Un destin français (suite) ...

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Un destin français (suite) ...

13 février2015 – On a pu constater en France, ces derniers jours, depuis le sommet de Moscou, une soudaine éclosion, voire une soudaine explosion de déclarations objectivement favorables à la Russie, à sa position dans la crise ukrainienne, et extrêmement défavorables à ce qui est regardé comme une intrusion déstructurante et illégitime des États-Unis dans cette crise ukrainienne, et nécessairement européenne puisqu'ukrainienne. On rappellera les déclarations ou les écrits de Marine Le Pen, de Sarkozy, de Fillon, de Mélenchon, suivant la posture politique du président français et certaines de ses déclarations qui montrent un démarquage sémantique extraordinaire par rapport à la rigidité de la position-narrative du bloc BAO dans cette crise.

(Il faut ajouter que cette dynamique “révisionniste” n’affecte pas seulement la France. On a déjà vu qu’elle est très vivace en Allemagne [voir le 10 février 2015] et on y voit des signes même au Royaume-Uni, avec notamment l’évolution de la BBC, comme le montre un article de Russia Insider [le 12 février 2015] sur la révision de la tuerie de Kiev sur le Maidan par des sniper le 19 février 2014, qui déclencha le processus aboutissant au putsch du 21-22 février 2014. Mais nous nous attachons ici, spécifiquement, au cas français où cette évolution est certainement la plus fondamentale puisqu’elle porte sur un jugement général sur la position et le rôle de la Russie, avec les conséquences de politique générale.)

• Dès le lendemain du sommet de Moscou de la semaine dernière, nous posions la question spécifiquement française, sans nous douter un instant qu’on pourrait commencer à proposer des hypothèses de réponse 24 ou 48 heures plus tard : «Hollande pourrait-il parvenir à affirmer une vision propre, c’est-à-dire française et indépendante, des questions de sécurité, au travers de la réalisation de la gravité de la situation et des conséquences potentiellement catastrophiques de la politique extrémiste que veulent imposer les USA?» (Le 7 février 2015.)

• L’observation plus précise du phénomène commence, pour nous, avec le constat de l’évolution du discours de Hollande et l’intervention de Sarkozy le 8 février devant le Conseil National de l’UMP (voir le 9 février 2015). Avec cette interrogation : «L’intérêt étant de savoir si ces diverses agitations vont finir par provoquer en France un véritable débat sur l’Ukraine et sur les relations avec la Russie, c’est-à-dire autre chose que ce chœur contraint ou halluciné c’est selon de la rengaine-Système organisé jusqu’ici par le monde français officiel de la communication. C’est sans aucun doute un débat tellement, infiniment plus intéressant que “Je suis Charlie”, et qui peut réserver des surprises, et selon des “clivages” également pleins de surprises ; plus encore, les circonstances sont favorables, parce que la crise a suffisamment évolué pour que se décantent ses véritables enjeux, notamment la spécificité de la position US, autant anti-européenne qu’antirusse, à un moment où (voir plus haut), “les USA se sont mis à découvert à cet égard avec la question des livraisons d’armes”.»

• Confirmation aussitôt, le 10 février 2015, à mesure que nous rencontrons des déclarations faites dans le cadre de la politique intérieure française dont nous ne sommes guère friands, et qui soudain prennent tout leur intérêt pour notre propos : «Ce changement du thème de la rhétorique vers le thème de la guerre est aussi audible en France, dont on a vu combien le climat était en train de changer. Sans parler de ceux (Marine Le Pen) dont la position est connue, à l’UMP, après Sarkozy, Fillon a fait des déclarations allant dans le même sens extrêmement dur. (Les USA sont en train de “chercher à déclencher une guerre en Europe, ce qui serait catastrophique... Et une fois que la guerre aura éclaté, ils chercheront à prendre leurs distances”... Les USA agissent dans un “aveuglement complet”, ils essaient constamment de “régler les problèmes par la force ... Ils commettent erreur sur erreur et aujourd’hui ils sont complètement discrédités...” “Aujourd’hui, l’Ouest essaie de représenter la Russie comme une menace pour le monde entier, en oubliant que la Russie est puissante et que c’est un grand pays, pour ne rien dire du fait que c’est une puissance nucléaire...”).»

• Enfin, l’intervention sur son blog de Jean-Luc Mélenchon, que nous signalions le 11 février 2015, avec ce commentaire : «Même si le rapprochement de telles personnalités ne plaît pas à l’un ou à l’autre, s’il détonne dans le débat intérieur français qui a la forme d’une “guerre civile” permanente sur des querelles secondaires au milieu d’un monde qui s’effondre, il n’en existe pas moins au-delà et au-dessus de leurs engagements et de leurs affrontements dans ce cadre restreint. Il signale une sorte d’union nationale qui dépasse leur politique intérieure quotidienne, quoi qu’ils en disent et veuillent, qui rejoint un courant puissant qui ne se dissout jamais complètement et qui resurgit comme une marque évidente de la nature de la singularité française. Puisque la France est capable du meilleur et du pire, il est bon de signaler cette manifestation soudaine du meilleur, à propos de la crise fondamentale de notre temps, au milieu du courant du pire qui ne cesse d’emporter sa politique depuis de nombreuses années...»

• Nous signalons encore, cerise sur le gâteau et nouveauté dans cette liste, une intervention de Jacques Attali sur son blog de L’Express le 9 février 2015... (Qu’en pense Christophe Barbier, impeccable commentateur-Système, donc nous supposons absolument anti-Poutine, pour qui L’Express, dont il dirige la rédaction «n'est aujourd’hui « ni de droite ni de gauche, il est au-dessus de la mêlée» ?). Attali est intéressant puisqu’on connaît sa personnalité d’anguille idéologique, son sens des courants à la mode, son propos général qui ne peut évidemment se départir de ses engagements d’une “gauche hyper-moderniste” et pour la globalisation, etc... Eh bien, lui aussi nous chantonne une rengaine au rythme gaulliste en clouant au pilori l’œuvre du bloc BAO (et, par ailleurs, avec l’honneur singulier pour lui d’être cité par Sputnik.News le 11 février 2015). Citons le début du propos d’Attali pour nous convaincre de sa proximité avec le mouvement que nous mentionnons : «Une fois de plus, nous pouvons être entraînés dans une guerre absurde, contre ceux qui devraient être nos alliés dans d’autres combats infiniment plus importants.

»Il est en effet totalement absurde de se poser en défenseur d’un gouvernement ukrainien aussi incohérent que les précédents, incapable de proposer un programme de reconstruction de l’État, et qui ne trouve pas mieux pour exister que de réaffirmer que le russe, langue maternelle d’une partie significative de sa population, n’est plus langue nationale.

»Alors, faut-il s’indigner de voir la Russie se poser en défenseur des droits de ces minorités ? Nous opposerions nous aux Hollandais s’ils volaient au secours des Flamands à qui un gouvernement belge aurait interdit de parler leur langue ? Et nous, Français, ne réagirions nous pas si le gouvernement suisse interdisait à ses citoyens de parler le français ?

»Si l’Ukraine ne veut pas donner à ses russophones un statut décent, il est normal que ceux-ci veuillent l’obtenir, et qu’ils appellent à l’aide la Russie voisine, où beaucoup d’entre eux se sont déjà réfugiés.

»Ne nous laissons pas entrainer par ceux qui prétendre que la Russie voudrait ensuite se saisir de la Pologne ou des pays baltes, en réalité invulnérables parce que membres indéfectibles de nos alliances. Ne nous laissons pas non plus entrainer par ceux qui prétendent inviolables les frontières de l’Europe quand cela les arrange et qui ne se sont pas opposés à la sécession de la Slovaquie, à la partition de la Yougoslavie ni même au redécoupage des frontières lors de la naissance du Kosovo !»

L’intérêt, nous semble-t-il, est de nous interroger à partir d’un constat évident : un tabou est tombé dans la France du bloc BAO, avec l’interruption brutale de l’exclusivité de la narrative imposée, haineuse, antirusse, diffamatoire à l’encontre de Poutine continuellement moqué et insulté (“diabolisé”, bref). La situation est d’ailleurs étrange, entre ce florilège de déclarations dans le sens qu’on voit, et la presse-Système qui se trouve prise à contrepied entre la poursuite d’une forme systématiquement diffamatoire au long des talk-shows divers et variés, où l’on continue à percer d’épingles sataniques la poupée-Poutine élevée au niveau du symbole même du Mal et du Diable, et cette nouvelle ouverture. Mercredi, sur BFMTV, on pouvait entendre un consultant invité qualifier l’annonce du passage de la frontière par 50 chars russes de “propagande ukrainienne” avec un tel ton de mépris pour les clowns de Kiev, devant un Ulysse Gosset consterné et mis sur la défensive... L’interrogation qui nous vient alors est celle-ci : cela va-t-il durer ? Il faut observer que les conditions sont favorables, parce que la crise va se poursuivre et gagner en intensité, – quel que soit le sort de “Minsk-2” et parce que “Minsk-2” ne peut espérer échapper à des avatars déstabilisateurs, – parce que les USA ne changeront pas de politique de communication, celle qui règle tout aujourd’hui, et se feront de plus en plus pressants, intrusifs, agressifs, etc., lançant anathèmes et déclarations belliqueuses ; parce que c’est la seule chose qu’il reste à ce président-zombie pour encore exister ; parce que, parce que, etc.

En d’autres termes, il nous semble qu’il s’est passé en France une véritable rupture dans la communication, par rapport à la narrative-Système jusqu’ici respectée comme une règle de fer, que cette rupture est un fait irréversible, qu’elle est particulièrement importante, – parce qu’il s’agit de la France, on verra plus loin pourquoi. Qu’on trouve des signes d’une telle rupture de communication en Allemagne aussi, comme on l’a vu (voir le 10 février 2015) est aussi un fait important, mais sans aucune mesure dans ses effets avec ce qui se passe en France, – parce qu’il s’agit de l’Allemagne, et l’on comprend nécessairement pourquoi par antithèse. Ici, nous voulons parler de la France, spécifiquement ... Dans cette logique, nous vient à l’esprit, pour substantiver l’hypothèse qui nous importe, de nous reporter à notre texte du 18 janvier 2015, avec le titre «Un destin français...» (et le titre de ce F&C du 13 février comme suite et enchaînement, certes). En voici quelques citations, données sans ordre logique par rapport à ce texte cité, mais qui définissent l’état d’esprit qui nous importe et les conditions politiques qui pourraient l'exprimer. (Ce texte du 18 janvier constituait un commentaire général et hypothétique de ce qu’on pouvait attendre du grand mouvement de bouleversement qui avait touché la France entre le 7 et le 11 janvier, autour de l’attaque du 7, dans cette période-“Je suis Charlie” et à propos de cet événement bien sûr.)

«...En réalité, la France présente un tout autre tableau dans le domaine que nous privilégions qui est de savoir quelle évolution est possible entre la dynamique surpuissante du Système et la résistance antiSystème à la lumière de ce que nous jugeons être les influences nécessairement puissantes des grandes forces métahistoriques. Nous avons déjà largement exposé les grandes lignes de cette hypothèse dans notre texte du 11 janvier 2015.

»“... La France est, aujourd’hui, par le vertige de son angoisse sur ses propres conditions, le pays le plus apte dans le bloc BAO, – et, en général, hors du bloc, avec la Russie, – à réaliser l’ampleur et la profondeur des abysses où nous emmène le Système. Elle qui avait depuis l’inspiration gaulliste tout pour devenir l’inspirateur de l’antiSystème, elle qui a versé dans l’alignement-Système le plus bas depuis près de dix ans et qui, soudain, pourrait se révéler, par le biais d’un mouvement qu’il s’agit d’interpréter selon une logique d’inversion vertueuse, comme éventuellement à finalité antiSystème.

«“‘Chaque nation, comme chaque individu, a reçu une mission qu’elle doit remplir. La France exerce sur l’Europe une véritable magistrature, qu’il serait inutile de contester... ’, écrivait Joseph de Maistre (‘Considérations sur la France’, 1796) à l’époque où l’Europe c’était le monde ; et terminant cette même phrase par ces mots qui résonnent étrangement, c'est-à-dire presque conformément et par une élégante prémonition au périple français actuel, résumé dans le précédent paragraphe : ‘...dont elle a abusé de la manière la plus coupable’”. [...]

»Un autre élément qui influence largement l’orientation que nous suggère notre démarche intuitive nous pousse à cette sorte d’hypothèse et à cette exploration, qui est une évolution possible/probable de la politique russe de la France, soulignée dans notre texte du 15 janvier 2015. Encore ne voulons-nous parler en aucun cas de rapprochement de politique (même si c’est l’objet de la spéculation, et si la tendance y aide) mais de proximité des comportements, des âmes, des méthodes, etc...

»Ce qui rapproche aujourd’hui la France et la Russie, irrésistiblement, hors de tout contexte politique et géopolitique, hors de toute intrigue politique, de volonté d’alliance, de tractations de ferraille militaire, etc., c’est une perception collective dont elles disposent chacune dans leur chef, dont le cœur ne peut qu’être d’essence métahistorique, de l’immensité de la crise (la crise d’effondrement du Système) qui nous frappe et de l’inéluctabilité du destin de cette crise (ce que nous nommerions “la Chute”). Cette proximité est bien d’essence métahistorique et métaphysique et nullement d’essence religieuse (avec le sous-produit de la morale): il ne s’agit pas de répondre à un dogme ou de se référer à un “c’était écrit” (même si cela est écrit), il s’agit d’une perception collective similaire; il ne s’agit pas de la prosternation devant la Vérité (même si la Vérité dit cela), il s’agit de l’identification terrestre instinctive autant qu’intuitive d’une “vérité de situation”, c’est-à-dire la vérité d’un moment où se manifeste cette situation, – colossale chose, néanmoins cette “vérité de situation”-là, car colossal est le moment que nous vivons. Enfin, nous prétendons que cette perception similaire de la catastrophe en cours est également vécue, ou plutôt subie inconsciemment, sans conscience claire de la chose, évidemment sans rationalisation, dans le chef de ses principaux acteurs, notamment d’influence et de direction, dans les deux pays.

»Cette similitude de perception s’exerce de façon très différente, selon des situations très différentes, selon des consciences inégales sinon inexistantes de la chose, – mais tout cela sans réelle importance, puisque c’est bien entendu sur un autre plan que nous exerçons notre démarche intuitive. De ce point de vue, ce qui n’est pas anodin dans un possible rapprochement politique France-Russie, c’est qu’il puisse être envisagé au moment où la France entre dans un paroxysme, un an après que la Russie soit entrée dans son propre paroxysme (la crise ukrainienne) ... Cela ne saurait être anodin mais, encore une fois, cela n’est ni indispensable ni vraiment significatif d’un point de vue politique pour d’éventuels arrangements ou cafouillages politiques à venir. C’est un signe, rien d’autre, mais rien de moins également parce que c’est le signe d’une proximité de perception d’une formidable puissance».

L’“hyper-désordre” à la française

Dans ces divers extraits, nous ne prévoyions certainement pas ce qui s’est passé dans les 7 ou 8 derniers jours, du point de vue de la rupture de la communication que nous constations, certainement pas aussi vite et d’une façon aussi tranchée, c’est-dire rupturielle. (Les événements, par les temps courant et galopant, vont toujours tellement plus vite qu’on ne prétend les anticiper.) Nous disions plutôt ceci, que nous résumons en une sorte d’abstract pour décrire l’esprit de cette démarche intellectuelle et intuitive du 18 janvier en fonction des événements actuels :

“Il s’est passé de formidables événements en France entre le 7 et le 11 janvier, qui ont secoué la psychologie française prise comme un événement collectif. La cause que nous qualifierions d’apparente de ce bouleversement (“Charlie”, défense de la liberté d’expression) nous paraît accessoire, de pure circonstance, comme une sorte d’‘écume des jours’ de la pensée ; non pas cause faussaire, non, mais véritablement marginale, et aussi la conséquence d’une exploitation par l’un ou l’autre des divers partis qui s’opposent dans la ‘guerre civile sociétale’ qui déchire la France pour le bénéfice du Système. Ce que nous développons comme idée, c’est que cette énorme énergie sortie de la psychologie collective et déployée dans des manifestations diverses au niveau public n’a pas encore trouvé son véritable usage, son utilité opérationnelle fondamentale ... Ce que nous disons, c’est qu’elle le trouvera dans les affaires extérieures, en connexion avec le destin russe qui se trouve depuis un an en pleine ébullition, et la France comme la Russie parce que ces deux pays appréhendent justement (avec justesse), même s’ils n’en ont pas une conscience claire, même si leurs dirigeants (essentiellement les français, certes) ont un jugement qu’ils voudraient quasiment contraire, la subversion fondamentale du Système et la course catastrophique de l’effondrement du Système. Nous parlons bien de l’influence de forces supérieures trouvant un terrain particulièrement favorables dans la culture et la transcendance historiques de ces deux nations, sur les psychologies considérées d’un point de vue collectif”.

Dans ce cas la rupture de communication en France que nous décrivons plus haut, qui touche des personnalités si diverses et souvent opposées (Hollande un petit peu, Sarko, Le Pen, Fillon, Mélanchon, Attali...), renvoie à ce formidable jaillissement d’énergie que nous avons identifié. Il faut bien prendre garde à ceci : nous parlons pour l’instant d’une rupture de communication qui a eu lieu, dont nous ignorons comment elle se concrétisera et se poursuivra, si elle se concrétise et se poursuit, et qui n’est pas (encore?) un changement de politique. Néanmoins, ces réserves ne peuvent diminuer la puissance de l’événement qui existe en tant que tel, lorsqu’on sait l’importance que joue dans les affaires du monde, aujourd’hui, dans l’ère psychopolitique, la communication, – c’est-à-dire l’essentiel de la puissance, et des basculements de la puissance. Par conséquent, on peut avancer l’hypothèse que la France est devant la possibilité, – nous ne parlons que de possibilité, mais quand même pas vraiment éloignée de la probabilité, – d’une révision politique majeure qui serait engendrée par cette rupture de la communication. Voilà le premier élément de l’hypothèse...

Le second élément de l’hypothèse est sa véritable justification... C’est-à-dire apprécier pourquoi cette rupture de la communication dans l’appréciation de la Russie dans la crise est essentielle avec la France, et beaucoup moins, par exemple, avec l’Allemagne ; essentielle avec la France, pour ce que cette nation est par rapport à elle-même appréciée dans son destin historique, c’est-à-dire parce qu’elle est et reste malgré tout, dans son essence, cette nation qui «exerce sur l’Europe une véritable magistrature, qu’il serait inutile de contester». (Maistre, lorsqu’il dit cela [voir plus haut une des citations du 18 janvier] ne parle pas de puissance, de PIB économique, d’apparat médiatique, de propagande de communication, de présence ou pas dans l’OTAN, de satisfecit donné ou pas par un dirigeant aussi puissant et aussi dénué de sens historique et de l’influence profonde que cela suppose qu’est le président des USA courant, comme tout président des US en cours ; Maistre parle de l’esprit des choses, qui transcende le temps et l’histoire, qui demeure en raison d’une mission métahistorique, lorsqu’on entend se dire, avec le commentateur métahistorique, qu’on a «une certaine idée de la France». Tout cela structure la psychologie bien plus que les articles des experts rationnels et les leçons de sagesse de nos directions politique-Système, et cette structuration courant et tenant à travers les siècles, et nécessairement antiSystème dans la conjoncture présente.)

L’évidence nous montre qu’il existe une tension considérable entre la politique suivie par la France au moins depuis 2007 (et depuis bien plus longtemps, si l’on veut être rigoureux), et le vrai penchant de la psychologie française qui habite, selon une proportion plus ou moins importante et souvent marginale certes, même les personnages d’assez bas esprit qui animent cette politique catastrophique. (L’exemple emblématique, selon ses propos du samedi 8 février, est Sarko, l’homme qui a fait rentrer la France dans l’OTAN, qui a servi de porteur d’eau des ambitions de la politique-Système, au service du Système, en Libye et en Syrie, et qui dit soudain une certaines vérité de rupture en bonne partie selon ce qu’il croit être un calcul électoraliste, – mais qu’importe, il dit cette vérité-là de rupture et c’est bien ce qui fait l’essentiel du propos tant une telle “vérité de rupture” a de force psychologique en elle-même, quel qu’en soit le messager et quels que soient ses motifs. Sarko applique sans le savoir, car l’on fait l’hypothèse que les Mémoires de guerre ne sont pas son livre de chevet, la maxime de Charles de Gaulle : «Tout peut, un jour arriver, même ceci qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique.»)

On voit donc bien que nous ne sommes certainement pas en train de dire que tous les personnages évoqués par cette allusion politique, et certains de ceux qui sont cités, se révèlent soudain comme des esprits forts à la puissante psychologie. Au contraire justement, pour certains dans tous les cas (Hollande, Sarko, bien sûr, Attali sans doute) c'est leur faible psychologie, d’habitude (en temps de désordre normal) influencée par la narrative-BAO, l’idée “européenne”, l’influence-Système des USA, etc., qui leur joue des tours ; dans les temps de pression extrême que nous vivons, avec une politique-Système réduite à sa folie de la surpuissance, ce sont les schémas rassurants du bloc BAO perçu en tant que bloc, l’idée “européenne” si bien structurée en théorie, etc., qui perdent de leur force à une vitesse vertigineuse, et perdent de ce fait leur capacité d’influence par pénétration des psychologiques très faibles de tous ces personnages. Au contraire, l’idée structurante de la France constante et ontologique, et telle que l’a rénovée la période gaulliste, avec le rétablissement des grands principes politiques de l’indépendance nationale selon l’optique de la légitimité et de la souveraineté, retrouve toute sa force pour s’insérer dans ces psychologies. Elle y rencontre un terrain fécond pare qu’effectivement la psychologie collective française repose sur ces conceptions structurelles, – cela renvoyant à la remarque faite le 9 février 2015 : «...tandis que la France, même si elle a totalement sacrifié sa politique d’indépendance nationale, conserve les structures mentales et certains moyens principiels pour la réactiver au moins en partie.»

Il y a des signes convaincants, même dans ce temps très court depuis la signature de “Minsk-2”, que “la tension considérable entre la politique suivie par la France au moins depuis 2007 [...] et le vrai penchant de la psychologie française” est et va être constamment exacerbée au profit du second (le “vrai penchant”) par les tensions politiques extérieures. On parle ici de la politique nihiliste et déstructurante constante suivie par les USA, mais aussi des affrontements considérables au sein de l’appareil européen, aussi bien entre États-membres (Pologne et Royaume-Uni furieusement opposés au rôle joué par France-Allemagne considéré comme un “coup d’État” contre la narrative du bloc BAO) qu’au niveau des nouveaux dirigeants européens (rôle activiste forcené pro-Kiev joué par le président polonais de l’UE, Donald Tusk, le “putschiste” avéré, désormais très voyant et déstabilisant par ses excès même). Cela nous conduit à envisager les effets de cet épisode déstructurant et déstabilisant pour la situation européenne de conformisme vis-à-vis du bloc BAO, et d’abord la possibilité très grande de la poursuite de la rupture révisionniste de communication constatée en France à l’avantage de la Russie. Ces effets ne seront certainement pas, en aucun cas, de permettre à une “vraie et grande” politique européenne rompant avec la narrative du bloc BAO de s’installer. Il faut s’abstenir d’entretenir la moindre illusion à cet égard, en se disant d’ailleurs qu’une telle hypothèse porterait en soi les germes de son échec puisqu’une telle “grande politique” se développerait tout de même à l’intérieur du Système qui n'est certainement pas détruit, – tant s'en faut et cela se saurait, –, et serait de ce fait récupérée d’une façon ou l’autre. Ce qu’il y a à attendre, – et à espérer certes, – c’est ce que nous proposions comme hypothèse paradoxalement structurante dans notre texte du 18 janvier ; c’est-à-dire, bien entendu, un désordre nouveau, supplémentaire et d’une autre substance, où la France jouerait le rôle principal, ce fameux “hyper-désordre” dont nous parlons si souvent en ce moment et qui doit tenir un rôle paradoxal d’antiSystème en devenant subversif de la situation de désordre développé par la politique-Système suivi jusqu’ici à l’intérieur du bloc BAO lorsqu’existait encore une certaine cohésion.

... Ceci, selon notre texte du 9 novembre 2014, pour rappeler que cette évolution sert le seul but possible, – d’abord la destruction du Système (Delenda Est Systema), avant toute autre considération : «L’hyper-désordre qui est en train de détruire cette tentative d’“ordre” postmoderne qui est en vérité un pur désordre, est donc paradoxalement une poussée dont le sens antiSystème pourrait être jugé effectivement à finalité de “remise en ordre”. Même si les moyens sont totalement anarchiques et d’hyper-désordre, le sens, involontairement ou volontairement antiSystème c’est selon, est bien décrit selon cette orientation de la remise en ordre par le simple fait de la destruction du désordre que sème le Système, dans ce cas au travers de sa philosophie postmoderniste dont la pseudo-essence a été précédée par sa pseudo-existence. Au simulacre d’une fausse philosophie s’est ajoutée l’inversion de son opérationnalisation.»