“Nous avons perdu notre humanité”

Brèves de crise

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“Nous avons perdu notre humanité”

Partout dans cette “Europe-respectable” que constitue l’UE, phare de la Grande Gouvernance de l’avenir, de la recette assurée de la prospérité et du bonheur coalisés, de l’autosatisfaction érigée en principe objectif de politique, les élections diverses en cours (européennes, doublées d’élections au niveau local pour certains pays) montrent la même hostilité à la classe dirigeante sous la forme des partis-Système établis. Le Royaume-Uni (où ont lieu depuis hier les élections et leur dépouillement) ne fait pas exception, certes, où les sentiments particularistes de ce pays sont largement remplacés par ce sentiment général de désaffection amère et d’hostilité furieuse de l’électorat. Le constat est désormais courant, – par exemple pour l'Europe qui est leur référence : la seule unité psychologique et de jugement que crée l’Europe est contre l’Europe et la seule identité européenne ainsi créée est une identité européenne par inversion ; la seule existence identifiée, la seule “humanité” (voir plus loin), c'est ce qui est contre l'Europe. La même chose peut être dite par rapport aux directions-Système. Tout cela s’exprime par ce qui est sous la main ou dans les urnes, – évidemment par la progression des partis extrêmes, eurosceptiques et antiSystème.

Le Guardian du 23 mai 2014 nous entretien de cette débâcle des partis-Système, notamment pour les élections locales (municipales). Il commence par les travaillistes puisque, vaille que vaille, le grand et vertueux quotidien-Système se doit de continuer à entretenir son apparence de journal de centre-gauche avec la fibre sociale qui va avec : «Labour was feeling the first tremors of the Ukip political earthquake as Nigel Farage's surge prevented Labour from making its expected gains and weakened its grip in some of its northern heartlands. Ukip polled more than a third of the vote in wards in big cities, such as Sunderland, Birmingham and Hull, where it previously had little or no presence. In Labour target seats further south and east, such as Portsmouth, a strong Ukip vote was destroying the party's hopes of making more than 400 council gains.»

Pour le reste (conservateurs, démocrates-libéraux), c’est la même chose, face au “tremblement de terre de l’UKIP”. Nous, nous retenons une phrase de ce long et fastidieux article, d’une ministre démocrate libérale du gouvernement de coalition, qui parle du “simulacre” que constituent aujourd’hui les partis-Système : «Lynne Featherstone, the Lib Dem international development minister, said Ukip's “stunning success” was a protest at the dissembling of the political class. She added: “We are so guarded and so on message that we have lost our humanity. We are the whipping boy of the coalition.”»

C’est une remarque qui ne surprendra pas, mais qui montre tout son intérêt en semblant aller au fond des choses. Featherstone dit que ce n’est pas tant la situation (catastrophique, certes, mais comme partout), la crise générale, la dislocation (déstructuration-dissolution) de la société, l’absurdité des politiques conduites selon des préceptes sollicités comme des articles d’une foi totalement invertie, qui sont la cause directe et psychologique de ces effets électoraux désastreux. La véritable cause, c’est bien la “perte de leur humanité” de ces figurants des partis-Système que constituent les gens de cette classe politique. Ils ne sont plus perçus que comme les outils emprisonnés d’un simulacre devenu insupportable, pensées et paroles réduites aux acquêts de l’automatisme des “messages” de la communication-Système. Face au désastre et cause du désastre, il y a leur suicide psychologique par la mort de toute humanité.


Mis en ligne le 23 mai 2014 à 06H16