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Article : Notes sur “la source de tous les maux” (dde.crisis)

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Convergences des chapelles.

geo

  12/09/2010

Vous écrivez:

“La reconnaissance de cette situation, à laquelle nous conduit notre enquête constante pour découvrir toutes les manifestations du mal, nous conduit également, pour trouver une appréciation à mesure, à rechercher une appréciation métaphysique de l’agression du système et de la crise du système (son effondrement) qui l’accompagne. Cette appréciation métaphysique est évidemment facilitée par l’ouverture du langage au sacré, comme signalé plus haut. De cette façon, nous sommes conduits nécessairement à rechercher des voies de résistance et de sauvegarde sans nous abîmer dans les querelles de chapelles sur les engagements moraux, religieux et politiques, qui sont l’un des moyens favoris du système pour museler et dissoudre toute opposition et toute résistance.”

Vous êtes d’autant plus fondé a voir les choses ainsi que l’ouverture à la question du mal métaphysique se moque des chapelle.

Gorz retrouve ainsi dans le langage de l’existentialisme athée l’intuition de Plotin :

(........)

  Le Mal nous apparaît ainsi comme le coefficient métaphy-
sique de l’en-soi, en tant que ce coefficient métaphysique est
précisément nul : l’en-soi est contingent. Il se dresse en face
de l’être qui est pour fonder son être comme l’absolument
infondé, c’est-à-dire comme anti-valeur, comme Mal absolu.
Le Mal est ainsi la désignation morale de la contingence, le
cœur noir de tout être, ou selon l’intuition profonde de Plo-
tin, la signification essentielle de la Matière. Et il va de soi
qu’il n’y a qu’un degré d’explicitation entre la découverte de
l’en-soi dans sa nudité et la découverte de l’en-soi comme
Mal, la nausée n’étant que l’appréhension métaphysique et
horrifiée de la contingence qui nous cerne et nous transit.

(……)

au fond du fruit je ne sais quel poison se cache, je ne sais quelle fis-
sure secrète me fera éclater l’outil dans la main, je ne sais
quelle mort ou quelle maladie guette au fond de mon corps et
quelle foudre ou quel ouragan se cache dans le ciel.
    C’est pourquoi, bien que l’imprévisibilité du monde nous
sauve de la chute dans la relativité, cette imprévisibilité n’en
est pas moins une manifestation de la contingence comme
Mal, c’est-à-dire comme ce qui menace notre transcendance
de ruine. Le Mal n’a pas besoin d’être fait pour être, il est
là en tout temps, comme le cœur noir de l’être. Il n’y a rien
de plus naturel que lui.

(........)

André Gorz.

in “fondements pour une morale”

(« Le Mal n’a pas besoin d’être fait pour être », il suffit par exemple de laisser aller les machines, systèmes et autres mains invisibles.)

avoir mal

laurent basnier

  12/09/2010

Les chemins d’interrogations m’ont mené à chaque fois sur cette très étrange route de la métaphysique - on ne sort d’un bourbier qu’en ayant un objectif haut - un cap - une étoile polaire, quelque chose qui respire d’une manière plus ample que soi. Je suis très heureux que dedefensa m’emmène sur ce chemin ou l’on se sent un peu seul certains jours.

Par contre, à titre personnel, j’ai toujours grand peine à utiliser ce bien et ce mal - ce sont de drôles d’outils qui coupent les mains de ceux qui les utilisent - cent fois au long de l’histoire,  ils ont fait le contraire de ce à quoi ils étaient destinés. Ce sont des outils qui paraissent structurant et qui ne le sont pas. Des outils bien trop humains et pas très bien élevés. Je ne dois pas être assez malin pour m’en servir.

Le bien et le mal utilisent souvent l’outil “bouc émissaire” qui est très pratique - il permet de charger les maux sur une mule et de la faire s’enfuir au loin ou de l’enterrer, brûler bref on comprend le principe.
Cela permet parfois de passer un pauvre cap - que dis je un cap. mais cela ne règle jamais rien au fond.

J’adorais lire les mots - structurant - déstructurant - sur dedefensa - Cela me paraissait être de bons outils -  loyaux.
Je ne sais pas bien pourquoi.

"Le Monstre doux."

Francis Lambert

  13/09/2010

Comment expliquer l’effondrement de la gauche européenne, alors que le continent souffre des contrecoups de la crise financière née des excès du libéralisme ? L’essai de l’Italien Raffaele Simone Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? qui sort enfin en France (Gallimard) aide à comprendre.

Propos recueillis par Frédéric Joignot :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/09/12/pourquoi-l-europe-s-enracine-a-droite_1409667_823448.html

Extrait :
“Qui est ce ” monstre doux ” dont vous parlez dans votre livre ?

Raffaele Simone : Dans De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville décrit une nouvelle forme de domination. Elle s’ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme “plus étendu et plus doux”, qui “dégraderait les hommes sans les tourmenter”. Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, “les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas”, transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en “une foule innombrable d’hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres”.
Isolés, tout à leur distraction, concentrés sur leurs intérêts immédiats, incapables de s’associer pour résister, ces hommes remettent alors leur destinée à “un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète.”
C’était une sorte de prophétie, mais nous y sommes aujourd’hui. C’est le “monstre doux” dont l’Italie me semble être l’avant-garde, le prototype abouti. Il s’agit d’un régime global de gouvernement, mais aussi d’un système médiatique, télévisuel, culturel, cognitif, une forme d’ambiance infantilisante persistante qui pèse sur toute la société.”

"Le Monstre doux."

Vincent Le Roy

  14/09/2010

Les propos recueillis par Frédéric Joignot et qui citent Tocqueville ne sont pas sans rappeler ceux de Zbigniew Brzeziński avec ” la société des 80/20”  et le “tittytainment ” comme “solution” préconisée ... 

“Le montre doux” serait l’incarnation de cette stratégie.

( voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Zbigniew_Brzezi%C5%84ski#Le_Tittytainment_.281995.29)

un mal pour un bien

laurent juillard

  15/09/2010

Si j’ais bien compris ce que vous dites, c’est le principe de déstructuration intrinsèque au système occidental globalisant qui incarnerait le mal, opposé au principe structurant de nation qui, par opposition, incarnerait le bien.
Voyant la réalité du monde sociopolitique actuel on ne peut qu’être d’accord avec vous.

Cependant, je pense que l’équation structuration=le bien – déstructuration=le mal n’est qu’une équation relative, c’est-à-dire valable pour notre époque actuelle, du début du 21eme siècle, et non un principe absolu.

Je vois plutôt l’équilibre structuration-destructuration comme un effet balançoire, penchant d’un coté, puis de l’autre, une série de déséquilibre aboutissant finalement a ce que l’on appelle une équilibre dynamique. La marche étant l’exemple type d’un équilibre dynamique, succession de petits déséquilibres, nécessaires a chaque pas ; comme l’équilibre dynamique « structuration-destructuration » est nécessaire à l’évolution de l’être humain et de la société humaine.
Le principe subjectif du « mal » représentant l’excès, le déséquilibre extrême atteint, la sonnette d’alarme humaine poussant a la recherche de rééquilibre vers « le bien », c’est-à-dire le principe opposé, ceci afin que l’équilibre dynamique soit conservé.
Donc, sur le plan subjectif humain, ce qui incarne « le bien » à une certaine époque peut être ce qui incarne « le mal » à une autre époque.

Pour en revenir à la socio politique, il me semble, mais n’étant pas historien je m’aventure un peu, qu’au début du 20eme siècle le principe structurant de l’état nation incarnait plutôt « le mal » avec ses excès, ses points de déséquilibre extrême que furent la 1re et 2eme guerre mondiale et ses nationalismes exacerbés entraînant, par réaction, l’idée globalisante d’Europe unis, les rejets du « paternalisme »dans les années 70, principe structurant sil en est, les idées globalisante d’internationale communiste…., principes déstructurants, mais qui à l’époque représentait « le bien » car nécessaire a un rééquilibrage social de sociétés figées dans des structures qu’il était « bien », nécessaire de casser.

Il semble qu’en ce début de 21eme siècle il nous soit effectivement « bien », nécessaire de redonner une colonne vertébrale (plus solide qu’un éclair au chocolat ;-) à notre société qui commence à être bien trop déstructurée.

A propos de métaphysique

MB

  17/09/2010

Bonjour,

Puisque la conclusion de l’article invite à une lecture / approche métaphysique de notre époque et des évènements que nous vivons, il convient de rappeler un auteur majeur,  auquel il a pu il déjà être fait allusion mais de manière très elliptique lors de certains échanges sur ce site, à savoir René Guénon que l’on peut considérer comme le plus grand métaphysicien du XXème siècle.

En 1927,  celui-ci avait déjà diagnostiqué la crise de notre civilisation dans son ouvrage “La crise du monde moderne”, devenu un classique incontournable (on le trouve d’ailleurs en format poche), dans lequel notre civilisation occidentale est jugée à l’aune de critères traditionnels et métaphysiques.
De cette analyse, lorsqu’on la relit aujourd’hui on peut dire qu’elle n’a pas pris un pli près de 80 ans plus tard. On comprend même malheureusement que notre situation a empiré depuis ...

Autre ouvrage de René Guénon, moins connu du grand public et plus complexe : Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (1945) qui approfondit et développe les idées déjà exposées dans l’ouvrage précité.
Le thème de la “matière déchaînée”, cher à P.Grasset depuis quelque temps y est notamment développé (pas exactement avec le même vocabulaire mais avec une certaine communauté d’esprit) et là encore d’un point de vue métaphysique

Un grand merci au passage à P. Grasset et à ses analyses remarquables et fécondes.

MB

Réponse à Laurent Juillard

Daniel

  16/03/2012

> Cependant, je pense que l’équation structuration = le bien – déstructuration = le mal n’est qu’une équation relative, c’est-à-dire valable pour notre époque actuelle, du début du 21ème siècle, et non un principe absolu.

L’exemple que vous prenez, la guerre de 1914, est révélateur de l’usage que faisait l’oligarchie de la nation pour récupérer de l’argent en faisant s’entretuer les peuples et en leur vendant des armes ; ça ne condamne pas la nation, protectrice de l’identité, pour autant, d’autant plus que l’oligarchie , une fois la monnaie émise sans étalon, détruit ces nations afin de mieux dominer des peuples indifférenciés et abrutis par la propagande multiculturaliste.
La nation était - est toujours - le rempart contre l’ennemi, malheureusement, un fois l’oligarchie infiltrée, elle a pu utiliser ce levier avant de passer à la phase ultérieure.

L’ennemi est le même qu’en 1914, son mode d’attaque a changé, mais ne jetons pas le bébé (la nation) avec l’eau du bain !

Le Bien et le Mal

Eric Barthelet

  29/06/2012

Bonjour,

Je me permet de publier un message sur cet article bien qu’il soit vieux de deux ans car il a été cité récemment.

Vous dites:

“Notre démarche nous conduit à identifier la matière comme la constitution et la dynamique fondamentales du système, donc la cause fondamentale du mal.”

Puis vous citez ce passage de Plotin :

«Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi.»

Or, la matière n’est que mesure par opposition au Divin qui lui est incommensurable. C’est d’ailleurs pour cela que ces deux mots commencent par un “M”, tout comme elle débute les mots : matrice,  mère, mer, manifestation, mouvement, mirage, mental et bien entendu mal…

Comment alors identifier le “Mal” simultanément dans la matière et dans l’informe ?

La matière, ou plus exactement la substance,  possède cependant une autre propriété, elle est impermanente. Elle se forme et se déforme tel les vagues à la surface de l’eau, elle n’est que mouvement.

C’est pourquoi la substance se cristallise puis se brise, se forme et se déforme. Naît, vit et meurt. Se structure et se déstructure.

Ô sublime illusion de la Manifestation…

Ensuite je ne comprend pas bien comment l’on peut qualifier le système actuel comme une contre-civilisation. Il est déstructurant certes mais cela est une phase normale d’une civilisation en fin de vie.

Après avoir prétendu à son immuabilité, à sa fixité, tel le chêne elle se brise sous les assauts du Styx pour ensuite être emporté par les eaux.

Enfin, opposer le Bien au Mal est une erreur. N’est-ce pas parce que l’on désire goûter du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal que l’on est condamné à vivre en dehors du Pardès ?

N’est-il pas dit que Dieu est seul juge ?

Je me rend bien compte que cette vision est incompatible avec votre travail d’analyse (que j’apprécie lire) mais je tenais tout de même à vous le dire.

“Tous ce que je sais c’est que je ne sais rien.”
Socrate