Mission accomplie: c’est encore pire qu’il y a un an

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Le président Barack Hussein Obama dit que nous avons évité une Dépression. Cela ne nous rassure pas vraiment pour le saut qui nous attend puisque, semble-t-il, ce pourrait être “reculer pour mieux sauter”. Ainsi nous en dit, là-dessus, Joseph Stiglitz, d’un pessimisme d’encre. (C’est Bloomberg.News qui nous donne, le 13 septembre 2009, des déclarations de l’économiste US.)

«“In the U.S. and many other countries, the too-big-to-fail banks have become even bigger,” Stiglitz said in an interview today in Paris. “The problems are worse than they were in 2007 before the crisis.” Stiglitz’s views echo those of former Federal Reserve Chairman Paul Volcker, who has advised President Barack Obama’s administration to curtail the size of banks, and Bank of Israel Governor Stanley Fischer, who suggested last month that governments may want to discourage financial institutions from growing “excessively.” […]

»“It’s an outrage,” especially “in the U.S. where we poured so much money into the banks,” Stiglitz said... […] Stiglitz, former chief economist at the World Bank and member of the White House Council of Economic Advisers, said the world economy is “far from being out of the woods” even if it has pulled back from the precipice it teetered on after the collapse of Lehman. “We’re going into an extended period of weak economy, of economic malaise,” Stiglitz said….»

Stiglitz observe que les gouvernements semblent paralysés face aux établissements financiers. Il espère, comme une sorte de pis-aller pour tenter d’évoquer une éventuelle issue politique, que les autres pays du G20 sauront imposer assez de pression sur le gouvernement US pour que celui-ci envisage de faire un peu plus qu’il ne fait (ou qu’il ne fait pas?) face au monde financier. Cette appréciation mesure la confiance que les observateurs et les commentateurs d’une certaine envergure ont pour les directions politiques.

Egalement remarquable, parmi les nombreuses réactions dans le même sens, cette intervention de Robert Reich et de Patrick Buchanan sur MSNBC (Video), rapportée par HuffingtonPost, le 14 septembre 2009. Voici notamment l’intervention de Robert Reich:

«You know it's interesting Pat Buchanan, I start worrying about my own convictions when I hear you repeating back to me exactly what I believe. We ought to have either had kind of a restructuring of all of these big banks based upon something like Chapter 11, or we should have had a kind of temporary receivership, but we have the worst of both worlds. Taxpayers bailed them out so right now they know they were going to get a bailout next time. Before they didn't even know they were going to get a bailout, now they're making these wild trades they're doing the same risky stuff they were doing before, and now they know that if they get in trouble the government is going to bail them out because they are, quote, “too big to fail.” Nothing in capitalism, no entity should be too big to fail.»

@PAYANT Effectivement, Stiglitz ne fait pas preuve de grande originalité, lui qui a une réputation d’original bien établie. Il y a une quasi-unanimité de jugement parmi les commentateurs qui ont une perception suffisamment large de la situation financière pour y inclure la dimension politique et son cadre psychologique. Même si les attendus de ces jugements sont différents selon les approches économiques que l’on choisit, la perception générale est remarquablement similaire. La grossièreté des manœuvres réalisées pour “redresser” la situation financière, les conditions qui caractérisent ces manœuvres, l’attitude absolument fermée, arrogante et irresponsable du monde financier, tout cela a constitué une formidable force d’influence paradoxale pour orienter le jugement vers un pessimisme exceptionnel de puissance, qu’on rencontre chez tous les commentateurs auxquels nous nous référons. Cette orientation forme en contrepartie une force d’équilibre puissante, qui tend à contrecarrer puis à annihiler la campagne générale de virtualisation de la situation montée depuis mars dernier (“green shots” et le reste) et affaiblit fortement les effets euphorisants dispensés par les reprises boursière artificiellement suscitées.

Plus encore, dans le registre de cette pression psychologique des commentateurs, on trouve aujourd’hui une réelle fureur qui radicalise considérablement l’attaque contre l’établissement financier, là aussi à mesure de l’insupportable indifférence méprisante de cet établissement. L’échange signalé plus haut entre Buchanan et Reich est étonnant si on le considère d’une façon conventionnelle, remarquable et exemplaire si on le considère en fonction de la situation réelle. On peut difficilement trouver deux hommes aussi politiquement différents, sinon adversaires; le non-interventionniste (au niveau de l’économie) et isolationniste de la droite anti-belliciste Buchanan et le rooseveltien interventionniste (au niveau de l’économie), nettement à gauche dans l’échiquier démocrate, Robert Reich. Tous les deux s’entendent pourtant pour proclamer qu’il aurait fallu laisser s’effondrer l’un ou l’autre mastodonte financier dans sa pourriture faussaire pour apprendre à l’“industrie financière” de Wall Street que l’argent du contribuable américain ne lui sera pas automatiquement versé pour éponger les conséquences comptables de son irresponsabilité.

Il est assez remarquable d’observer que la fureur anti-Wall Street qu’on cherche en vain dans la population US, à part quelques éclats erratiques, se trouve concentrée dans une catégorie de commentateurs qui, malgré certains traits d’originalité, font partie de l’establishment. Cette “diversité”, qui touche presque à une division interne à l’establishment quand on mesure la différence avec les Bernanke, Summers, Gheitner, etc., paraît assez similaire à celle qu’on trouve à propos de l’Afghanistan. Elle indique un phénomène de fracture à l’intérieur de l’establishment qui tend à se généraliser en embrassant toutes les crises en développement. Elle tend de moins en moins à se définir selon les engagements habituels et les étiquettes idéologiques convenues, mais répond désormais à des réactions par rapport au virtualisme et aux constructions psychologiques qui constituent la ligne de défense principale du système. Quelles que soient les arrières pensées ou les conceptions des uns et des autres, les regroupements se font désormais, de plus en plus, par rapport au débat sur la réalité de la situation. Celui-ci, ce débat, est d’un radicalisme évident parce qu’il n’implique plus le jugement élaboré, qui permet toutes les interprétations et les déformations, et les conformations au diktat du système, mais les réactions psychologiques fondamentales devant les évidences de la situation, que certains réfutent en acceptant ce même diktat du système comme seule façon de résoudre ces crises, que d’autres acceptent en proclamant qu’il faut désormais les prendre comme références impératives pour pouvoir envisager quelque action efficace que ce soit. Comme on le comprend, ce qui compte, ce qui est essentiel, c’est bien la révolte contre le diktat et non les positions élaborées qu’on définit selon les conceptions partisanes qu’on a.


Mis en ligne le 15 septembre 2009 à 06H54