Gaz de schiste : à la “bulle” nul n'échappera...

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Gaz de schiste : à la “bulle” nul n'échappera...

Le 16 novembre dernier, le gaz de schiste (SG) a fait son entrée sur dedefensa. Alors qu'il semble acquis, même pour un contributeur de la qualité de J-P. Basquiast, que “rien n'empêchera” l'exploitation du SG en Europe, il nous semble urgent (en tant qu'expert de la question) de rétablir quelques vérités.

Notre propos concerne ici le SG américain, modèle à partir duquel se développent aujourd'hui débats, thèses et autres scénarios en Europe. Ainsi, à en croire la “pensée maintream”, le SG serait une réussite écrasante participant à la réindustrialisation des Etats-Unis et devant impacter les échanges énergétiques et la géopolitique mondiale.

Cependant, n'en déplaise aux tenants du ‘mainstream'’ le SG est un sujet éminemment complexe et la réalité est à 180° de ce que nous en dit l'industrie américaine, fidèlement relayée en cela par l'administration Obama ou l'IEA.

Il faut le dire haut et fort : le modèle économique du SG est erroné et il NE PEUT être question à terme de “révolution énergétique” aux Etats-Unis. Nous ne parlons nullement ici de cours du gaz anémiés –mais de réserves surestimées, de taux de rendements moins élevés que prévus, de taux de déplétion plus accentués qu'annoncés, d'investissements beaucoup plus conséquents que budgétés et de marges inexistantes. Soit une réalité totalement masquée/éludée aujourd'hui par les acteurs concernés. Il faut donc le dire haut et fort : le SG est une “bulle” spéculative et l'éclatement de celle-ci n'est plus qu'une question de mois.

Comment on en est arrivé là : en 2003/2004 les producteurs “indépendants” américains ont commencé à produire du SG grâce à la technique des forages horizontaux. Ces producteurs ont alors annoncé des EURs (rendements) stratosphériques que personne n'a pu contester car l'activité était nouvelle (pas d'antériorité de production = pas de data disponibles). Du fait de ces EURs très élevés annoncés par eux-mêmes, ces producteurs ont vu la valeur de leurs actifs (les champs) monter en flèche. Dès lors, bien qu'ignorant des subtilités de l'E&P du gaz “non conventionnel”, les investisseurs de tout poil ont massivement misé sur le SG. La “révolution” SG était lancée.

Grâce à cet afflux de capitaux, les producteurs (pour la plupart d'ores et déjà surendettés) ont multiplié les forages, accru considérablement la production et propulsé les Etats-Unis sur le devant de la scène mondiale du gaz. Peu importait que cette production se fasse à perte (du fait d'un seuil de rentabilité très élevé) puisque l'argent coulait à flot, puisque la valeur des compagnies était accrue ! La dérive s'est même accentuée à partir de 2008, les grandes banques d'affaires se découvrant dans le SG un nouveau terrain de jeu capable de faire leur oublier la crise : ces banques ont ainsi pu drainer de nouveaux investisseurs crédules en échanges de fees mirobolants...

Ces derniers mois, un grain de sable est toutefois venu troubler cette belle mécanique : les années de production s'empilant, les fameuses "data" de production sont désormais disponibles. Des géologues indépendants en ont fait l'analyse et leurs conclusions rendues depuis l'été sont sans ambiguïté : les projections d'EURs (réalisées par les producteurs) sont le DOUBLE des EURs réels...

En conséquence :

1) les EURs étant plus faibles que prévus, les actifs SG vont être massivement dépréciés.

2) les investisseurs vont se détourner du SG.

3) les compagnies (surendettées et ne tirant aucun bénéfices de la vente de ce gaz du fait des cours anémiés) vont se retrouver dans l'incapacité de forer, de faire face au service de leur dette -c'est à dire de survivre.

4) le secteur va s'effondrer .

5) les Etats-Unis continueront certes de produire du SG (cette tâche sera l'apanage des insubmersibles majors) mais celui-ci ne sera qu'une composante du mix énergétique américain. En aucun cas un “game changer”, en aucun cas l'artisan d'une “révolution” énergétique.

6) Les Etats-Unis n'exporteront pas de LNG, le Russie ne sera pas menacée sur ses marchés européens, les projets australiens de LNG pourront être menés à leur terme.

7) Mais, entre-temps, l'effondrement du secteur aux Etats-Unis aura occasionné une crise dont l'ampleur sera plus importante encore que celle des ‘subprimes’. En effet, il y a ic une dimension stratégique : Washington a conçu sa politique énergétique depuis 5 ans sur un gaz “cheap et abundant”.

Or ce gaz n'est pas “cheap” (il est produit à perte par des entreprises sous perfusion d'investisseurs leurrés, lesquelles surproduisent indépendamment de toutes notions de marché), d'autre part ce gaz n'est pas "abundant" : les “proved reserves” (les seules à prendre an compte) font état de 11 ans de réserves commercialement récupérables au rythme de consommation actuel. Les “100 années de réserves” invoquées par Obama/Romney ne s'obtiennent qu'en additionnant également les “probable reserves”, les “possible reserves” et les “speculative reserve”. Or, tout professionnel du secteur sait que ces projections n'ont (quasiment) aucune valeur...

L'engouement pour le SG est donc artificiel et ne peut durer dans le temps. Le SG est donc “bulle”. Il faut croire que la Crise (“systémique”, “haute”, etc...) analysée à plus soif par dedefensa a de beaux jours devant elle...

(Des compléments d'information peuvent être fournis sur demande. Les commentaires et analyses proposés ci-dessus sont INTEGRALEMENT démontrables.)

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