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Article : La quête de la légitimité 

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Illégitimité innée ou acquise ?

Crapaud Froid

  07/03/2009

Dans un autre article lui aussi passionnant à lire, « “Tempête sur Hiroshima”, ou une histoire du triomphe de la bureaucratie de sécurité nationale », vous remettiez déjà en cause la légitimité de la bureaucratie pentagonesque : « En un sens, on peut établir une filiation entre la bureaucratie soviétique et le modèle de la bureaucratie américaniste de sécurité nationale. La proximité des deux systèmes se trouve dans leur absence de légitimité. La bureaucratie soviétique est née de la prise du pouvoir par un “parti” qui, par définition, refusa toujours de se présenter comme un État, avec l’idée de transcendance qu’implique ce mot dans sa définition la plus haute. La bureaucratie américaniste de sécurité nationale est née dans un système qui, par essence, dès sa conception, écarte l’idée d’une transcendance qui donnerait l’autorité suprême à un État dans sa définition la plus haute ou à son représentant. »

L’on comprend bien que, faute de transcendance et d’autorité suprême, la légitimité de l’Etat fédéral est inconsistante, voire inexistante. Mais qu’y a-t-il, dans la conception du système incriminé, qui refuse explicitement l’autorité suprême de l’Etat fédéral ? Est-ce inscrit dans la Constitution américaine ? Que le Pentagone avale des budgets gargantuesques, que rien ni personne ne puisse stopper sa boulimie, ni canaliser son autonomie, n’implique pas juridiquement son illégitimité. Je crois discerner un raisonnement circulaire : le Pentagone est a priori illégitime, il exerce sur la Maison Blanche et le Congrès un chantage à la sécurité nationale, donc l’Etat perd son autorité suprême, donc sa légitimité, donc il ne peut conférer aucune légitimité au Pentagone, ce qui ferme la boucle.

Mais, dans le même article, vous écriviez aussi : « Dès 1947-48, avec les débuts de la Guerre froide, devant un danger à la fois stratégique et idéologique décrit comme sans précédent, la bureaucratie de sécurité nationale devint l’emblème, le porte-drapeau et la seule référence du patriotisme. Elle se drapa dans la bannière étoilée. La messe était dite. » Et quel effet put-elle avoir, cette messe, sinon celui de sanctifier la légitimité du Pentagone ? Si donc vous avez raison pour aujourd’hui, il faut admettre que, depuis la fin des années 40, il A PERDU sa légitimité, ce qui n’est pas en être privé congénitalement. Le discours de Rumsfeld à la veille du 9/11, qui révélait en quelque sorte le pot aux roses, étant passé inaperçu, il est probable que cette bureaucratie passe encore pour être légitime aux yeux d’un grand nombre d’Américains. En la matière, être et paraître ne font qu’un.