Pudeurs autour du transcendant

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Pudeurs autour du transcendant

http://www.marianne2.fr/Jean-Pierre-Dupuy-la-societe-en-crise-de-foi_a189501.html.

Jean-Pierre Dupuy : la société en crise...de foi

« Dans les analyses qu’on peut entendre ou lire sur la crise, il me semble qu’on insiste rarement sur le lien entre les considérations anthropologiques, historiques, philosophiques et ce que les économistes peuvent dire sur le sujet. Or, je pense qu’il est fondamental de faire ce lien, ne serait-ce que pour des raisons stratégiques, sinon les économistes vont dire “Bon, c’est bien beau tout cela, mais c’est du baratin, ça ne nous concerne pas”…

[…]

» Keynes a compris que les sociétés humaines, et pas seulement les économies, fonctionnaient en se projetant dans l’avenir, produisaient des anticipations. Je vais faire une comparaison : supposez que vous soyez alpiniste et que vous ayez à monter le long d’une paroi rocheuse ou glacée. Comment faites-vous ? Vous projetez votre piolet vers le haut et vous vous tractez à partir de ce point d’appui. Voilà ce que font les sociétés humaines par rapport à l’avenir, à ceci près qu’il n’y a pas de paroi car l’avenir n’existe pas. Mais tout se passe comme si les sociétés humaines étaient capables de se projeter vers l’avenir ainsi…

» Alors, on ne voit pas encore le sacré complètement…

» Il nous faut un point d’appui à l’extérieur, et cet appui à l’extérieur c’est nous-mêmes qui le créons. Les philosophes appellent ce geste “l’auto-transcendance”. Avec l’auto-transcendance, nous ne sommes pas loin de la transcendance n’est-ce pas ? Sans doute est-ce de cette manière-là que les hommes, dans une perspective laïque évidemment, créent des dieux. Or, si les dieux sont des créations humaines, cela implique que les sociétés humaines sont capables de se projeter au-delà d’elles-mêmes, et d’inventer des êtres extérieurs à elles qui vont leur donner sens et qui vont leur permettre de se projeter en dehors d’elles-mêmes, vers l’avenir par exemple…

» Diagnostic pour aujourd’hui ? Pourquoi ne fabrique-t-on plus de l’auto-transcendance ?

» Parce que l’auto-transcendance est d’autant plus concevable, qu’il existe des points extérieurs où se raccrocher. Or, l’économie occupe aujourd’hui toute la place. Il n’y a plus d’extérieur à l’économie. Qu’est-ce qui pourrait jouer le rôle de cette paroi rocheuse ou glacée ? Ce pourrait être le politique par exemple… Or, que sont devenus les politiques ? Ils sont devenus des économistes, et en général de très mauvais économistes qui n’ont même aucune idée de la philosophie dont nous venons de parler. Il n’y a plus que l’économie. L’économie est seule face à elle-même, avec elle-même, et s’est privée par là même de cette capacité d’auto-transcendance…

[…]

» Nous souffrons de “l’économystification” du politique …

» A ce sujet, l’arrogance des experts est extraordinaire. Il faudrait un Molière pour s’en moquer. Quand je les entends, je pense à l’inénarrable scène 3 de l’acte 2 du “Bourgeois gentilhomme” où l’on voit le maître de musique, le maître de danse et le maître d’arme se bagarrer parce que chacun considère que son Art est le meilleur et le plus essentiel. Survient le maître de philosophie qui du haut de sa chaire veut les mettre d’accord à coups d’arguments… Au bout de cinq minutes, il est mis au même plan que les autres. Ils se bagarrent maintenant à quatre au lieu de trois… L’extériorité ne se décrète pas… »

[...]

Commentaire: dans tout cela, on aura proposé la nation ni comme transcendant ni comme auto-transcendant. Il y a des mots qui fâcheraient trop. Politique ira mieux.

GEO