Transgenre contre LGTBQ-Russiagate

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Transgenre contre LGTBQ-Russiagate

Une des plus récentes péripéties aux USA sous le règne de la folie de “D.C.-la-folle” : l’entrée de Chelsea Elizabeth Manning, née Bradley Edward Manning, dans la compétition politique. Manning est le plus fameux/la plus fameuse transgenre de l’histoire récente, – peut-être même de l’histoire plus longue depuis le symbole énigmatique qu’entretint durant toute sa vie le Chevalier d’Eon ?

(Difficile d’écrire grammaticalement avec justesse pour son cas, puisqu’une grande partie de sa célébrité prend place alors qu’il s’agit de Bradley Edward, et se poursuit aujourd’hui alors qu’il s’agit de Chelsea Elizabeth : le masculin pour le passé, le féminin pour le présent ?)

 Sa gloire fut d’être un formidable lanceur d’alerte, le premier du genre pour la séquence que nous vivons, en passant à WikiLeaks des centaines de milliers de documents classified sur l’action US en Irak et en Afghanistan. La suite est bien connue : identifié, arrêté, Bradley Edward fut condamné à une lourde peine (30 ans de prison), tout en subissant un traitement extrêmement rude, sinon “spécial” durant son emprisonnement pendant le procès, puis après de plus en plus appuyé. Ayant réclamé et obtenu l’opération “transgenre”, Chelsea Elizabeth fut graciée par Obama en janvier 2017 et libérée en mai de la même année. Obama calculait ainsi qu’il devrait s’attirer encore plus de soutien des communautés LGTBQ, ce qui fait partie de son legs historique. Il n’ignorait pas que le traitement imposé à Manning, si la détention était prolongée, pouvait conduire à la mort, et qu’il lui serait alors reproché de n’avoir rien fait pour sauver la prisonnière.

(Dès le 16 décembre 2010, quelques semaines après l’arrestation de Bradley Edward, Glenn Greenwald protestait contre le traitement qui était infligé à Manning. Deux fois en 2016, la deuxième fois en décembre avant d’être graciée, Manning a tenté de se suicider. Il ne faisait guère de doute qu’une issue fatale était possible sinon probable assez rapidement s’il n’y avait eu la grâce du président sortant.)

Dimanche, Chelsea Elizabeth a annoncé qu’elle se présenterait en juin prochain contre le probable candidat démocrate à sa propre réélection, le sénateur Ben Cardin, 74 ans, l’un des plus fervents interprètes de la Messe dite du Russiagate. Sur ConsortiumNews, Norman Solomon trace un portrait impressionnant type-vitriol de Cardin, vieille baderne du sérail passé maître dans l’art du simulacre ; Cardin, l’un des plus venimeux, des plus zélés paroissiens du Russiagate, qui vient d’écrire un rapport qui représente un formidable travail d’exposition a contrario du simulacre antirusse.

Dès qu’elle a annoncé sa candidature, Chelsea Elizabeth a été dénoncée par quelques pions (au sens de flics) gravitant autour du parti démocrate et de Cardin comme n’étant rien de plus et rien d’autre qu’un pion du Kremlin (au sens de pantin), un membre du “parti Snowden” qui est nécessairement le parti de la trahison selon les services de communication des démocrates et autres officiants de l’antirussisme à Washington D.C. Au reste, ce n’est pas la première fois que les contradictions fondamentales implicites dans le cas Manning sont mises à jour. On a pu voir cela au printemps 2013.

A cette époque, Bradley Edward, alors encore homosexuel masculin, fut désigné par un collège de militants comme héros (Grand Marshall) de la fameuse Gay Pride de San-Francisco de juin 2013. Aussitôt, la direction, dans la personne de sa présidente Lisa Williams, qui possédait alors la firme de consultance politique One Source Consulting travaillant pour les démocrates, annula la décision et décida la dé-marshalization du soldat-“traître” Manning. La raison en était évidemment que cette position et ce personnage embarrassaient les sponsors (le Corporate Power, le parti démocrate, etc.) de la manifestation dans la mesure où le soldat Manning était effectivement désigné officiellement comme un “traître”.

Nous écrivions le 23 avril 2013 :  « L’un ou l’autre membre de l’organisation, ou l’un ou l’autre militant, avait pris sur lui, ou sur eux s’ils sont plusieurs, d’instituer le soldat Bradley Manning comme héros (Grand Marshall) de la Parade. Manning est notoirement homosexuel, en plus d’être le héros à l’incroyable courage qui a passé à WikiLeaks les centaines de milliers de cables confidentiels des organisations de sécurité (Pentagone, département d’État, etc.) du système de l’américanisme, principal organisme du Système. Identifié et arrêté, Manning subit depuis plus d'un an, d’une façon absolument arbitraire et même totalitaire, à l’image des pires dictatures, un traitement inhumain et cruel d’une barbarie sans précédent. (Nous disons bien “sans précédent” parce que, dans sa sophistication infâme, dans sa vindicte aveugle, dans sa haine absolue de tout ce qui n’est pas elle, dans sa volonté également absolue de déshumanisation par la torture, la pression psychologique, l’humiliation permanente, dans la durée qu’elle imprime à toutes ces pratiques, etc., la barbarie moderniste enfantée par le Système et pratiquée dans nombre d'organisations de sécurité des USA est littéralement sans précédent.) Faire de Manning le héros de la Gay Pride, c’était l’évidence même selon ce qu’on suppose que devrait être “l’esprit gay”, si la chose existe. Le 26 avril 2013, la “president of the Board of SF Pride”, Lisa L Williams, a pris la décision d’annuler presto subito cette décision.

» On trouvera tous les détails de cette opération infâme dans une chronique absolument furieuse de Glenn Greenwald, dans le Guardian du 27 avril 2013. Greenwald dit non seulement son mépris pour cette décision, mais il rajoute les précisions selon lesquelles la Gay Pride est activement soutenue par l’élément-clef du Système dans cette analyse, le Corporate Power... [...]

» ...Là-dessus, nous nous tournons vers Justin Raimondo, avec sa chronique d’Antiwar.com du 29 avril 2013. Justin n’allait pas rater l'événement : libertarien de la droite extrême, antiguerre et isolationniste, et... homosexuel qui se garde bien d’être militant au nom de cette seule caractéristique. Néanmoins, il faisait partie de la première Gay Pride, non autorisée, non sponsorisée, à San Francisco en 1972. A cette époque, la Gay Pride pouvait, selon Raimondo, éprouver une certaine fierté (pride) d’être, puisqu’elle s’affichait d’abord dissidente et adversaire de l’establishment, du National Security State, – bref, de ce que nous avons coutume de nommer le Système.

» ... Aujourd’hui, constate Raimondo, c’est le contraire. Le mouvement gay, c’est le Système même ; complètement récupéré, noyauté par les partisans d’Obama, devenus quasiment militariste, ce sont les supplétifs des flics du Système, sinon les flics du Système eux-mêmes... »

Si l’on prend en compte d’un point de vue politique les aspects personnels lié à son statut sociétal, Manning est un cas politique passionnant. Homosexuel puis transgenre, elle a été impliquée dans la séquence actuelle par un acte éclatant, fondamentalement antiSystème, qui la place complètement du côté du groupe amalgamant WikiLeaks, Snowden et le groupe Greenwald/The Intercept, voire des personnalités comme Oliver Stone. Son calvaire d’homosexuel passé transgenre, condamnée, subissant un traitement dégradant et de torture en prison équivalant à un emprisonnement à Guantanamo, aboutissant à deux tentatives de suicide et sauvée par une grâce présidentielle, font d’elle une héroïne de droit et de fait des communautés LGTBQ. Voilà qu’elle réapparaît aujourd’hui effectivement en authentique héroïne de l’antiSystème, prétendant jouer un rôle politique éminent selon le thème de communication officiel de sa candidature que “le Système ne peut se réformer de l’intérieur”, c’est-à-dire selon une tactique d’entrisme.

Cette décision, qui aura bien entendu un effet à mesure de sa réalisation opérationnelle, met puissamment à jour les formidables contradictions du bouillonnement actuel de la crise de l’américanisme. On peut en juger selon les véritables positions des différents acteurs qui ne peuvent ignorer le cas Manning, et surtout, qui ne peuvent certainement pas l’enterrer dans l’opprobre terroriste habituel se manifestant sous la forme du lynchage de communication contre tout antiSystème gênant (“fasciste“, “réactionnaire”, etc.).

Dans sa forme organisée et institutionnalisée aux USA, le LGTBQ est très fortement contrôlé par le Système. Il est complètement annexé par le parti démocrate aux USA, il est engagé de facto dans la compagne de haine antirussiste du Russiagate par simple capillarité, et par l’entrisme d’éléments du Système (Corporate Power et système artistique [“Art Contemporain”] qui lui est lié, presseSystème, système RP-showbusiness, Hollywood, etc.). De ce fait et plus largement, le LGTBQ est entraîné à soutenir toutes les options de politique extérieure de la politiqueSystème qui forme l’ossature de la politique américaniste, – tout ce que le soldat Bradley Edward avait dénoncé en 2010 par la formidable “fuite” de documents secrets qu’il avait réalisée.

Normalement, Manning, transgenre et lanceur d’alerte devenue Chelsea Elizabeth, condamnée, emprisonnée et torturée par le système pénitentiaire du Pentagone, devrait être une icône de la gauche des progressistes-sociétaux et du féminisme militant. Ce n’est pas le cas. Nous ne sommes pas dans des temps normaux, dans ces temps où le pouvoir à “D.C.-la-folle”, est confronté à la plus grave crise de dissolution et d’effondrement qu’on puisse imaginer....

La gauche progressistes-sociétales est objectivement proche, très-proche du système militaro-industriel, le “Complexe” qui active les guerres dont elle (cette gauche progressiste-sociétale) fait son miel ; le Pentagone est le maître et l’un des manipulateurs du Complexe et, en même temps, il hait littéralement Manning... Même un Obama, qui garde une position et une influence importantes, est pris dans une contradiction remarquable avec Manning. Il l’a graciée selon l'évidence même, parce qu’il ne pouvait pas, de fait de son “statut moral”et de ses engagements encore plusmraux, laisser Manning risquer d’aller vers la mort sans rien faire pour la sauver. Libérée, rétablie, et désormais désireuse de faire de l’entrisme antiSystème très voyant en briguant un siège de sénateur, Manning devient un fardeau pour Obama dans la mesure où la simple logique des contradictions amène Manning à s’opposer à tout ce qu’Obama soutient, y compris le LGTBQ officiel et institutionnalisé.

Reste à voir ce que Manning peut faire, de quel soutien elle peut disposer. De grands efforts vont être faits pour anéantir sa candidature ; sa tâche ne sera pas facile, et certainement pas dénuée de risques, même pour son intégrité physique ; d’un autre côté, sa volonté de s’engager dans cette bataille montre qu’elle a récupéré de son calvaire et entend tenter de faire payer ses tourmenteurs en reprenant à plein son rôle antiSystème. Il y a là un potentiel pour mettre à jour les diverses manigances faites autour du mouvement LGTBQ, notamment et essentiellement la façon dont le Système a “acheté”, annexé et récupéré le mouvement. Une candidature Manning réussissant à prendre un bon élan peut fracturer le mouvement LGTBQ et mettre en danger la bonne marche de la machine progressiste-sociétale que le Système a installé pour poursuivre son travail habituel de déstructuration-dissolution ; elle peut, volontairement ou pas qu’importe, retourner contre le Système, contre les structures du Système, ce même mouvement de déstructuration-dissolution. C’est l’habituelle tactique du “faire aïkido”, continuellement reprise pour attaquer le Système, et qui le sera jusqu’à ce que le Système aille jusqu’au bout de son autodestruction.

 

Mis en ligne le 18 janvier 2018 à 07H53