RapSit-USA2020 : Aux armes, etc.

Brèves de crise

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RapSit-USA2020 : Aux armes, etc.

La question centrale que pose l’infernal tourbillon qu’est devenue la séquence post-3 novembre aux États-Unis est de faire la différence entre ce qui est pure communication et ce qui est prémisses d’une vérité-de-situation ; ou bien, posée différemment, la question devient : quand la communication devient-elle, par sa puissance et son influence, une vérité-de-situation ; ou bien enfin, quand donc le bouffe devient-il le tragique et vice-versa. Outre la présence parallèle de deux mondes qui s’excluent l’un l’autre, chacun déniant à l’autre la moindre légitimité d’existence, la communication elle-même reflète effectivement ces deux mondes, chacune des communications de ces deux mondes ignorant totalement l’autre.

La question devient plus précisément, pour ce cas qui se réfère à un potentiel d’affrontement : quelle importance accorder à l’appel du Général Flynn, libéré de ses nécessités de réserve par l’acte de clémence du président (26 novembre), pour l’imposition d’une loi martiale, une suspension de la Constitution et l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle sous contrôle militaire ? Flynn a lancé, à partir du site WeThePeople (d’après les premiers mots de la Constitution des États-Unis) une pétition dans ce sens arguant qu’une telle initiative est la seule façon d’éviter une guerre civile.

« La pétition, publiée mardi par le groupe ‘We The People Convention’, basé dans l'Ohio, propose essentiellement l’analyse qu’il n'y a “plus de moyen pacifique de préserver notre Union” après la victoire électorale du président élu Joe Biden et a demandé au président Trump d’exercer son “autorité extraordinaire” pour éviter une seconde guerre civile.
» “La loi martiale limitée est clairement une meilleure option que la guerre civile”, déclare une lettre accompagnant la pétition. »

Dans l’absence d’une réponse sur la question de savoir quelle importance accorder à cet appel, il nous reste pourtant quelques remarques d'un certain intérêt si l’on s’attarde aux grandes lignes de la proclamation et si on la considère sérieusement. Cette initiative vient manifestement de l’aile ‘dure’ du camp trumpiste, qui soutient le travail juridique des avocats de l’équipe Trump mais prend certaines libertés avec les objectifs et les résultats espérés de cette équipe ; ainsi peut-on en déduire certaines positions de cette fraction ‘dure’, assez significatives et tranchantes

• Le libellé même de l’appel est in fine significatif, notamment le « ...après la victoire électorale du président élu Joe Biden ». Bien entendu, la fraction ‘dure’ ne met pas en doute une seconde la Grande-Fraude telle qu’elle est dénoncée par les trumpistes, mais elle admet, par pur réalisme, la probabilité que Biden sera effectivement proclamé président, montrant implicitement par là un réel scepticisme devant l’offensive juridique pour mettre à jour la fraude, et cela essentiellement à cause de l’attitude de la plupart des juges sollicités jusqu’ici, qui se défaussent et refusent de suivre Trump (même des juges conservateurs nommés par lui), essentiellement par crainte de représailles, de troubles, etc., dans le cas inverse.
• L’impression est renforcée bien entendu par l’appel à la loi martiale qui signifie au moins deux choses, dont la première énoncée comme ceci : il n’y a aucun moyen juridique normal d’arrêter l’arrivée au pouvoir de Biden, et par conséquent il faut recourir à des moyens extraordinaires (loi martiale, etc.). On ne s’attarde pas ici à la possibilité, à l’opérationnalité et à la viabilité d’une telle éventuelle décision de Trump, dont il serait extrêmement surprenant qu’il pense seulement à se risquer à la prendre.
• Enfin, l’argument de l’appel à la loi martiale présenté comme alternative à la guerre civile, signifie que, dans l’esprit de ceux qui ont conçu cet appel, la guerre civile gronde aux portes de Washington D.C. On peut prendre cela comme un alarmisme de circonstance, mais dans la situation courante, dans le climat de haine, dans l’impossibilité totale d’un arrangement, on trouvera des arguments pour juger la prévision tout sauf inondée, et l’on rencontrera aisément dans l'autre camp des points de vue similaires.

Pour autant, tous les trumpistes, tant s’en faut, ne sont pas enthousiasmés du tout par l’initiative du Général Flynn et du groupe WeThePeople, qu’il juge déplacée, grotesque, promise à l’échec, et totalement catastrophique pour Trump si par extraordinaire il suivait cette voie d’une loi martiale. Ainsi de l’éditorial de RedStates.com, particulièrement vif et critique vis-à-vis de cette initiative où le Général Flynn tient la vedette :

« Je vous encourage à cliquer sur le lien pour avoir une vue d'ensemble de ce qui est dit. Ce groupe veut une “loi martiale limitée” pour forcer une nouvelle élection qui ne serait tenue qu'avec des bulletins de vote en papier. Ils utilisent le cas d’Abraham Lincoln comme précédent, lorsqu’il fit arrêter des membres du Congrès et fermer des journaux et des agences de presse. Cela pourrait être un indice de la raison pour laquelle la campagne Trump a pris ses distances de Sidney Powell et de Lin Wood.
» Au lieu de nous lamenter sur la stupidité de tout cela, jouons le jeu. Que se passe-t-il si Trump déclare la loi martiale et exige une nouvelle élection organisée selon ses prescriptions ? Encore une fois, oubliez le fait que Trump lui-même ne ferait pas cela et qu'il s'est dissocié des gens qui le réclament. Comment ce que Flynn veut faire pourrait-il fonctionner ? Le premier indice devrait être que notre système électoral n'est pas fédéralisé. Chaque État refuserait tout simplement d'organiser de nouvelles élections. Et quand je dis tous les États, je veux dire chacun d'entre eux, jusqu'au plus rouge des rouges. Personne ne serait d'accord avec cela. Les militaires se moqueraient également de l'idée de faire appliquer un tel ordre. Le jour de l'inauguration, Trump serait démis de ses fonctions, volontairement ou non, et cette fantaisie ne mènerait qu'à la destruction de son héritage et de toutes ses chances de revenir en 2024 (ce qu'il aurait en vue, selon la rumeur).
» Cela vous semble-t-il judicieux ? Est-ce que cela semble pouvoir mener quelque part ? Il faut qu'il y ait des limites, finalement. [...] Cette affaire est en train de devenir un cirque, et je suis tout à fait pour un cirque si le spectacle en vaut vraiment la peine. Mais rien de ce qui se passe ne mène nulle part, si ce n'est à enrichir les gens de groupes comme ‘WeThePeople’... »

Tout cela signale une agitation montante et grandissante dans le camp trumpiste, secoué par ailleurs par le comportement du ministre de la justice Barr, qui a annoncé que son ministère et le FBI n’avaient pas trouvé de fraude justifiant une mise en cause de l’élection, puis diffusant après une visite à la Maison-Blanche une mise au point précisant “jusqu’à maintenant”. Le choix de l’intervention de Barr, son ambiguïté, son comportement depuis qu’il est ministre avec des hésitations à agir sur des affaires essentielles pour les trumpistes, ont suscité un déchaînement de commentaires furieux de la part de divers commentateurs conservateurs et trumpistes. Pour nombre d’entre eux, – un Larry C. Johnson du site SST du colonel Lang, un Lee Smith de Epoch Times, les sites RedState.com, Infowars.com, etc., – Barr est hautement suspect, sinon un traître, sinon une taupe du DeepState qui a pour tâche de saboter tous les efforts légaux de Trump pour tenter de débusquer les bureaucrates et les divers officiels qui travaillent eux aussi et toujours pour le DeepState, et dont Trump n’est pas parvenu à se débarrasser depuis  2016.

Il y a aussi l’‘affaire Lin Wood’, du nom de l’avocat-vedette proche de Sidney Powell. Voici soudain que des accusations de trahison pleuvent parce que Wood a recommandé aux électeurs républicains de Géorgie de refuser de voter le 5 janvier pour les sièges des deux sénateurs de l’État, selon l’argument de fraudes démocrates en cours d’élaboration. Y a-t-il « un loup dans la bergerie » (la bergerie trumpiste, s’entend) ? Wood est-il un agent démocrate qui veut se faire du bon argent américaniste ? Breitbart tire à boulets rouges sur l’avocat qu’il décrit comme franchement marron avec un luxe de nuances chronologiques du marron presque beige au marron presque noir... Tout cela est-il sérieux ? Dans tous les cas, cela fait du fric.

Désordre électoral type Tiers-Monde

... Oui, tout cela est-il sérieux ? Certes, Hitler est là, mais on se perd en conjectures pour savoir s’il n’attise pas artificiellement une fausse “guerre civile” pour mieux dissimuler que la montée de l’hitléro-trumpisme est un simulacre. C’est alors qu’on se dit que, décidément, on ne peut rien sacrifier de la ‘tragédie-bouffe’ dans la crise de l’américanisme, ni la tragédie, ni le bouffe, tant les emportements de plume décrivant des pseudo-réalités totalement opposées, incompatibles, finissent par brouiller le jugement et conduisent à se demander si la ‘société du spectacle’ n’est pas encore plus pour enivrer et robotiser les acteurs-Système sur la scène que pour les spectateurs dans la salle.

On a vu l’importance tragique, l’ambiguïté et la dérision bouffe à la fois qui accompagnent et commentent l’appel de Flynn. Voici maintenant l’aspect grandguignol, avec la description grandguignolesque de ce complot également grandguignole à ciel ouvert, toutes ces choses intégrée dans un article général de WSWS.org orné du titre modeste et tout de retenue dans l’analogie historique sinon hystérique, de «  Le ‘Mein Kampf’ de Trump ». Après avoir décrit le dernier discours de Trump comme un résumé oral pour les malentendants de son ‘Mein Kampf’, l’article enchaîne par cette description qui poursuit ce que le site nous annonçait précédemment (le 23 novembre dernier) des complots militarisés de Trump. Tout est si extrême (droite) dans cette analyse qu’on entend presque résonner comme une hystérie de l’horreur des Temps Obscurs de l’‘indicible’, avec bruits de bottes en caoutchouc...

« Un dialogue a lieu entre le criminel à la Maison Blanche et ses partisans les plus violents et les plus réactionnaires à l'extérieur. Mardi, le Washington Times, le quotidien d’extrême droite de la capitale américaine, a publié une annonce d'une page entière achetée par un groupe fasciste basé dans l'Ohio, la Convention We The People, demandant à Trump de déclarer la loi martiale et d’ordonner une nouvelle élection sous la supervision de l'armée américaine.
» L'annonce dénonçait la “menace que fait peser sur nos Etats-Unis la gauche socialiste/communiste internationale et nationale", mettait en garde contre l'existence de “marxistes bien financés, armés et entraînés des Antifa et des BLM, stratégiquement positionnés dans nos grandes villes” et dénonçait l’élection comme “corrompue et manifestement frauduleuse”.
» Non seulement le journal a accepté de publier cette déclaration démente, mais deux personnalités étroitement liées à Trump ont immédiatement tweeté leur soutien à son appel à la loi martiale : le général à la retraite Michael Flynn, premier conseiller à la sécurité nationale de Trump, qui vient d'être gracié par Trump la semaine dernière après avoir plaidé coupable face à des accusations de parjure ; et Lin Wood, un avocat qui a mené les contestations de la campagne de Trump dans plusieurs États [NDLR : et pourtant traître et “loup dans la bergerie”]. Wood représente également Kyle Rittenhouse, le justicier pro-Trump qui a abattu deux personnes qui protestaient contre les violences policières à Kenosha, dans le Wisconsin.
» Flynn et Wood ont tous deux déclaré que l'Amérique “se dirigeait vers une guerre civile” et ont affirmé que le Parti démocrate était de mèche avec la “Chine communiste” pour tenter de renverser l'administration Trump. Wood a également affirmé que le gouverneur de Géorgie Brian Kemp, un républicain, était “un traître et un criminel” qui avait reçu des pots-de-vin de la Chine pour organiser l'élection de Biden. »

Ce qui est remarquable dans ce texte de WSWS.org est qu’il est ridicule par son outrance et farci de contre-vérités, comme l’est également, d’un certain point de vue à côté de la perception de ‘guerre civile’, l’appel à la loi martiale de Flynn et de ses amis dans ses attendus. Il y a ainsi une certaine unité au moins sur ce point du ridicule et du tragique-bouffe dans ce pays, car les deux partis cités ici, – WSWS.org et Flynn, – s’ils sont extrêmes dans l’évaluation des choses qui les opposent radicalement, ne sont pas pour autant des extrémistes dans l’étrange folie américaniste. Tous et chacun, d’une façon ou l’autre, l’un contre l’autre ou l’un allié avec l’autre, présentent des arguments d’une façon incroyablement outrancière, extrême et furieuse. C’est la haine dans tous les sens, et ici dans le sens bouffe, guidée par l’hystérie partout dans une sorte de ‘paroxysme de croisière’, – si vous voulez, ‘paroxysme as usual’.

WSWS.org, dans son article qui n’a guère d’intérêt pour les faits et les analyses mais capture extrêmement l’attention par sa forme et ses excès, ne s’arrête pas là après avoir réglé leur compte à Trump-Hitler et ses acolytes-fascistes. Le site et ses trotskistes n’oublient pas les démocrates, qu’ils accusent de ne rien faire face à la montée du nazisme-trumpiste, donc d’en être les alliés objectifs sinon les complices eux-mêmes hitléresques (mais hitléro-gauchistes, disons) à peine dissimulés. Ils accusent Biden de tenter d’écarter son aile gauche, laquelle, de Sanders à Ocasio-Cortez, se fait de plus en plus pressante, tout cela révélant sans surprise comme une très profonde division au sein du parti démocrate et mettant en pleine crise de rupture l’administration Biden, avant que d’exister. Puis, sous la loupe extrêmement mesurée et objective de WSWS.org, tout le monde se retrouve bien entendu à la solde de Wall Street.

Ainsi se heure-t-on d’abord au tragique, qu’on tend à interpréter de la sorte, puis au bouffe, qui semble aussitôt contredire le tragique. Il y a pourtant un peu de la vérité-de-situation dans l’un et l’autre, qui semblent se décrédibiliser et se délégitimer l’un l’autre, et qui pourtant reflètent par instant les tensions et les oppositions sans retour jusqu’à l’affrontement terrible, qui existent bel et bien.

Quoi qu’il en soit, on notera comme une cerise sur le gâteau de Nouvel An les agitations grandissantes en Géorgie, comme on l’a déjà évoqué. Il s’agit de l’élection remise et vitale (déterminant la majorité au Sénat) des deux sénateurs de l’État le 5 janvier 2021. Les démocrates font le forcing pour organiser une sorte de sympathique fraude massive avant même le vote, en recommandant et en facilitant l’inscription de non-Géorgiens pro-démocrates pour l’élection du 5 janvier, par le biais d’installations temporaires sur ce territoire, avec habitation fictive, ou d’autres gâteries de ce genre. “Peuvent-ils le faire ? Ils peuvent le faire !”, comme disaient Blanche-Dac in illo tempore. D’une façon ou d’une autre, il se pourrait bien qu’ils le puissent au nom de la règle “pas vu, pas pris”, et nous serions bien embarrassés de devoir en dire plus à ce propos, vue la complication extrême des règles très démocratiques de l’État de Géorgie.

L’essentiel est qu’aujourd’hui, la fraude se fait directement, au su et au vu de tous. Elle est par ailleurs filmé ‘en direct’ comme le montre cette vidéo produite hier par l’équipe Trump sur le ‘dépouillement’ de la présidentielle de ce même État de  Géorgie. Il s’agit de la salle de dépouillement alors que les contrôleurs républicains sont partis après avoir été informés de la fin des opérations, alors que des employés restants, sorte d’‘éboueurs de la fraude’, s’activent avec zèle. (ZeroHedge.com, qui reprend cette information, recommande de voir la vidéo en plein écran et jusqu’à son terme tandis que le crétin Tweeter, à la crétinerie automatisée digne du niveau électoral, accompagne cet envoi de la mention classique et digne d’une classe de préparatoire de retardés mentaux aux QI inférieur à 70 : « This claim about election fraud is disputed »). Cette vidéo sur le vote du 3 novembre 2020 en Géorgie alors que la Géorgie se prépare à voter à nouveau pour une élection vitale le 5 janvier 2021 est presque décourageante de cynisme primaire et artisanal sur la façon dont la fraude s’opère, presque comme une American Way of Vote...  Cette remarque de l’immonde candidat hitléro-fasciste dégoulinant de sang trotskiste, Donald Trump, est complètement actuelle et réaliste, bien que probablement raciste et xénophobe :  « L’Amérique est une nation du Tiers-Monde pour ce qui concerne ses opérations électorales »... Et ‘pas que’, certes.

L’élection pompeusement démocratique aux USA, celle-là du type historique qui engage le sort de la Grande République, est devenue une sorte de passage en force et par la force, une sorte de course de vitesse de la fraude, comme une kermesse de Pieds-Nickelés affectés à la mission nationale et drôlement entourloupetteuse, de la fraude massive. Le désordre actuel aura au moins mis cela en évidence, même si la très-grande presseSystème n’en dit mot, pour garder solidement arrimée sa feuille de vigne triomphante. Les républicains, qui sont en plus divisés en pro-trumpistes et antitrumpistes dans cet État de Géorgie, histoire d’arranger les choses, font aux frontières la chasse aux fraudeurs démocrates à venir comme s'il s'agissait de migrants envoyés par Erdogan. On pourrait dire après tout qu’un tel étalage de corruption des institutions, sans pudeur ni camouflage, c’est une forme de sincérité et, pourquoi pas, presque d’honnêteté... Ils sont vraiment comme ça.

Pour conclure : aucune conclusion ordonnée de ce désordre de bas-fond et de ce simulacre infâme n'est envisageable.

Mis en ligne le 4 décembre 2020 à 09H20