Tulsi & WSWS.org

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Tulsi & WSWS.org

29 juin 2019 – Le texte précédent à peine bouclé, voici que je reviens sur le sujet. On croirait le vieux capitaine un peu fleur-bleue, non ? Ce serait une bonne explication, qui permettrait d’évacuer le sujet et de passer à autre chose.

(“Il faut passer à autre chose”, expression typique de l’individualisme de notre temps, très courante, retrouvée dans nombre de dialogues de films, quand il s’agit d’expédier une tragédie, un événement proche de l’incompréhensible, quelque chose qui nous dépasse, des sentiments tragiques ou désespérés, bref tout ce qui freine la marche en avant du Progrès de la post-postmodernité … A l’image du scientifique qui, confronté à un problème qu’il ne parvient pas à résoudre selon les canons de la science moderniste occidentale, décrète qu’on laisse cela de côté pour poursuivre raisonnement et démonstration s’appuyant ainsi sur une affirmation non démontrée, affirmant que d’autres y reviendront plus tard avec la solution conforme qu’on aura trouvée dans le catéchisme.)

Bref, pourquoi tant parler d’elle si ce n’est fleur-bleue ? Parce qu’il faut avoir, seule au milieu de tous ces messieurs-dames fort bien montés (les candidats à l’investiture démocrate, USA-2020), – oui il faut “avoir des couilles” pour parler comme parle Tulsi Gabbard.

(Je vous concède les guillemets pour l’expression, tout en vous faisant noter que cela réduit dramatiquement l“hypothèse fleur-bleue”.)

...Et puis également (“Pourquoi tant parler d’elle ?”) parce que son intervention de mercredi dernier met indirectement en évidence un étrange comportement, dans le chef du site WSWS.org. On y retrouve, me semble-t-il, une compagne irritante de cette étrange époque où l’on peine à distinguer le véritable Ennemi alors qu’Il nous embrase tous, qu’Il nous triture, qu’Il nous broie, qu’Il perce notre âme et soumet notre esprit, comme ferait le diable lui-même ; on y retrouve, veux-je dire, l’impasse où conduit l’idéologisation en toutes choses, fût-ce la plus honorable, pure et stricte des idéologies, celle que développa l’éternel perdant Léon Trotski. Ainsi est-il fait justification du titre mêlant Gabbard et le site officiel de la IVème Internationale trotskiste.

(Mais, – cette remarque en passant, –  les événements actuels, avec les neocons venus du trotskisme, la doctrine du “chaos créateur” et le concept de “révolution permanente” qui vont si bien à l’hyperlibéralisme déstructuré de la postmodernité, – tout cela n’est-il pas une victoire posthume du “Vieux” [Léon] ? Remarque pas inutile : ceci expliquant cela, qui va suivre...)

On avait, vous en souvient-il, déjà apostrophé WSWS.org dans le premier texte que notre site consacrait à l’intervention de Gabbard mercredi soir. Je me permets de citer, là où notre-texte cite lui-même un texte de WSWS.org consacré au débat des dix premiers candidats démocrates : 

« Il faut noter, que le site WSWS.org a consacré un article sur cette “pantomime” du premier débat des candidats démocrates sans dire un seul mot de Tulsi Gabbard, la seule candidate antiguerre (bien que sa photo figure parmi les photos de quatre candidats, dont Sanders et Warren, en tête de l’annonce de l’article, en première page)... Surprise ? Pas de surprise ? WSWS.org n’aime pas trop citer dans un sens favorable, –– comme il aurait dû le faire pour Gabbard, – des personnalités non-trotskistes, appartenant à l’un ou l’autre parti de l’establishment. La vertu antiguerre, c’est l’exclusivité des trotskistes... »

Voici qu’aujourd’hui 29 juin, le même site WSWS.org consacre un second article aux débats (ceux de mercredi [avec Gabbard] et de jeudi [avec Biden, Sanders, etc.]) pour en donner un jugement général. Il est catégorique, ce jugement, méprisant, écrasant de sa longue tradition révolutionnaire et vertueuse la pourriture du système de l’américanisme aux abois, que ce soit les démocrates comme ici, ou les républicains qu’importe... Et Gabbard, dans tout cela ? Je cite la deuxième moitié de l’article, où le nom de Gabbard apparaît deux fois (les deux seules fois pour tout l’article, d’ailleurs) ; cette partie est consacrée au peu de cas que toute cette volaille corrompue et démocrate fait des multiples, inutiles et impitoyables guerres que le système de l’américanisme, bras-armé du Système, mène à travers le monde... Et vous vous dites : “Là, tout de même, ils ne peuvent pas ne pas parler de Gabbard” ; effectivement... Mais lisez donc plutôt (en gras, les deux allusions à Gabbard) :

« ... Il est remarquable, dans des conditions où le président Trump lui-même a déclaré que les États-Unis n'étaient qu'à 10 minutes de lancer un assaut majeur contre l'Iran plus tôt ce mois-ci, que les 20 candidats démocrates n'aient presque pas passé de temps à discuter de politique étrangère.
» En l'espace de quatre heures, il n'y a eu que quelques minutes consacrées au monde en dehors des États-Unis. Le silence sur le reste du monde ne peut être rejeté comme un simple esprit de clocher.
» De nombreux candidats démocrates à la présidence sont profondément impliqués soit dans l'élaboration des politiques, soit dans les opérations de combat de l'impérialisme américain. Parmi les 20 candidats figurent deux qui ont été déployés comme officiers militaires en Irak et en Afghanistan, Buttigieg et Tulsi Gabbard; Biden, vice-président pendant huit ans et ancien président de la Commission sénatoriale des relations étrangères ; et cinq sénateurs qui sont membres de commissions de sécurité nationale très en vue : Harris et Bennet au Comité sénatorial du renseignement, Elizabeth Warren et Kirsten Gillibrand au Comité des forces armées, et Cory Booker au Comité des relations étrangères.
» Si ces messieurs-dames décident de ne pas s'engager dans la politique étrangère, la raison en est claire : les démocrates savent que le peuple américain s'oppose catégoriquement aux nouvelles interventions militaires. Ils cherchent donc à dissimuler les préparatifs de l'impérialisme américain pour les grandes guerres, qu'il s'agisse de conflits régionaux avec l'Iran, la Corée du Nord ou le Venezuela, ou de conflits avec des rivaux mondiaux dotés d'armes nucléaires comme la Chine et la Russie.
» Dans les quelques commentaires qui ont été faits sur la politique étrangère, les candidats démocrates ont marqué leurs déclarations d’une note belligérante. Mercredi, quatre des dix candidats ont déclaré que la principale menace mondiale pour les États-Unis était la Chine, tandis que le maire de New York, Bill de Blasio, a choisi la Russie. De nombreux candidats ont évoqué la nécessité de lutter contre l'ingérence russe dans les élections américaines, – recyclant les allégations bidon selon lesquelles l’“ingérence” russe a aidé Trump à entrer à la Maison Blanche en 2016.
» Le premier soir, la Représentante Tulsi Gabbard d’Hawaii, à qui l’on a demandé de nommer la plus grande menace pour la sécurité mondiale, a répondu : “La plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés est le risque de guerre nucléaire que nous courons aujourd'hui plus que jamais auparavant dans l'histoire”. Cette déclaration remarquable a été passée sous silence par les modérateurs et les autres candidats, et le sujet n'a pas été soulevé du tout la deuxième nuit, y compris par Bernie Sanders. »

Là-dessus, trois remarques me viennent à l’esprit :

• La première fois où Gabbard est citée, elle l’est dans un paragraphe qui citent les noms des « nombreux candidats démocrates à la présidence [qui sont ou ont été] profondément impliqués soit dans l'élaboration des politiques, soit dans les opérations de combat de l'impérialisme américain. » L’intitulé de la rubrique indique très directement que Gabbard est mis dans le lot de ceux qui ont été impliquées « dans les opérations de combat de l'impérialisme américain », c’est-à-dire comme représentante et actrice de cet impérialisme.

• La seconde fois où elle est citée, c’est parce qu’elle fait cette « déclaration remarquable » (et là, l’appréciation est tout à fait laudative) : « La plus grande menace à laquelle nous sommes confrontés est le risque de guerre nucléaire que nous courons aujourd'hui plus que jamais auparavant dans l'histoire. »

• Ma troisième remarque est pour dire mon ébahissement : après avoir cité cette « déclaration remarquable » de Gabbard, le commentaire poursuit qu’elle (la déclaration) « a été passée sous silence par les modérateurs et les autres candidats, et le sujet n'a pas été soulevé du tout la deuxième nuit, y compris par Bernie Sanders » Mais qui, en plus du “modérateur et des autres candidats” n’a dit mot de cette « déclaration remarquable » (et d’autres) de Tulsi Gabbard durant le débat, sinon pour ce qui nous concerne WSWS.org dans son texte du jour précédent ? Dans l’esprit de la chose, n’est-ce pas un peu faire ce que le sacré vieil oncle Joe (Staline) faisait avec les photos de Lénine d’où l’on faisait disparaître Trotski tout proche de Notre-Père, parce que Staline avait décidé que la vipère lubrique Trotski n’existait plus et même n’avait en fait jamais existé ? 

Il nous est souvent arrivé de citer WSWS.org, je crois chaque fois d’une façon respectueuse tout en marquant nos différences puisque je ne suis/nous ne sommes pas trotskistes, – aux dernières nouvelles. Il y eut même un crétin d’un SR ouest-européen (non-français) qui fit passer aux Français du même domaine l’analyse que dedefensa.org était trotskiste puisqu’on y citait WSWS.org. J’en ai bien ri pendant au moins une semaine car j’étais jeune alors (c’était en 2008). Je dois dire, à la décharge de la source directe qui m’en informait, qu’il y avait de sa part une certaine gêne à transmettre cette incroyable stupidité, avec cette question vraiment très gênée : “Euh, êtes-vous trotskiste ?”. Bref, nous avons toujours cité WSWS.org parce qu’ils nous ont habitués à un travail d’analyse sérieux, sans que nous soyons trotskistes pour autant.

Cela étant rappelé, je fais l’hypothèse que l’on comprend ma surprise irritée et mon incompréhension agacée dans le cas cité. Ainsi, tout vertueux qu’il soit le trotskiste WSWS.org est tout de même un peu comme les autres, non ? AntiSystème et tout ce que vous voulez dans ce sens, et même des analyses objectives, mais pourvu qu’on reste sous l’ombrelle trotskiste. Et alors là, dans le cas qui nous occupe, l’ombrelle trotskiste les conduit tout de même fort proche de la manipulation des faits et d’une vérité-de-situation, avec comme objet essentiel d’écarter tout ce qui hume le diable, – non pas le Système, pas du tout, mais ce qui s’est passé il y a un siècle.

Que reproche-t-on à Gabbard du point de vue de la bienpensance politiquement-correcte ? Certaines choses, aussi diverses que mystérieuses sinon bien fabriquées par glissement d'interprétaztion, comme dans le cas de tant de personnes de ces mondes politiques qui sortent du courant bienpensant tout en y étant institutionnellement rattachées ; un peu comme on accusait Ron Paul de “racisme” dans son passé lorsqu’il joua un rôle inattendu sur la scène nationale en 2008-2012. (Pour Tulsi Gabbard, voir son Wikipedia à Controversies, avec des accusations de nationalismes hindou, jusqu’à des accusations “sectistes”, ou affaires de sectes, comme dans le message de Marjolaine Jolicœur [quel joli nom, très fleur-bleue] dans notre Forum d’un article du 9 février 2019.) ... Et puis aussi, ceci et cela autour des choix autoritaires et impératifs, faits ou pas faits, en rapport avec LGTBQ & le reste... Autour de tout cela, quelques relents de parfums dits-sulfureux, comme on dit, – parfums de quoi ? Respirez bien et vous avez trouvé, quelques grains soupçonneux d’extrême-droite, directement ou indirectement (son père), c’est-à-dire populisme, fascisme, bête immonde et tout le reste.

Contre tout cela, voyez-vous, j’ai un bras d’honneur qui se nomme “inconnaissance, qui entérine mon désintérêt total pour un débat sur les années 1930 et le fascisme qui n’en finit pas, bête lancinante, de disparaître de notre horizon, qui trône comme une immense araignée dans le plafond troué de notre civilisation agonisant du plus complet abrutissement de l’esprit. La trouille-haine du fascisme est notre araignée au plafond, comme disaient les putes des Grands Boulevards il y a deux siècles.

(Imaginez-vous une France de 1914, un peu avant la Marne, où l’on débattrait jusqu’au déchirement le plus atroce du gouvernement et de la mort du roi Louis XVIII, de l’énigmatique Charles X, du retrait brutal de la vie politique de Chateaubriand, des plans secrets qu’est en train de tramer Talleyrand pour son retour en politique, – tout cela déterminant votre libéralisme pur et dur de 1914 comme brevet de démocratie par rapport à tous ces personnages, avec menace d’être conduit au bûcher s’il est prouvé que vous avez quelque considération pour Charles X, ou que vous avez trahi la Grande Révolution, ou que vous êtes un “demi-solde” de l’Empereur, etc.)

Ce que je veux dire ici est que je crois d’intuition espérée cette idée désespérante pour cette époque parce que mesure de l’époque, que l’essentiel de la pensée de tant de gens, et dans ces “tant de gens” sans doute bien ceux de WSWS.orgest conditionné par des considérations vieilles de quasiment un siècle pour déterminer une attitude, un jugement, une censure, une mise à l’index, dans une époque où, du fait du Système que nul ne peut ignorer si tant d’entre nous préfèrent l’ignorer, se produit sous nos yeux aveugles et nos esprits préoccupés du siècle dernier l’écrasement total de tout ce qui est structuration civilisationnelle depuis des siècles et des siècles. Nous avons cela en France tous les jours que Dieu fait, ce débat absurde et complètement vide de toute substance, débat sur le Rien de nos phantasmes, ennemi juré de l’essence même de l’esprit libre et critique.

Enfin et pour faire court, une seule chose m’intéresse : que Gabbard dise ce qu’elle dit présentement, publiquement, dans une occurrence qui secoue, électrise et terrorise le Système jusqu’à faire nier son existence à elle, jusqu’à faire juger “remarquables” les choses qu’elle dit sans en tirer l’évidente conséquence en ce qui concerne la personne politique qu’elle est sur la scène washingtonienne.

... Effectivement, je doute qu’elle soit trotskiste, – mais c’est pure hypothèse, et le serait-elle que je ne me réjouirais pas moins de ses fortes paroles qui ont la vertu exquise d’installer une sorte de désordre de plus, une Aranéide de taille et de plus dans la fourmilière constellée d’araignées au plafond qu’est “D.C.-la-folle”.

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