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Article : Jill Stein, l’inopportune

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Inopportune, sans aucun doute

David Cayla

  29/11/2016

Dimanche est paru dans le journal Le Monde, assez lucide pour le coup, un article sur l'initiative de Jill Stein, expliquant en milieu d'article qu'un des experts à avoir dénoncé une suspicion de fraude informatique s'était dores et déjà ravisé, expliquant qu'il avait été mal compris, que les différences observées dans les résultats s'expliquaient entièrement par des différences de composition sociale de l'électorat, et que s'il y avait erreur, elle venait exclusivement des instituts de sondage qui se sont plantés dans les grandes largeurs. Plus important encore, à la toute fin de l'article, on apprenait que si le recomptage devait mettre en évidence un bourrage d'urnes, il fallait s'attendre à ce qu'il soit du côté démocrate "qui bourre historiquement les urnes à son avantage dans les zones urbaines déshéritées".

Dont acte : l'initiative lancée par Jill Stein dans des états historiquement acquis aux démocrates, où les républicains seraient pour cette raison bien en peine de bourrer les urnes,  et où Trump a gagné de justesse, risque surtout de mettre en lumière à quel point les démocrates ont bourré les urnes dans des villes comme Chicago, et ont malgré tout perdu les élections.

Il n'en demeure pas moins que ce sont bien des personnalités proches des démocrates qui ont les premières lancé l'idée que les républicains auraient bourné les urnes à l'avantage de Trump dans quelques états clés historiquement acquis aux démocrates, et qu'un recomptage permettrait sans doute de récupérer les quelques dizaines de milliers de voix manquant à Hillary Clinton pour l'emporter.

Seulement voilà, si les démocrates ne se sont pas bousculés pour se saisir de l'idée au vol, c'est parce qu'ils étaient bien placés, eux, pour savoir de quoi il retournait. Mais une fois l'initiative du recomptage lancée par Jill Stein, au moins dans l'immédiate, ils ne pouvaient pas ne pas la soutenir. Quelques jours plus tard, réalisant dans quel bourbier ils se sont mis, leur réaction est toute autre. Pour ce qui est de Trump, il ne me semble pas qu'il ait fait autre chose qu'exprimer sa colère devant une n-ième tentative (oh combien brouillonne !) de renverser le sort des urnes par une initiative de dernière minute, qui plus est dans un contexte où tant Obama que Clinton ont reconnu sa victoire sans guère rechigner (une nuit passée à ressasser le choc de la défaite étant assez inédit, mais sans grandes conséquences autre que pour la principale concernée).

Est-ce que Jill Stein a vraiment souhaité se battre pour le bien de la grande démocratie américaine en demandant un recomptage uniquement dans des états remportés de justesse par Trump ? Il aurait mieux valu demander le recomptage dans tous les états remportés de justesse par un quelconque des candidats, mais au fond, peu importe : ce n'est pas tant l'élection de Trump qu'elle met en péril que des moeurs électorales assez étranges qui existent depuis maintenant un peu plus de 30 ans.

Zerohedge a révélé en effet, peu avant les élections, qu'avant le début des années 1980  - celles du tournant des élites libérales contre le salariat avec la décision de Paul Volcker de porter les taux d'intérêt de la FED à près de 20% pour détruire les tensions inflationnistes au prix d'un chômage de masse et de puissantes tensions déflationnistes rampantes qui déboucheront sur le contrechoc pétrolier de 1986 - les démocrates ont obtenu en justice des républicains que ceux-ci renoncent à présenter des observateurs dans les bureaux de vote des circonscriptions tenues par les démocrates (et réciproquement, on s'en doute).

Cela, déjà, au motif que des observateurs pourraient, par leur présence, effrayer les électeurs des "minorités". Mais si depuis cette époque, il n'y a plus d'observateurs pour s'assurer de la bonne tenue des élections, qu'est-ce qui empêche de bourrer les urnes ? Rien. Absolument rien. Et pourquoi les républicains ont-ils accepté une mesure qui devait visiblement leur causer du tort (puisque ce sont les démocrates qui ont porté l'affaire en justice, et non les républicains) ? Il n'y a pas de "réponse" à cette question, en dehors d'un léger soupçon : en effet, les républicains sont traditionnellement plus portés sur la défense de l'industrie américaine et le protectionnisme que les démocrates, plus ouverts, plus libéraux en somme. Cela faisait des meneurs des républicains les défenseurs naturels du monde ouvrier, ce qui allait à l'encontre de leur solidarité de classe, aussi il n'est pas impossible qu'ils aient cédé à la demande des démocrates parce que cela leur permettait d'équilibrer l'influence respective des deux grands partis, et donc, d'assurer que l'Amérique prenne bien le tournant libéral, libre-échangiste dont ils avaient besoin pour briser les reins des classes populaires, cela sans réellement "trahir" leurs électeurs (puisque la justice avait "tranché" en faveur de l'interdiction des observateurs dans les bureaux de vote).

A propos de d'embrouille .

Christian Feugnet

  29/11/2016

En tant qu'application de la complexité , ce qui est manifestement le cas dans cet article me revient à l'idée une thése de Kolmogorov , le maitre théorique de la question , puisque suite à ses travaux , les probabilités ont été admises comme de "vraies " mathématiques , avec tous les honneurs .
Kolmo en distingue 4 sortes : la normale , on va dire , la sophistication , mais surtout , ce pourquoi tout le Systéme lui est tombé à bras raccourcis : la monstrueuse , qui littéralement engendre des monstres . De guerre lasse , il  a laissé tomber . Mais je crois à tord , parce que je pense la reconnaitre dans cette embrouille et dans bien d'autre domaines de notre époque post moderne où tout devient pathologique .