Obama et le BMDE (II): les Russes s’engouffrent dans la brèche

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Changement de ton significatif chez les Russes, concernant les relations avec les USA sur le point particulier du réseau BMDE et de toutes les questions qui lui sont liées, et notamment les relations générales avec les USA dans le contexte stratégique européen. Ce constat s’appuie sur des déclarations encourageantes du ministre russe des affaires étrangères Lavrov, hier à Charm El-cheikh, à l’occasion d’une rencontre avec Rice sur la question du système BMDE. La rencontre a sans doute été “de détente”, si l’on songe aux pouvoirs désormais caducs de la secrétaire d’Etat, et les déclarations de Lavrov concernent plutôt un coup de téléphone, samedi, entre Medvedev et Obama, autant que l’autre nouvelle sur la réaction d’Obama à une annonce prématurée et un peu sollicitée du président polonais.

Certains experts russes estiment déjà depuis quelques temps qu’Obama pourrait avoir une politique intéressante pour la Russie dans cette affaire des BMDE. C’était le cas, le 5 novembre, de Artyom Malgin pour Novosti:

«As economic pressures mount, the U.S. may freeze its plans to set up a missile shield in Poland and the Czech Republic when president-elect Barack Obama takes office, a Russian analyst said on Wednesday. [..] “More than anything, Russia's expectations over Obama's election in the U.S. are focused on the U.S. missile defense system in Europe,” said Artyom Malgin, an advisor to the rector of the international relations university MGIMO. “The democrats are skeptical over this Republican initiative, and it is entirely possible that the agreements that were signed with the Czech Republic and Poland will not in the end be realized,” he told RIA Novosti.»

Dans le Guardian de ce matin, Simon Tisdall s’attache à cette question en lui donnant la dimension qui importe. Il s’agit certes du système BMDE, mais aussi, beaucoup plus largement, des relations entre la Russie et les USA. Tisdall reprend les déclarations de Lavrov, y ajoute un communiqué du Kremlin et, également, des indications venues du vice-ministre des affaires étrangères («Upping the ante yesterday, Russia's deputy foreign minister, Alexander Grushko, said Moscow would not shift missiles to Kaliningrad if Obama scrapped the missile shield. “If the US does not deploy it, then the very need for Russia to take these precautionary measures will be removed,” he said.»)

L’indication intéressante de Tisdall, c’est son affirmation que la question du BMDE et des relations avec la Russie est une priorité d’Obama (voir le dernier paragraphe de la citation):

«Russia switched deftly from threats to charm yesterday in an effort to exploit indications that Barack Obama could be persuaded to scrap Bush administration plans to deploy a missile defence shield in Poland and the Czech Republic.

»Speaking after meeting the US secretary of state, Condoleezza Rice, in Sharm el-Sheikh, the Russian foreign minister, Sergey Lavrov said Moscow was expecting a more flexible approach from the US once Obama took office. “We have paid attention to the positions that Barack Obama has published on his site. They inspire hope that we can examine these questions in a more constructive way,” the RIA Novosti news agency quoted Lavrov as saying. […]

»Lavrov's remarks followed a telephone conversation on Saturday between Obama and the Russian president, Dmitry Medvedev, in which the two men reportedly agreed to meet in the near future. The discussion followed Medvedev's hostile state of the nation speech last Wednesday in which he sharply criticised the US missile interceptor deployment and vowed to station mobile, short-range ballistic missiles in Kaliningrad, bordering Poland and Lithuania, as a countermeasure. His threat drew condemnation from the EU and eastern European leaders.

»A Kremlin statement suggested Medvedev had changed his tone in the telephone call. It said he and Obama discussed ways “to create constructive and positive interaction for the good of global stability and development”. They agreed a good bilateral relationship “is principally important not only for the people of both countries but for the international community as a whole”, the statement said. [...]

«The row with Russia over missile defence has become Obama's first foreign-policy test, even though he will not take office until January 20. How he handles it may help determine the way other countries behave in future crises. He has not made clear whether he backs the missile shield or whether the US will proceed on schedule with the Polish and Czech deployments. Aides say he has yet to be persuaded that the missile interceptor system works as advertised and has questioned whether the plan is indeed targeted at Russia, as Moscow claims, rather than at “rogue states” such as Iran, as the Bush administration says. He also says it must be “cost-effective”.»

Il est manifeste qu’on ne peut parler d’une manœuvre isolée des Russes. Bien entendu, il y a les habituels experts qui distillent leurs avertissements, selon l’habituelle logique interne au système (US), et cela donne ceci: «Independent experts say Moscow is intent on testing the mettle of the incoming US leader in the context of several other ongoing disputes over Nato enlargement, last summer's Georgia conflict, and Russia's effort to re-establish cold-war era spheres of influence beyond its borders. But Russian pressure could be counter-productive, the experts say, forcing the inexperienced Obama to take a tough line to prove he has the qualities to be US commander-in-chief.»

Le commentaire des “independant experts” est du type prêt-à-porter, classique dans cette sorte de situation, donc sans nouveauté ni réel intérêt, – les experts font leur travail d’expert. L’intérêt et la nouveauté de la situation, on les trouve dans ce qui semble se dessiner de l’attitude d’Obama, notamment son attitude exprimée publiquement avec sa rebuffade faite samedi au président polonais. Les Russes, qui sont en général prudents, ne font que suivre une voie qui leur est suggérée par l’attitude implicite du nouveau président US. Il semble même y avoir un certain degré de concertation, comme le montrerait le coup de téléphone entre Medvedev et Obama.

Dans cette affaire, Obama est-il bien ce président “inexpérimenté” qui risquerait d’être obligé de changer d’avis pour paraître “dur”? La question n’est pas vraiment là, si l’on considère, avec nombre d’arguments pour cela, que son but est d’abord intérieur. Artyom Malgin a raison de citer les questions budgétaires, mais encore faut-il placer cette question dans le cadre bien plus vaste de la crise financière et économique US qu’Obama décidé de traiter en priorité. De ce point de vue, l’argument d’un Obama “faible” face à la Russie est beaucoup moins solide; il l’est d’autant moins qu’il s’exercerait dans le cas absolument stupide et primaire du BMDE installé face à la Russie pour dissuader l’Iran d’utiliser des armes que ce pays n’a pas. La grossièreté et la spéciosité de l’argument du BMDE ont des chances de finir par peser de tout leur poids négatif et de se retourner contre ceux qui l’avancent, dans l’intéressante partie qui semble s’ouvrir.


Mis en ligne le 10 novembre 2008 à 07H24

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