Poutine et la Crimée, un an plus tard

Brèves de crise

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Poutine et la Crimée, un an plus tard

Le récit qu’a fait le président russe Poutine des événements de Crimée de mars 2014 constitue incontestablement un document pour l’histoire. Il s’agit de la description de l’opération engagée à partir du 22-23 février 2014 par la Russie, aboutissant à la partition de la Crimée et son intégration dans la Fédération de Russie après le référendum de la mi-mars 2014. De nombreux commentaires ont déjà été faits sur le récit qu’a fait Poutne de cet événement, et parmi ceux-ci la confirmation que l’état d’alerte des forces russes durant cette période impliquait notamment les forces stratégiques nucléaires.

MK Bhadrakumar commente à son tour cette intervention de communication de Poutine, le 19 mars 2014 sur son site Indian PunchLine. Bhadrakumar insiste sur le fait que les Russes ont considéré dès l’origine, à partir d’informations très précises, que les instigateurs et éventuels protagonistes des opérations de prise du pouvoir et d’éventuelles suites comme un investissement de la Crimée par les milices d’extrême-droite et néo-nazies étaient essentiellement, sinon exclusivement les USA avec divers détachements de soutien (CIA notamment). D’une façon très caractéristique qui peut être interprétée de diverses manière (de l’ironie à la volonté d’apaisement), Poutine continue dans son récit à nommer la partie américaniste “nos partenaires et amis”. Concernant Sébastopol et sa base navale, Poutine donne des précisions sur le système intégré de défense côtière Bastion, avec notamment des missiles terre-mer SS-N-26 (Mach 2,0 au ras des flots, 300 km de portée), qui avait été déployé explicitement contre d’éventuelles actions de l’US Navy durant l’opération effectuée en Crimée :

«Bastion is a defensive system. It is a coastal defence system, for territorial defence. It is not designed to attack anyone. But yes, it is an effective, state-of-the-art, high-precision weapon. For the moment, no-one else has this kind of weapon. It is probably the most effective coastal defence system in the world at present. So, yes, at a certain point, in order to make it clear that Crimea is reliably protected, we deployed these Bastion coastal systems there. And, in addition, we deliberately deployed these systems so that they could be seen from space.»

Bhadrakumar considère rétrospectivement, à la lumière de ces révélations de Poutine et d’autres éléments, que la crise ukrainienne a de plus en plus de chance (!) de figurer comme l’un, sinon le plus grand désastre de politique extérieure pour les USA, pour un XXIème siècle déjà marqué par de nombreux désastres pour les USA. Il termine en suggérant que les Russes doivent détenir de très nombreuses indications encore secrètes sur les implications et les actions US en Ukraine, ce qui donne à la Russie un certain levier de pression sur les USA. Il est manifeste que cette assertion, compte tenu des contacts habituels de Bhadrakumar dans les milieux diplomatiques de son pays, fait partie des précisions officieuses que les Russes ont partagées avec certains pays proches, – dans ce cas, notamment, l’Inde en tant que pays faisant partie des BRICS. Il apparaît assuré que les USA ont du restreindre leur action en Ukraine en diverses occasions, de crainte de trop s’exposer, soit à des ripostes russes très dangereuses, soit à la diffusion d’informations très dommageables pour leur narrative officielle. (C’est notamment à cette lumière qu’il faut rappeler l’incident d’un Su-24 russe rencontrant le USS Donald Cool en Mer Noire, tel que rapporté le 23 avril 2014.)

«In retrospect, the big question that needs to be asked is whether the entire Ukraine crisis didn’t turn out to be ultimately a botched-up ‘color revolution’. The US got in their man in power in Kiev to replace the ousted government – Prime Minister Arseniy Yatsenyuk – but at what enormous cost and of what avail? The principal strategic objective of establishing US military presence in Crimea and vanquishing Russia’s Black Sea Fleet altogether (which Catherine the Great had established in 1783) couldn’t be realized. The successor regime in Kiev is indeed under American thumb but is unable to stabilize the situation. Meanwhile, the agenda of getting Ukraine into the EU and NATO got frustrated. Ukraine itself is irrevocably split and its economy is in free fall. The IMF’s painful therapy may only aggravate the socio-economic tensions leading eventually to a popular uprising.

»The dubious achievements that the US reasserted its Trans-Atlantic leadership or that NATO has been brought back to life or even that Russia has been ‘isolated’ are also increasingly debatable. Ironically, the US diplomacy will now onward need to focus on rallying opinion how to thwart the major European powers from restoring their disrupted economic ties with Russia. The most awful miscalculation by Washington was regarding Putin’s strong reaction to the capture of power by the Ukrainian nationalists backed by the US. Again, contrary to the US expectations that discredited Putin would be politically weakened, thanks to his decisive moves, his popularity rating in Russia today touches an incredible 86 percent.

»As more and more details get revealed in due course about the American operation to depose the elected government of Yanukovich — not only from Moscow but also other European capitals — Ukraine conflict will become eligible to take its place in history books as a great foreign-policy disaster for the US in the twenty first century and a serious blot on the Barack Obama presidency itself. The Russian intelligence surely is in possession of very damaging materials to expose the US role and Putin may have only scratched the surface.»


Mis en ligne le 21 mars 2015 à 11H24