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Article : Glossaire-dde : Le nucléaire postmoderne

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Peut-on craindre ce que l'on ne peut pas appréhender ?

Alex Kara

  06/10/2018

C'est justement la faiblesse de perception d'une grande partie de la population qui explique cette myopie sur le nucléaire, et aussi la puissance de l'arme chimique.

Lorsqu'il s'agit de frapper de terreur, il faut frapper une psychologie, or la plupart des gens ne sont pas intellectuels. Adolf Hitler l'avait bien expliqué, la masse n'est pas faite de professeurs et de diplomates, c'est donc par l'émotion qu'il faut la toucher.

Les effets de l'arme nucléaire sont trop complexes à comprendre pour la plupart des gens, il faut avoir une formation disons de Terminale S pour commencer à en saisir les effets, notamment parce que cela implique de visualiser de grands nombres, au sens mathématique. Il n'y a quasiment plus de films montrant l'usage de l'arme atomique, dans un des derniers en date (“La Somme de Toutes les Peurs”, seize ans déjà) c'est justement une très très grosse bombe et rien d'autre.

Les films comme “Threads” (le documentaire-fiction de 1984 qui explique le mieux les effets d'un échange nucléaire) ou, justement plus dans le registre de l'émotion, “Testament”, sont inconnus du public. Le nucléaire n'est pas une arme parlante.

Elle l'était jusqu'à l'effondrement du Mur de Berlin parce qu'il y avait encore des gens qui pouvaient parler des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, c'est une expérience qui a totalement disparu de la connaissance collective.

Notre civilisation étant celle d'une immense banlieue, généralement pavillonnaire pour ceux qui s'intéressent encore un peu à la chose militaire, la bombe atomique apparaît ici comme trop ponctuelle, concernant des centre-villes (des “villes-centres”) qui sont pour l'essentiel muséifiés, un vaste centre commercial appelé zone piétonne entouré de ghettos ethniques. En gros, la bombe c'est pas mon problème, et le Fallout ben c'est le nom d'un jeu post-apocalyptique où les mutants ont trois bras (ou plus, si affinités).

Le chimique, lui, c'est dramatique, la caméra est proche des visages, il y a des chtites nenfants qui crient, ou même des cadavres de chtites nenfants, c'est encore mieux-pire.

Le problème c'est que les élites ne sont pas intellectuelles, elles aussi souffrent de la pauvreté de la perception générale de ces armes très technologiques qui n'intéressent que les “geeks”. C'est comme cela que l'on perd les guerres.

La défaite de l'Allemagne nazie c'est l'étroitesse conceptuelle des élites fermées adeptes d'un “groupthink” de classe, à tel point qu'il fallait que ce soit Speer, un architecte urbaniste de la classe moyenne qui reprenne les commandes de son économie de guerre. On peut affirmer exactement la même chose d'Eisenhower, lui aussi technicien et lui aussi issu de la classe moyenne.

Il faudrait que l'on étudie la psychologie de nos élites par rapport à la chose militaire. Il me semble que les élites sont adeptes de l'idée d'un “grand coup”, d'une seule bataille décisive, là où les techniciens concoivent plutôt des chaînes d'événements, incluant aussi des moments de calme et des replis, ainsi qu'un apprentissage permanent et un sévère examen critique de soi (je trouve que la notion d'échelle opérationnelle, située entre le stratégique et le tactique, exprime bien cette technicité-là).

Les révolutions colorées sont des “grands coups”, qui marchent de moins en moins bien maintenant que le reste du monde s'adapte, avec notamment l'expertise de la Russie.

Psychologie

Jean-jacques Hector

  06/10/2018

Et si les américains, régisseurs de fait de la planète, raisonnaient comme Poutine : "à quoi bon ce monde s'il n'est pas dirigé par les US"

Peut étre aussi que ...

Christian Feugnet

  06/10/2018

Le glissement progressif s'est opéré par une différence entre "tactique" et "stratégique" , comme missiles et fusées intercontinentales . L'illusion, pour les Américains ,  d'étre épargnés sur leur propre sol  par du "tactique " , quand bien méme , le reste du monde serait il  en cendres radioactives . Aprés tout , les deux derniéres ( guerres) , leur ont bien profité, non ? .
Les nuages , le brusque refroidissment climatique, pas de souci ? Trop abstrait çà fait pas boum ! comme dans les films "d'action" .

la guerre inévitable

Marc Gébelin

  06/10/2018

Il ne me parait pas absurde de penser que Poutine, l’état major, les hauts responsables russes, s’ils avaient jusqu’à il y a peu, une relative confiance dans leurs "partenaires" américains (les arrangements conclus lors de la dernières envolée de missiles sur la Syrie en avril, le prouve), sont en train de la perdre. Pire, je suis certain qu’ils sont désormais convaincus que la guerre, ordinaire ou/et nucléaire, est inévitable.
 
La perte de l’Iliouchine a été le révélateur. Jusqu’à ce jour, par une conception assez étrange de la diplomatie, Poutine estimait acceptable que ses alliés syrien et iranien soit bombardés à volonté par l’entité sioniste. Cela pour des raisons très complexes qui tiennent à la relation des Russes avec le monde juif, leur antisémitisme historique compréhensible que Soljenitsyne détaille dans son "Deux siècles ensemble". En bons orthodoxes chrétiens, ils estimaient nécessaire de ménager leur "ennemi ontologique". Depuis la perte de leur quinze militaires, ils se rendent compte que pour Israël "l’ontologie" n’est pas le chapitre décisif de la théologie juive, seule compte la loi de tuer tous ceux qui se mettent en travers de leur projet. Pour eux le Messie est à la porte, et vu que les rabbins disent qu’il faut la guerre pour qu’il arrive, les Juifs veulent la guerre. C’est aussi simple que ça. Pour les élites militaires russes, un tel comportement est suicidaire. Elles ne savent plus, au sens propre di terme, "à quel saint se vouer" pour leur faire oublier leur énorme désir de mort. Mais elles savent aussi qu’elles ne pourront reculer au-delà du point où cette reculade les mettrait en danger stratégique. Que Shoïgu fasse le signe de la croix en inaugurant le défilé du 9 mai ne veut pas dire qu’il n’appuiera pas sur le bouton si stratégiquement parlant, c’est nécessaire. En sachant de surcroit, que d’un point de vue militaire, celui qui n’attaquera pas le premier sera désavantagé. Je crois que les Russes en sont à ce point. Ils ne vont pas le dire bien sûr, mais construisent en secret plusieurs scénarios de bataille dont la destruction de la capacité nucléaire d’Israël (c'est-à-dire d’Israël dans sa totalité) sera le premier maillon. Et cela est conforme à l’eschatologie juive et musulmane que Poutine doit connaître aussi bien que les rabbins ou les oulémas.
 
En attendant, l’Ours poursuit ses entretiens. Novembre approche. Idleb est le dernier furoncle. Ça peut être le bouton rouge si l’Hystérique de Londres, le Doigt honoré de Paris et le Terminator de Washington, décident de montrer encore leurs biceps. Grâce à Israël, les Russes disposent maintenant non seulement de S300, mais d’un réseau parait-il inégalé de brouillage et de peut-être d’autres surprises que bien sûr ils n’on pas annoncées.
Contrairement à certains je ne pense pas qu’une très grosse gifle donnée à Macron, May et Trump (corvette coulées, avions abattus) déclencherait une guerre atomique. Au contraire, ça les ferait revenir au réel. La gifle (désormais interdite par le pégagogisme et la sensiblerie féministes) est le remède miracle pour les gamins trop turbulents.
 

Entropisation sémantique

jc

  07/10/2018

Les mots s'usent-ils dès que l'on s'en sert? L'affadissement du sens, l'entropisation sémantique, sont-elles inéluctables?

Pour planter le décor, demander pardon avait jadis le sens d'exiger réparation alors que c'est devenu à notre époque post-moderne une vague formule de politesse qui ne porte plus à conséquence* -la différence entre le signe sacré de la croix et un simple geste "chasse-mouche"-. Bien entendu c'est ici de l'entropisation sémantique de "guerre nucléaire" qui faut mettre en toile de fond dans ce qui suit pour relier ce commentaire à l'article du jour (dont le titre commence par "Glossaire").

PhG cite de temps à autre le logocrate Steiner: "il [Maistre] fit valoir la congruence essentielle existant entre l’état du langage, d’un côté, la santé et les fortunes du corps politique de l’autre. En particulier, il découvrit une corrélation exacte entre la décomposition nationale ou individuelle et l’affaiblissement ou l’obscurcissement du langage : ‘En effet, toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage’… ”

On ne saurait mieux dire en ce qui concerne l'affadissement, l'obscurcissement, la dégradation  -voire la perte- du sens de l'expression "guerre nucléaire". Comment une telle désacralisation du langage, une telle entropisation sémantique** -diraient peut-être les modernes théoriciens de l'information- est-elle possible sur un sujet aussi grave? Je ne vois qu'une réponse: cette dégradation n'est possible que si l'on considère que l'acquisition du langage résulte uniquement d'un apprentissage culturel, apprentissage initié ex nihilo dès le plus jeune âge, puis prolongé par une vingtaine d'années d'études et complété tout au long de la vie par un formatage médiatique permanent -du genre "prêt à penser"-. Dans ces conditions un discours ne peut être autre chose qu'une rhétorique et les communicants et autres fournisseurs d'éléments de langage sont les rhéteurs des temps modernes, les maîtres de la maison du langage. Nominalisme***.

Les logocrates -en quelque sorte par définition- ne voient pas les choses de cette façon. Ainsi Steiner, encore lui, cité par PhG dans "Le grain de sable divin", écrit:
"Il est intéressant de signaler que Thomas Huxley, vers la fin de sa carrière, en arriva à la conclusion que le darwinisme n'avait offert aucune explication plausible des origines du phénomène du langage.",

et propose une explication "divine":

"Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”. Réalisme (au sens de la querelle des universaux).

L'homme est-il ou non maître de la maison du langage? Le problème est important -Goebbels: "Répétez mille fois un mensonge, cela deviendra une vérité.". Mais l'explication "divine" aura beaucoup de mal, c'est pour moi une évidence, à convaincre ceux qui ont subi le formatage laïc standard -la grande majorité donc-. Thom, qui comme les logocrates pense que non****, propose une théorie géométrique explicative des origines du langage au prix d'un "saut" métaphysique qu'il qualifie de minimal (cf. ES,  fins de l'introduction et de la conclusion), donc plus facilement acceptable par les laïcs, "saut" qui consiste en une foi en l'accord entre une certaine mathématique (méta-mathématique serait peut-être plus adéquat), un certain imaginaire -la théorie des catastrophes- et la réalité: cf. le chapitre "Pensée et langage" à la fin de SSM.

Je me convaincs un peu plus tous les jours que l'avènement de la civilisation à venir devra être accompagnée -voire précédée- d'une période de néguentropisation du langage. Les russes un pied dedans et les occidentaux encore les deux pieds dehors?


*: To demand a gardé en anglais le sens d'exiger.

**: Thom: "Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d'une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des sophistes, de la Géométrie euclidienne, de la Logique aristotélicienne, la pensée intuitive a fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. Or le moteur de toute implication logique est la perte de contenu informationnel: "Socrate est mortel" renseigne moins que "Socrate est un homme". il était donc fatal que le problème de la signification s'effaçât devant celui de la structure de la déduction. Le fait que les systèmes formels des mathématiques échappent à cette dégradation de la "néguentropie" a fait illusion, à cet égard, une illusion dont la pensée moderne souffre encore: la formalisation -en elle même, disjointe d'un contenu intelligible- ne peut être source de connaissance." (MMM, Topologie et signification)

***: L'essai "Comment la vérité et la réalité furent-elles inventées?" du médiatique Paul Jorion est une ode au nominalisme (et une partie importante est consacrée à tenter de discréditer le réalisme platonicien). La façon qu'a Jorion de combattre ainsi le Système est selon moi sans issue.

****: Thom: "Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Etre."

Mahabharata & Logos

EricRobertMarcel Basillais

  08/10/2018

La citation de Vishnu, est extraite de La Baghavad Gita, elle-même un tome du Mahabharata, le récit épique de l'Eschatologie Hindoue.
Les bombes atomiques indiennes s'appelent Agni, le Dieu du Feu védique.
La plus grande bombe russe s'appele Satan, si j'ai bien suivi.
Pareil pour les sous-marins nucléaires français etc…

Il y a donc incontestablement un jeu psychologique étudié par la terminologie eschatologique ou/et théologique des armes nucléaires.

Le Nihilisme technologiste retrouve l'aspect du Mythe dans le visage de l'Eschatologie. C'est normal, le Nihilisme s'annonçant, par ses effets évidents dans tous les domaines, comme une FIN.

Quant à la question du Logos, j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'on démontre que c'est bel et bien le Sacré, l'Être métaphysique par excellence, sa Trinité, ses créatures et ses avatars etc…
https://ericbasillais.files.wordpress.com/2017/12/pravda-pdf1.pdf

Or le Logos est attaqué en permanence : au niveau lexical, syntaxique et même au niveau logique formel. Ces attaques sont liées en SYSTEME et ce n'est qu'à la destruction du SYSTEME qu'elles se désorganiseront. De sorte que, MALHEUREUSEMENT, il faut en passer par une déconstruction de la Déconstruction devenue SYSTEME d'échelle mondiale. Ce qui correspond d'ailleurs à une prévision statistique pour 2020/2080… https://ericbasillais.files.wordpress.com/2018/06/climax1.pdf

Le scénario MAD n'est qu'un scenario parmi d'autres… ce n'est pas une dévalorisation du Risque Nucléaire, mais le Constat de l'apparition de Risques supplémentaires, par exemple l' IA, le Qbit, la Génétique... bref, tous les emballements de la Technosphère.