Un F-16 israélien trop loin ?

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Un F-16 israélien trop loin ?

La destruction d’un F-16 biplace israélien qui volait pour disons une mission hostile à la Syrie et selon des circonstances encore mal déterminées, a fait grand bruit, outre celui que fait un avion en s’écrasant au sol. Malgré une certaine confusion qui a marqué et continue de marquer l’évènement, on peut raisonnablement affirmer que la destruction a été assurée par la défense anti-aérienne syrienne, dans la nuit de vendredi à samedi, après que la mission du F-16 ait été effectuée semble-t-il ; alors que cette “mission” semble avoir consisté  d’ailleurs en des évolutions de F-16 israéliens (sans doute pour abattre un drone ou participer à l’interception d’un drone dont certains jugent qu’il s’agissait d’un leurre de provocation), – sans doute dans l’espace aérien israélien, ou dans l’espace aérien syrien sur la frontière israélienne.

(D’une façon générale, les Israéliens effectuent souvent leurs missions sporadiques à l’aide de missiles air-sol contre des objectifs en Syrie à partir de leur espace aérien, ou de bien de l’espace aérien libanais, ou bien des marges syriennes des deux territoires avec celui d’Israël [y compris le Golan syrien occupé par Israël depuis 1973].)

Il est d’une très grande importance que cette affaire soit référencée comme ayant eu lieu dans l’espace aérien israélien, ce qui suppose une portée et une tactique spécifiques des systèmes syriens. Les deux hommes d’équipage se sont éjectés et ont atterri en territoire israélien bien entendu, l’un sain et sauf, l’autre grièvement blessé. C’est la première fois depuis 1982 qu’un avion israélien est abattu par la Syrie et, si c’est le cas, la première fois qu’un avion israélien est abattu dans l’espace aérien israélien par la Syrie depuis la Guerre d’Octobre (dite également “Guerre du Yom-Kippour”), en 1973. Ce cas (destruction de l’avion dans l’espace aérien israélien) est d’une énorme importance stratégique, symbolique et psychologique parce qu’il met en cause le mythe du sanctuaire israélien pour les forces aériennes.

(Il faut aussi noter l’hypothèse de dégâts israéliens plus importants qu’un seul F-16. Voir SouthFront.com, notamment avec relais d’Al-Arabya : un F-15E et deux autres F16 endommagés.)

A partir notamment des textes d'Elijah J. Magnier, de Mercouris sur TheDuran.com, de SouthFont.com, de RT, et en fonction des situations sur le terrain, on peut développer quelques hypothèses, que l’extrême complexité de la situation syrienne et les imbrications des uns et des autres permettent d’envisager.

Deux hypothèses dans le rangement des “hypothèses improbables”, avec des graduations :

• Il est quasi-complètement improbable que les Russes, qui ont en Syrie de puissantes installations anti-aériennes, aient agi seuls, au nom des Syriens, avec leurs propres installations.

• Il est assez à fort improbable que les Syriens aient agi seuls, avec leurs vieux équipements composés de systèmes déjà anciens, notamment les missiles sol-air d’origine russe vieux de près de quarante ans SA-5 (ou S-200).

Dans le rangement des hypothèses possibles :

• Il est possible que les Syriens aient agi seuls, avec du nouveau matériel russe qui leur aurait été livré ces dernières années (on peut citer comme hypothèse les fameux S-300, mais il existe d’autre type de missiles de nouvelle génération à portée moins longue, notamment les Bouk M2 et M3, et c’est bien plutôt un engin de cette portée [autour de 100 kilomètres] qui aurait été utilisé).

• Il est possible que les Syriens aient agi avec des conseillers russes dirigeant la manœuvre, également avec du nouveau matériel russe livré aux Syriens.

Dans le rangement des intentions possibles :

• De la part de la Syrie, montrer 1) qu’on est prêts à la riposte, 2) qu’on a des moyens de riposter efficacement et 3) qu’on a désormais la volonté de riposter.

• Montrer à Israël que le ciel israélien (et éventuellement le ciel libanais) n’est plus un sanctuaire pour les forces aériennes israéliennes.

• Indirectement, montrer aux Américains qu’ils s’exposent désormais à des pertes s’ils continuent leurs attaques comme celle de la semaine dernière.

• Montrer à tous, si l’option des Syriens agissant avec des conseillers russes est la bonne, que les Russes n’hésitent plus à s’impliquer dans la bataille. (Il est probable que dans le cas de l’une ou l’autre option envisagées où des Russes aient été impliqués, les Russes aient voulu faire savoir aux uns et aux autres [Israël et USA] la détermination russe à intervenir, avec risques & conséquences. Il est probable que dans l’un ou l’autre cas qu’on relève, les canaux officieux existant entre tous les acteurs aient fait passer de tels messages, en confirmant l’option hypothétique mentionnée, notamment pour ce qui concerne les hypothèse d’“avertissement”.)

On citera également, de façon plus complète, la version d’Elijah J. Magnier, très complète et la plus récente. Le commentateur affirme qu’il s’agit d’un piège tendu aux forces aériennes israéliennes pour pouvoir faire une démonstration de la volonté désormais affirmer de la Syrie de riposter, et même plus encore, – tout cela avec la connaissance et l’approbation de la Russie : la destruction du F-16 israélien « a pour effet de changer les règles d’engagement avec Israël et d’envoyer un message clair : la Syrie est prête à la guerre et ne tolérera plus de violations de son espace aérien. » La version qu’il donne de l’engagement, avec son contexte général qui est celui d’une mobilisation anti-israélienne de différents acteurs, est la suivante :

« La confusion israélienne est manifeste. Premièrement, Israël accuse l’Iran d’être derrière l’escalade. Ensuite, le commandement militaire affirme qu’un “drone iranien étant entré dans l’espace aérien israélien a été abattu”, mais en montrant des séquences d’un drone tombant en Syrie plutôt qu’en Israël. L’Iran a nié l’allégation israélienne. Ce n’est que quelques heures plus tard que le commandement israélien a reconnu l’écrasement du F-16 pour des “raisons techniques”, suivi d’une dernière version rapportée correctement, à savoir que le F-16 a été “abattu pendant qu’il volait au-dessus d’al-Sukhna”, proche de Tadmur.

» Un commandant des forces alliées en Syrie m’a révélé que ces forces dirigées par le commandement de l’armée syrienne ont convenu de tendre un guet-apens à l’armée de l’air israélienne, en mettant la défense antiaérienne syrienne en étant d’alerte maximale, prête à tirer. Un drone a été par la suite envoyé à la frontière syro-israélienne, d’où il a violé l’espace aérien israélien afin d’entraîner une réaction israélienne. Comme prévu, Israël a envoyé des F-16 abattre le drone dans la zone frontalière. Selon la source, il est impossible qu’un F-16 ait été abattu au-dessus d’al-Sukhna (la version israélienne que la source considère comme fausse). L’avion a été en fait abattu près de Kiryat Ata, à l’est d’Haïfa, à plus de 150 km d’al-Sukhna. Cela démolit la thèse israélienne, qui ne vise qu’à camoufler le fait que l’avion israélien a été frappé dans l’espace aérien israélien, ce qui met directement en question l’autorité d’Israël tout en livrant un message clair : “nous pouvons abattre vos avions dans votre propre espace aérien si vous violez le nôtre”, a précisé la source.

» “Si un missile SA-5 avait frappé le F-16, il aurait explosé dans les airs et aucune trace n’aurait subsisté. L’avion a été touché par un missile plus petit, mais plus moderne et précis, capable de manœuvrer comme le F-16”, a confirmé la source, en refusant d’en dire plus.

» Selon la source, “Israël est engagé dans une véritable bataille pour faire valoir sa propre version, afin de mieux cacher son incompétence dans la situation. Israël a cessé d’être une force dominante au Moyen-Orient, et est dirigé par des leaders arrogants qui continuent à attiser la guerre, parce qu’ils sont incapables de vivre en paix parmi leurs voisins”.

» “Le Hezbollah est non seulement prêt en cas de guerre contre Israël, mais il a amené toutes les factions palestiniennes et irakiennes à s’unifier contre Israël en cas de nouvelle guerre, mais seulement si Israël décide de choisir la guerre. Tel-Aviv peut prendre l’initiative de la guerre, mais il n’a pas le pouvoir de l’arrêter ni de la contrôler.” D’après la source, le Hezbollah est en train de réunir le plus grand nombre d’alliés jamais atteint dans toute guerre contre Israël depuis des décennies. »

Ce qui nous semble à la fois remarquable et important dans cet incident, c’est la publicité qui lui est faite de tous côtés, y compris des plus prudents qui, d’habitude, préfèrent glisser la cendre de cigarettes sous le tapis d’une situation si explosive qu’est la syrienne. Nous pensons aux Russes qui sont intervenus officiellement dès que l’incident a eu lieu pour recommander “de la retenue” aux deux parties, – ce qui revenait à officialiser l’incident et à fixer son importance. Il est certain qu’à cet égard, l’attaque US de la semaine dernière, dans son impudence, son illégalité et sa manière de trahison par rapport aux différentes ententes existantes, a agi comme une manière d’exacerber l’humeur.

(Car il importe de lier les interventions US et les interventions israéliennes en Syrie, non pas selon une entente cordonnée, un vaste de plan de coopération, – ce n’est pas leur genre, ni de l’un, ni de l’autre, – mais selon la même indifférence dédaigneuse et grossière de la légalité internationale, de la souveraineté, exactement comme feraient des pirates et des bandits sans foi ni loi. Cette attitude renforce la frustration et exacerbe l’humeur, et peut conduire à des décisions du type que recommande [ironie dans ce cas] l’ancien maître-espion israélien Yaakov Kedmi : « J’ai grandi dans la rue et j’ai appris dès mon enfance que vous ne pouvez pas parler poliment avec des gens agressifs. Vous devez parler aux voyous d’une façon telle qu’ils puissent comprendre. »)

L’impression générale qu’on recueille à lire divers textes et à noter, notamment dans le texte de Magnier, l’observation selon laquelle la Syrie (et éventuellement le Hezbollah, qui est décrit au sommet de sa puissance combattive, et même l’Iran) est (sont) incliné(s) finalement à rechercher l’affrontement, notamment avec Israël, et peut-être même plus, mais l’affrontement selon leurs règles, c’est-à-dire “boot on the ground, c’est-à-dire en mouillant les superbes treillis camouflés des combattants de leur sueur et de leur sang. Les matamores étoilés américanistes et israéliens, pour ces derniers depuis 2006 face au Hezbollah, traînent une trouille incommensurable de la vraie guerre, celle qui se fait avec les soldats contre d’autres soldats, et qui se solde dans le sang et les larmes. Ils préfèrent le “zéro-mort” pour soi, c’est-à-dire la tuerie de 5 000 mètres d’altitude pour l’adversaire à terre (y compris le civil, bien entendu), comme il fut édicté avec la guerre du Kosovo qui inaugura officiellement l’ère de la lâcheté technologique et postmoderniste du guerrier de la “tragédie-bouffe” américaniste-occidentaliste. Quel meilleur moyen de les attirer à terre pour qu’il nous montre leur véritable valeur, – ou bien leur faire lâcher prise dans leurs entreprises de développement du chaos, – que de leur démontrer que l’immunité méprisante et l’impunité arrogante n’existent plus, même à 5 000 mètres d’altitude, même pour des soldats devenus simples robots-tueurs ?

 

Mis en ligne le 11 février 2018 à 13H06

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