Une Europe qui dit non ?

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Une Europe qui dit non ?


26 juillet 2002 — La plus récente chronique de William Pfaff, celle du 25 juillet dans l'International Herald Tribune, a le mérite très rare d'exposer en termes simples tout le dilemme des Européens, comme aucun officiel européen n'oserait le faire (certainement pas) et, sans doute, comme aucun commentateur européen ne jugerait pouvoir le faire. Le titre nous dit tout : « NATO's Europeans could say 'no' », avec un sous-titre joliment ironique : « A polite mutiny »

Termes très simples, effectivement. Les Européens se plaignent du comportement des Américains, unilatéraliste, brutal. Ils se plaignent d'être maltraités, marginalisés, de voir leur politique rejetée et ils jugent que ce n'est pas acceptable (ils acceptent, pourtant). Les Européens sont en désaccord avec les USA, — sur beaucoup de choses, certes, et particulièrement sur la question de la future probable attaque contre l'Irak. Sur ce dernier point qui deviendrait un test pour l'ensemble des choses dans ces relations si chaleureusement conflictuelles, qu'ils proclament leur désaccord et qu'ils votent, à l'OTAN, conformément à ce qu'ils ont dit. Qu'ils mettent les Américains en minorité dans un système où chaque pays a une voix et où les décisions se prennent, dans tous les cas selon les formes théoriques, de façon démocratique.

[The Europeans] « do not themselves understand their power. Few in Europe's leadership seem to grasp that if the European NATO governments and public indeed object to a U.S. attack on Iraq, as they say, they can prevent it, or at least block it for many months, while accomplishing a fundamental transformation in the Middle Eastern situation to their own advantage (and possibly that of the Israelis and Arabs as well).

» [... Washington] is compelled to deal with the European Union as a powerful trade rival, to which it has to make concessions. The same thing could be accomplished in political relations if the European NATO allies, or even some of them, were to take a simple but decisive step: reaffirm that NATO is an alliance of independent and politically equal countries. They could refuse American use of NATO's European assets in an attack on Iraq, on the grounds that such an attack does not fall under the agreements on countering terrorism that produced NATO's Article Five resolution of last September. »

Pfaff estime que le risque est minime pour les Européens, parce que les Américains ont besoin de l'OTAN bien plus que les Européens n'en ont besoin, et parce que les Américains ont besoin du soutien des Européens bien plus que les Européens ne le croient. Le raisonnement de Pfaff est basé sur ce constat que les Européens ne savent pas le poids réel qu'ils pèsent, la puissance politique et d'influence dont ils disposent. L'ironie, d'ailleurs assez amère, est grande de devoir lire un Américain pour lire ces constats de bon sens, mais, certes, d'un puissant et rare bon sens aujourd'hui.

Mais disons autrement : Pfaff dit tout haut ce que tant d'Européens n'osent plus dire, ou, même, ne songent même plus à dire. Ce qu'il leur conseille, c'est bien de “parler vrai”, comme disent les politiciens français en mal d'électeurs au moment des élections. Et l'on n'est pas sans suspecter que l'abstention des Européens devant ce qui apparaît comme pesant le poids de l'évidence et du bon sens a finalement des motifs bien suspects. Et puis, c'est ce que leur dit Pfaff finalement : cessez de gémir à propos de la brutalité des Américains et affirmez cette puissance dont vous ne cessez de parler, — mais, au fond, le désirez-vous vraiment ? « Or is it all talk? » L'Irak est un test pour tout le monde.

« A polite mutiny by some or all of the European NATO countries on the question of war with Iraq would certainly produce what Saddam Hussein might describe as the mother of all trans-Atlantic rows, but in the end the United States would back down. Even this article's suggestion that there might be a European NATO mutiny on Middle Eastern issues will probably produce a row, but it will also weigh in Washington's considerations.

» After such a mutiny, NATO would be a different alliance. After that, the European allies would certainly never again have reason to complain that Washington was paying no attention to them. But do the Europeans really want this? Or is it all talk? »