent Netanyahu.

Alors que l’année précédente, de nombreuses délégations avaient quitté l’Assemblée Générale des Nations Unies lors de la prise de parole de Ahmadinejad, cette saison, seule l’israélienne a refusé d’être présente lors de la prestation de Rouhani.

Puis il y eut la conversation téléphonique de B H Obama avec Rouhani qui, pour simplement symbolique qu’elle ait été, a mis en suspension l’aggravation des sanctions économiques des Us(a) et de leurs vassaux à l’encontre de l’Iran. Ce fort désagrément n’a pas été contrebalancé par la réunion hors micros et caméras des ministres des Affaires Étrangères jordanien et marocain, lequel est du Parti Justice et Développement étiqueté d’islamiste, avec Tzipi Livni lors d’un dîner cordial.

Quand l’ancien directeur du renseignement militaire le Général Amos Yadlin affirme sur une chaîne de télévision israélienne qu’Israël dispose d’agents actifs dans tous les pays arabes : «Égypte, Tunisie, Maroc, Irak, Soudan, Yémen, Liban, Iran, Palestine et Syrie », il n’apprend rien à personne. Il manifeste surtout que cette infiltration massive et ancienne est devenue relativement inefficace au point que la dévoiler ne changera rien à la géopolitique de la région qu’Israël ne maîtrise plus.

Le Liban tient grâce à l’alliance entre les nationalistes du Hezbollah et du Général Aoun, la Syrie conserve son gouvernement légitime et refuse de se fragmenter malgré les deux ans et demi de guerre contre elle menée par les Occidentaux et les théocraties du Golfe.

La Russie appuyée par la Chine et les autres pays du BRICS s’impose comme acteur dans l’Orient arabe défendant le droit international qui implique celui des peuples à disposer d’eux-mêmes sans ingérence étrangère.

Netanyahu doit connaître de réelles difficultés avec son affirmation sous forme d’avertissement éclairé qu’il assène depuis 1995 de l’imminence de l’arme atomique aux mains des Ayatollahs. Non démentie, une fuite le deux octobre sur le site Debkafile faisait part de sa confidence à la presse d’une coordination à un haut niveau entre l’Arabie aux mains des Séoud et Israël pour synchroniser leurs efforts auprès des membres du Congrès étasunien quant à leur vote pour contrecarrer le dégel Us(a)-Iran.

Une communication orchestrée sur le rang des Us(a) comme premier producteur de gaz et de pétrole devant l’Arabie ne dissimulera pas que les sites schisteux ne peuvent être exploités que sur de très brèves périodes. Ce sont des décisions des gros investisseurs spéculateurs sur les matières premières qui décident du prix et des hydrocarbures et donc de la rentabilité de l’exploitation de toutes les façons toute temporaire des gaz de schiste. L’administration Obama espère de cette manipulation médiatique ‘une relance’ sur le papier d’une croissance impossible à trouver, au moins une augmentation du PIB- sans création d’emplois durables. Il en va de la perte de crédibilité du dollar et donc de la solidité de la dette publique étasunienne, singulièrement des 1300 milliards de créances chinoises. Les réprimandes du vice-ministre chinois des Finances à Obama ont été transmises aux Républicains priés de cesser leur farce du shutdown et du plafond de la dette. Depuis au moins 2003, le monde assiste à cette danse de la dialectique du maître et de l’esclave dans sa version créancier débiteur entre la Chine et les Us(a) parce qu’elle configure en arrière plan les relations internationales.

La bulle ‘communicationnelle’ du schiste durera moins de temps que sa mise en situation de gonflement contrôlé.

Un contrat signé entre Rusatom et les Us(a) en 1993 prévoyait la conversion d’uranium très hautement enrichi en combustible et sa fourniture ( pour un prix assez dérisoire) pour les 104 centrales nucléaires étasuniennes arrive à son terme en novembre 2013.

La dépendance des Us(a) pour son électricité atomique est de 40%.

D’accord, faire la danse du ventre et demander que l’on aille bombarder les Syriens pour les ‘punir’ d’avoir été en contact avec du gaz neurotoxique et pour accentuer les sanctions vis-à-vis de l’Iran pour avoir espéré penser un jour avoir droit à du nucléaire civil, c’est bien. C’est tout à fait bien car congruent avec l’idée de démocratie et de droit de l’homme que l’Occident souhaite projeter sur le monde tiers. Cette notion très protéiforme de démocratie à l’occidentale n’est pas embarrassée quand un religieux israélien est en même temps un homme politique capable de proférer publiquement des propos suprématistes, elle n’est pas choquée que le Sage rabbin recueille l’approbation massive de ses concitoyens.

La résolution 3379 de l’ONU adoptée le 10 novembre 1975 décrétant que le sionisme est une idéologie raciste a des fondements très substantiels, tous les jours vérifiés sur le terrain palestinien. Que cette résolution ait été ultérieurement abrogée ne change pas l’essence de l’entité israélienne, militaro-théocratique.

Mais manquer d’électricité aux Us(a) comme en Irak après les attaques occidentales de 2003, c’est difficile à assumer pour le gouvernement fédéral dans l’immédiat.

C’est alors que B H Obama replie sa flotte aérienne et navale, qu’il n’est plus question d’attaquer directement la Syrie et qu’il est de bon ton de faire des sourires à Rouhani pour avoir les roucoulements de Poutine. Tant pis pour la très mauvaise humeur de Netanyahu.

Badia Benjelloun

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