Notes sur l’Afghanistan, la Stealth et la drogue

Analyse

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 1781

Notes sur l’Afghanistan, la Stealth et la drogue

26 novembre 2017 – Le Pentagone, relayé notamment par sa courroie de transmission favorite qu’est le Washington Post, a présenté avec beaucoup d’emphase, d’autosatisfaction et dans le détail une opération aérienne réalisée en Afghanistan contre des laboratoires de distillerie qu’on ne peut décemment qualifier de “clandestine”, produisant de la drogue à partir des pavots qui “fleurissent” abondamment dans le pays. Ce type d’opération a été présentée comme inédite, inaugurant le nouvel engagement US dans le pays imposé par les militaires au président Trump (le énième surge, avec troupes supplémentaires, selon un schéma standard désormais). En quelque sorte, l’“ère Trump” de cette guerre commence, après avoir dévoré deux présidences renouvelées, le tout en faisant la plus longue “guerre” de l’histoire des Etats-Unis (16 ans), avec aucune fin concevable pour l’instant sinon un sursaut de bon sens dans la direction US, – un sursaut de bons sens à “D.C.-la-folle”, c’est tout dire...

Cette opération a été présenté de la façon qu’on a dite, en grande fanfare et avec un luxe de détails, parce qu’il s’agit d’abord d’une opération de communication pour “vendre la guerre, – c’est-à-dire, pour tenter, une énième fois là aussi, de “vendre” une guerre qui est aussi invendable qu’elle est ingagnable. Mais l’expression “vendre la guerre” a plusieurs significations, plusieurs axes d’“éléments de langage” comme disent les communicants dont la préoccupation est bien entendu de produire une narrative qui ait la meilleure rentabilité possible, – lois du marché oblige. Le plus sympathique est que, dans ce chaos d’inculture et de complète indifférence pour une réalité de toutes les façons pulvérisée, on peut retrouver les éléments nécessaires à l’établissement de quelques vérités-de-situation.

La première de ces vérités-de situation porte sur l’opération de communication elle-même, tout comme sur les caractères très particuliers et spécifiques de l’opération “militaire”. Il s’agit d’abord d’une démonstration, un peu comme on fait au Salon du Bourget tous les deux ans, destinée aussi bien à la direction de “D.C.-la-folle” qu’au brave public américaniste. Il s’agit de démontrer que cette guerre a une justification, que ce qu’on y fait a un but, que ce but est intelligent, que les américanistes réussissent ce qu’ils entreprennent, que cette guerre “invendable” et “ingagnable” mérite un peu d’attention et quelques applaudissements.

Il y a longtemps que le degré zéro du bon sens politique et de l’intelligence militaire est dépassé. Sans crainte des frimas, nous travaillons en-dessous de zéro, et peut-être l’Afghanistan nous permettra d’atteindre au zéro absolu avant l’effondrement de l’ensemble. Ce sera presque comme une performance embaumant ce que la postmodernité-tardive a de plus remarquable dans le sens de l’inversion travaillant pour le but ultime de l’entropisation. (Tiens, voilà qu’on sait le but de cette “guerre”.)

Nous nous attachons aux différents “axes d’‘éléments de langage’” signalés plus haut.

Le F-22, star dans le ciel afghan

Le caractère très particulier de l’opération telle qu’elle est présentée (ZeroHedge.com est cité, avec des reprises du WaPo) est d’abord dans le type d’avions utilisé, puisque le général US commandant en Afghanistan (Nicholson), s’est fendu d’une rencontre avec la presse pour exalter le rôle central du chasseur à technologie furtive F-22 Raptor comme pièce maîtresse de l’opération.

Le F-22 était “accompagné” (c’est le terme employé) de B-52 de l’USAF également et de Super Tucano afghans (avions spécialisés dans la lutte contre la guérilla), – terme étrange, comme si l’énorme B-52 et le léger et habile Super Tucano escortaient le F-22 dont le caractère est d’être “invisible” (technologies furtives), et lui-même ainsi immédiatement repérée par la facilité à distinguer son “escorte”. Mais, comme l’on sait, les talibans n’ont pas de défense aérienne, alors le F-22 ne risque rien, – mais pourquoi diable, à ce moment, être “invisible” ? La question n’est pas là. Mais pourquoi diable utiliser cet avion si précieux, au risque de le perdre, abattu par un oiseau qui s’engouffrerait dans une prise d’air, et alors que son usage coûte un nombre considérable de dizaine de milliers de dollars par heure et par erreur ? La question n’est pas là.

Les références mentionnées nous disent ceci : « Le département de la Défense a déclaré qu'il avait déployé des chasseurs furtifs F-22 Raptor pour bombarder des installations de production de stupéfiants dans le sud de l'Afghanistan, ciblant les sources de revenus des talibans. L'opération aérienne a débuté dimanche et s’est poursuivie jusqu'à lundi. Les F-22 étaient accompagnés de bombardiers B-52 et de Super Tucanos afghans A-29 pour un soutien supplémentaire afin d’étendre la géographie de frappe. [...]

» Nicholson a déclaré que le F-22 “a été utilisé en raison de sa capacité à livrer des munitions de précision – dans ce cas, une bombe de 250 livres, de petit diamètre, qui cause le minimum de dommages collatéraux.” à une époque où les morts des civils dans les frappes aériennes américaines ont été fortement examinés. Plus tôt ce mois-ci, les frappes aériennes américaines dans la région ont tué “au moins 13 civils” lors d'un raid de bombardement.

» “Cette cible était également une usine de production de stupéfiants des Taliban à Musa Qala. Donc, je veux attirer votre attention – quand vous regardez cette attaque, vous allez voir qu'à l'intérieur de cette enceinte il y a plusieurs structures, et nous n'en détruisons que deux, tout en laissant la troisième intacte, ce que nous faisons pour éviter les dommages collatéraux”, a déclaré Nicholson. »

Le F-22, avion de combat LGTBQ

L’inimitable narrative qui nous dit que seul le F-22 est capable de larguer cette bombe de 125 kilos (une plume) qui ne tue que les méchants agriculteurs-chimistes-talibans est destinée à décorer cet avion inutile, calamiteusement coûteux et à l’emploi extrêmement délicat et parcellaire sous peine de pannes mortelles, d’une vertu sublime : le F-22 est un avion de combat humanitaire ! Il ne tue que les méchants grâce à ces bombes poids-plume et extraordinairement précises, ainsi tout ce qui a été fait pour en produire une pincée (189 au lieu de 750) était amplement justifié.

(On ajoutera cette remarque tangente que le non-emploi du JSF/F-35 pour cette mission nous paraît suspect comme il se doit. C’était un truc idéal pour montrer que le F-35 existe et qu’il peut larguer des bombes, qu’il vole en faisant chhhuuuttt et qu’il est humanitaire à la fois... Cette circonstance doit nous suggérer que le F-35 est encore plus délicat que prévu et qu’il ne peut être question de l’engager dans une mission de guerre sans risque, pour ne pas risquer un incident catastrophique, comme sans doute les Israéliens avec l’un des leurs.)

Il s’agit par conséquent de continuer à tenter de justifier la politique d’achat des systèmes de très-haute technologie, catastrophiques et ruineux mais postmodernes-tardifs. Il s’agit par conséquent de les “vendre” à l’idéologisation dominante, qui est celle des progressistes-sociétaux. En en faisant un chasseur de combat humanitaire qui tire sans tuer les gentils et futurs migrants vers l’Europe, on fait entrer le F-22 dans le cercle des vertus reparues du domaine sacré LGTBQ.

La doctrine Trump, ou la politique du contre-pavot

« 16 ans après que l'administration Bush a commencé ses opérations militaires en Afghanistan, le président Trump vient de lancer sa propre campagne militaire en utilisant des chasseurs furtifs de haute technologie pour bombarder des laboratoires de drogue dans le pays.

» L’engagement du Pentagone dans la mission dite de “nation’s building“ au Moyen-Orient s’est développée, désormais, sur trois présidences, ce qui en fait la plus longue guerre de l'histoire des États-Unis. Depuis que les États-Unis ont commencé à occuper le pays au début des années 2000, la production d'opium a explosé. Le président afghan Ashraf Ghani a déclaré que sans la drogue, la guerre en Afghanistan “aurait été terminée depuis longtemps”. » (Selon ZeroHedge.com déjà référencé.)

2017 est une très, très grande année à cet égard, on veut dire du point de vue de la production de pavot. Dans la dernière décennie du XXème siècle, c’était autour de 60.000 hectares de terre qui étaient affectés à la production de pavot. En 2001, il y eut un effondrement remarquable : 8.000 hectares, suivi d’une remise au niveau des années 1990. Ces 5-6 dernières années, l’augmentation a été exponentielle et l’on atteint en 2017 le record absolu de 328.000 hectares, – tout cela, selon une observation permanente de l’ONU. Non seulement peut-on dire, comme le président afghan, que sans la drogue la guerre “aurait été terminée depuis longtemps”, mais on pourrait ajouter sous forme d’hypothèse sans grand risque qu’avec la guerre, la drogue a connu un succès sans précédent.

Le général Nicholson, déjà cité, a précisé que cette opération « représente la première utilisation significative des nouvelles autorisations légales accordées par l'administration Trump » aux forces armées d’attaquer les flux des revenus des talibans. En effet, calculent les stratèges, la drogue fournit aux talibans une grande partie de leurs revenus, alors qu’à l’origine, et notamment avant l’intervention US de 2001, ils étaient opposés à cette culture qu’ils jugeaient comme non conforme au dogme islamique. A mesure que s’est développée la guerre, ils ont modifié leur attitude et se sont impliqués de plus en plus dans l’économie de la drogue qui leur assure effectivement un financement remarquable.

« Au début [de ce changement de politique], ils exigeaient principalement des taxes auprès des cultivateurs, mais peu à peu le recrutement taliban chez les cultivateurs d’opium prit une telle ampleur que les insurgés décidèrent de suspendre leurs opérations militaires pendant les saisons de récolte du pavot. »

La nouvelle stratégie, sorte de “doctrine Trump”, implique donc une attaque directe contre la culture de pavot et les trafics de drogue qui en résultent. Le même président afghan, fidèle à la consigne, considère cette doctrine comme gagnante et cultive, au lieu du pavot, un bel optimisme quant aux perspectives de victoire. Quant au bilan, on indiquera que les premières attaques de dimanche et lundi dernier ont abouti à la destruction de 10 laboratoires “clandestins” de production de drogue, alors que les estimations de l’ONU chiffrent à 400-500 le nombre de ces installations, et l’on tirera de ce constat les conclusions qu’on veut.

Le théâtre de la guerre antidrogue ?

La question en forme d’alternative d’interprétation que soulève aussi bien cette attaque que la sorte de communication qui l’entoure est bien de savoir si la guerre de l’Afghanistan continue son petit bonhomme de chemin sanglant et inutile, ou bien s’il s’agit de ce qu’on nomme “un tournant”. Nous optons plutôt pour le deuxième terme de l’alternative, sous une forme d'hypothèse prudente et exploratoire bien sûr et en nous référant principalement aux acteurs de la séquence ; sans cela, certes, nous n’aurions pas accordé autant d’importance à cet événement.

L’article référencé ici accorde évidemment une certaine place à la lutte antidrogue des USA en Afghanistan depuis 2001, ou plutôt l’absence de lutte antidrogue sérieuse dans cette guerre alors que l’on s’entend pour dire que l’attaque du trafic de drogue est le seul moyen de l’emporter.L’on commence à comprendre ce qui est en jeu avec ces citations :

« Le gouvernement américain a poursuivi diverses stratégies antidrogues pendant sa guerre de 16 ans en Afghanistan, mais il n'a guère fait obstacle à la résurgence régulière de la culture du pavot à opium et du trafic de drogue depuis la chute des talibans en 2001. [...] [C]es efforts des États-Unis n'ont pas directement impliqué l'armée. Au début des années post-taliban, le Pentagone s'est concentré exclusivement sur la poursuite des insurgés d'Al-Qaïda et des Talibans et a expressément évité d’orienter tout ou partie de ses efforts pour freiner le trafic de drogue. Dans certains cas, c'était à cause des alliances américaines avec des seigneurs de la guerre ou des hommes forts régionaux impliqués dans la drogue.

» Plus tard, alors que la production de pavot et le commerce de la drogue ont rebondi, les États-Unis ont lancé plusieurs programmes ambitieux pour les contrer. L'une était une campagne de substitution des cultures qui encourageait et payait les agriculteurs à cultiver des amandes, des abricots, des légumes verts et du safran au lieu du pavot. Un autre a payé des fermiers pour détruire leurs champs de pavot et a financé des campagnes d'interception dans lesquelles les forces de sécurité afghanes ont brûlé des champs cultivés.

» Ces efforts ont été complètement entravés par une combinaison de facteurs, notamment l'attrait énorme des profits de la drogue, la tradition longtemps acceptée de la culture du pavot par les petits agriculteurs, l'implication de puissants Afghans dans le commerce, l'hostilité locale à l'interdiction et la rusticité des plantes à pavot leur permettant de prospérer dans des conditions difficiles et sèches.

La CIA et la “guerre totale”

Ce qui est passé sous silence dans ce bref aperçu des causes de la non-intervention antidrogue des forces US en Afghanistan n’est évidemment pas rien au point que l’on dirait que c’est presque l’essentiel des derniers événements-pavot des conflits sans fin en Afghanistan. Le principal acteur de la crise de la drogue en Afghanistan est, bien entendu, et comme dans toutes les régions où des drogues sont produites en masse, la CIA. Depuis les années 1980 et le directeur Bill Casey, proche de Reagan et redoutable financier de Wall Street avec toutes les accointances possibles avec le crime organisé, la drogue en Afghanistan constitue une des activités très importantes des branches “action” de la CIA, et également du processus de privatisation et de financiarisation de l’Agence.

D’une certaine façon, c’est un schéma connu qui remonte aux origines (les prédécesseurs de la CIA, puis la CIA elle-même agissant pour le compte de United Fruit en Amérique du Sud, ou bien des pétroliers au Moyen-Orient, etc.). Il est pourtant original dans le sens où l’action de la CIA n’est plus indirecte mais directe, la drogue constituant à partir des années 1980 dans une mesure massive, une de ses principales ressources financières “clandestines”. On trouve déjà une esquisse d’archétype de cette sorte d’intervention, de cette “méthodologie” de l’illégalité totale et déstructurante, hors de tout cadre principiel, national ou autre, avec l’action de la CIA dans “le Triangle d’Or” par rapport à la guerre du Vietnam où la drogue qui en venait joua un rôle important dans l’effondrement moral et psychologique des forces US. Comme on le comprend, la CIA a sa propre vision de la sécurité nationale et des intérêts des USA.

A partir des années 1980 donc, il y eut institutionnalisation de la méthode avec les processus de privatisation et de financiarisation touchant tous les domaines aux USA, y compris ceux de la sécurité nationale et spécialement la CIA ; tout cela, aussi bien opérationnel en Afghanistan qu’au Mexique, qu’au Moyen-Orient, jusqu’à ces trois dernières années avec l’ensemble pétrole-Daesh, etc. (Peter Dale Scott a largement et avec une grande minutie étudié cet aspect de la puissance US et de ce que lui-même a baptisé Deep State.)

Une nouvelle forme de “guerre totale”

Dans de telles conditions, on comprend qu’on puisse envisager l’hypothèse que la guerre d’Afghanistan évolue éventuellement vers une nouvelle forme de “guerre totale”. L’intervention militaire de destruction contre des laboratoires clandestins peut être considérée de deux façons :

• Ou bien, une démonstration sans suite, pour faire croire que le Pentagone entame vraiment une guerre contre la drogue.

• Ou bien le lancement d’une véritable guerre contre la drogue pour permettre d’arriver à une “guerre gagnable” ou, dans tous les cas, qui n’aurait plus besoin d’un engagement conséquent des forces armées US et permettrait un retrait. Cela libérerait, à terme, les très importantes ressources, – financières, matérielles et humaines, –  que le Pentagone consacre à ce conflit sans fin.

La première hypothèse ne nous séduit guère : personne ne demande aux militaires une justification de quoi que ce soit. Au contraire, aux toutes dernières nouvelles des sources les mieux informées, les généraux (Mattis, McMaster, Kelly) sont “in charge” à Washington. Ils ont donc les pouvoirs mais aussi les responsabilités des pouvoirs. Ils commencent à mesurer, non pas la difficulté d’avoir plus d’argent pour le Pentagone (ils sont noyés dans les $milliards, qui ne servent plus à rien et s’avèrent même contre-productifs en encourageant l’incurie) mais la difficulté de seulement pouvoir maintenir leur machine de guerre en état de marche au simple niveau de puissance que cette machine prétend avoir. Les causes sont nombreuses et structurelles, – budgétaires, managériales, sociétales, corruptrices... La machine, – l’usine à gaz, – craque de partout et l’exemple de la VIIème Flotte (Asie-Pacifique) de l’US Navy est à cet égard le plus voyant et le plus illustratif : la flotte la plus éloignée du centre, la flotte d’une véritable projection de force ne parvient plus à assurer la maîtrise de sa propre puissance.

C’est dans cette logique-là que l’on peut envisager que le Pentagone joue sa dernière carte en Afghanistan pour pouvoir se dégager du conflit : s’attaquer au “domaine sacré” de la drogue pour tenter, non pas tant de l’emporter mais d’affaiblir assez les talibans pour laisser la situation aux mains des Afghans “réguliers” (tout en conservant quelques bases stratégiques, bien entendu). C’est une initiative difficile, dans la mesure où nombre de puissances d’argent, de “chefs de guerre”, et surtout jusqu’à la CIA elle-même, vont voir leurs positions menacées, et vont réagir directement ou indirectement... On ne s’étonnera pas de voir la CIA mentionnée dans ce cas ; ce n’est pas la première fois qu’elle “affronte” le Pentagone, et dans le climat actuel, celui de la dilution du pouvoir à “D.C.-la-folle” et de la très forte privatisation de l’Agence avec des liens conséquents établis depuis plusieurs décennies avec le crime organisé, c’est encore plus concevable bien entendu.

On arrêtera ici la description de l’aspect opérationnel sans s’attarder à des hypothèses sur l’issue possible ou probable, sur l’incertitude considérable où se trouve le Pentagone de pouvoir parvenir à ses fins. Il nous intéresse surtout d’observer combien les conflits livrés dans le cadre de soi-disant “Guerre contre la Terreur”, lorsqu’ils augmentent d’intensité sans les garanties de légitimité nécessaires, ne débouchent nullement sur des conflits conventionnels de haut niveau de type classique mais sur des conflits multiformes et de plus en plus chaotiques dans leurs composants. La logique de la “guerre hybride” inaugurée en Syrie et en Ukraine est subvertie, et poussée dans sa forme invertie jusqu’à l’interférence déstructurante au niveau opérationnel pur, avec les problèmes sociaux et sociétaux devenant de véritables facteurs opérationnels de la bataille. De ce point de vue, si l’Afghanistan intègre directement dans son équation opérationnelle le facteur de la drogue, on est en présence d’un véritable “modèle” dégénéré dont l’ensemble Daesh + pétrole (pétrole syrien transitant par la Turquie) écrasé par les Russes a été un premier essai opérationnel. Le modèle est si complet, les moyens si sophistiqués dans leur inadéquation, qu’on peut parler d’une “guerre totale” invertie qui serait en voie de s’offrir comme complètement dégénérée.

Seules des forces conventionnelles régulières, de quelque niveau d’importance que ce soit pourvu qu’elles soient appuyées sur des pouvoirs politiques légitimes, sur des principes souverains renvoyant à des facteurs nationaux directement parties prenantes, sont capables d’imposer leur loi pour écarter en la pulvérisant cette dégénérescence pathologique du modèle guerrier de la postmodernité-tardive. Les Syriens ont réussi avec l’aide des Iraniens et du Hezbollah, puis l’aide décisive et structurante des Russes, malgré une situation catastrophique au départ.

Les américanistes sont également confrontés à cet aspect de la belligérance postmoderne-tardive, mais au contraire des Russes ils ne cessent de perdre du terrain. Engagés arbitrairement et illégalement, ils manquent singulièrement de légitimité, sans aucun principe souverain sur lequel s’appuyer, et l’on voit alors difficilement comment ils pourraient réussir dans leur entreprise.

Au moins nous permettent-ils de passer en revue tout ce que cette époque de la postmodernité-tardive peut vomir comme production invertie, et au moins accélèrent-ils le processus général d’autodestruction. Grâce au F-22 modèle LGTQ, ils nous promettent que cela se fera en limitant les dégâts collatéraux.