Malaise britannique

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Malaise britannique


6 mai 2002 — Les Britanniques commencent à ressentir un malaise, comme le montre bien un article du Guardian du 3 mai. Aujourd'hui, en Afghanistan, ce sont les Britanniques qui assurent l'essentiel des opérations terrestres, — avec l'appui aérien américain, concède le Guardian, en soulignant de façon venimeuse, et tout le monde comprend : « not necessarily a boon to safety ». (Une appréciation détaillée et pas très encourageante de la situation des Marines [surtout britannique] en Afghanistan est donnée par Brinden O'Neill, sur le site Spiked.) Le Guardian commence à trouver la pilule un peu amère. Voici comment il nous explique cela, dans le dernier paragraphe de cet article, qui est en fait l'éditorial du journal et dont il ne serait pas étonnant qu'il ait été inspiré par l'un ou l'autre général britannique, ou par plusieurs à la fois :

« The evolutionary trend is clear - and clearly problematic. Increasingly, British troops are taking on the lion's share of the dangerous, up-close work in America's war, though the Pentagon will not admit it. Increasingly, this will help the US to shift resources elsewhere, say towards Iraq. Increasingly, Britain is assuming a central role in a war it did not start, does not direct, and cannot finish. Applying a sense of moral purpose to international affairs is all very well. But sooner or later, proxies become fall-guys. »

On notera que la guerre en Afghanistan, appuyée et soutenue par le monde entier, unanime et enthousiaste, saluée partout comme “notre guerre”, celle de la civilisation contre l'obscurantisme, devient « a war [Britain] did not start ». C'est un exemple du ton, amer et d'une fureur contenue, plein de sous-entendus à l'adresse d'un gouvernement qui ne cesse de tresser la corde avec laquelle il semble assez pressé de se pendre. (Par exemple : chacun sait qu'une guerre en Irak lancée par les Américains mettrait Blair dans une position impossible, elle pourrait même amener sa chute, placé entre sa volonté tactique de soutenir les US et l'opposition décidée et majoritaire au Royaume-Uni contre cet engagement. Le rôle britannique en Afghanistan permet aux Américains « to shift resources elsewhere, say towards Iraq ». Confrontons les deux faits : tout cela est-il particulièrement habile ?)

Les Britanniques se trouvent devant le dilemme qui a toujours implicitement existé dans leurs conceptions des special relationships. Celles-ci impliquent que tout doit être sacrifié à l'intérêt que représentent pour le Royaume-Uni les relations établies avec les USA ; tout, c'est-à-dire, dans certains cas, y compris les intérêts britanniques. Le raisonnement ne semble guère avoir pris en compte le fait que les relations établies avec les USA pouvaient conduire à une situation si antagoniste avec les intérêts britanniques qu'elle en deviendrait insupportable, et le fait qu'alors on pourrait se demander si ces relations spéciales avec les Américains valent vraiment le sacrifice qu'on leur fait. En temps normal, lorsqu'une telle circonstance si contradictoire se présente, les conséquences les plus inacceptables peuvent être dissimulées car les situations concernent des matières dont les effets ne sont pas immédiats, directs et frappants. Il faut croire qu'aujourd'hui n'est pas un temps vraiment normal, où l'on se trouve devant la possibilité que des Britanniques en viennent à mourir dans une guerre déclenchée par les Américains, dans un but qu'aujourd'hui seuls les Américains semblent connaître, et encore s'ils ont un but, sous le commandement des Américains qui semblent par ailleurs s'en désintéresser pour préparer d'autres expéditions encore plus déstabilisantes et, en attendant, se chamailler en factions rivales au sein du pouvoir washingtonien.