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Le cordon sanitaire rompu

Harvey Weinstein n’a pas bénéficié du cordon de sécurité que les habituels combattants de l’antisémitisme dressent de leurs clameurs autour de personnalités juives accusées de pédophilie ou de viols. Il est vrai que le journal de révérence, le New York Times, aurait livré ses révélations sur requête du frère même du magnat du Dieu d’Hollywood, animé d’une passion ‘mauvaise’ à l’égard d’un aîné qui capture pour lui toute la lumière des médias. Cette version actualisée d’une rivalité entre Abel et Caïn peut laisser septique, les deux compères ont fait fructifier de conserve l’entreprise du divertissement sur plusieurs décennies avec succès et sans anicroche. La prise de distance publique de la part de Robert Weinstein qui a exclu son frère de l’administration de la firme et de celle de Georgina Chapman, la future ex-épouse de Harvey, à la tête d’une maison de couture dont les modèles sont très souvent vus portés par les étoiles féminines lors des festivals de cinéma pourrait résulter du simple réflexe de protéger le commerce.

En pratiquant cette mise à l’écart, auraient-ils tous deux mis en application la devise de la firme Weinstein énoncée par Harvey lors de la  cérémonie de remise du prix  Simon Weisenthal de 2015 : « Le Bien ne peut triompher du Mal que si les Anges sont organisés comme une Mafia » ? A cette occasion, Harvey évoquait le souvenir d’un père qui a servi au Caire pendant la Seconde Guerre mondiale comme sergent de la milice secrète Haganah, embryon de la future armée de l'entité sioniste. Il l’aurait prévenu contre les affres de l’antisémitisme. Le Héraut en chef de la cause sioniste en France qui fut l’un des artisans de la diffusion en France de l’équation qui confond l’antisionisme avec l’antisémitisme national, Lévy, L’Homme au Poitrail Découvert, était alors fort occupé à promouvoir une cause jugée sans doute prioritaire. Il se lamentait au nom de la lâcheté des démocrates occidentaux qui ne soutiendraient pas avec la fermeté souhaitée l’indépendance du Kurdistan irakien, en raison de l’indécrottable colonialisme européen.

Un État satellite manqué

La constance du Poitrail Découvert à présenter comme une avancée du Droit universel la stratégie israélienne de dislocation des Etats non alignés sur ses prétentions territoriales lui vaudra sans doute un jour une distinction décernée par le Centre Simon Weisenthal ou de l‘Anti Defamation League. La forme écrite ou filmée de sa propagande ne recueille pas l’engouement escompté. Comme pour la sécession du Soudan du Sud consommée en 2011 et pour laquelle Israël militait activement depuis sa création comme politique de revers contre l’Egypte, la sympathie sioniste pour les Kurdes d’Irak est bien antérieure à leur persécution par Saddam Hussein en 1991. Dès 1958, Israël forme les milices kurdes militairement quand les liens de Tel Aviv avec Téhéran constituaient une véritable alliance stratégique.  Le père de l’actuel Barzani s’était même affiché après juin 1967 offrant une dague sertie à Moshe Dayan. L’implantation d’une colonie israélienne derrière le masque d’une entité kurde si près de l’Iran et de la Turquie ne sera permise par aucune des deux puissances régionales ni par la Russie. Ce projet a toute chance d’être remisé au placard, du moins pour l’instant en l’état actuel des rapports de forces. La dernière intervention de l’armée de l’air israélienne en Syrie est interprétée comme un échec patent des avions de combat de nouvelle génération à la furtivité mise à jour et percée par de vieux missiles sortis des réserves pour l’occasion. Pas de secours israélien aéroporté aisé en vue pour les séparatistes du PDK. De plus, la gestion de la région autonome depuis la dernière constitution écrite par les USA souffre d’une gestion autoritaire, népotique, responsable d’un déficit budgétaire conséquent qui si elle ravit le clan de Barzani ne contente pas la majorité de la population.

La Catalogne comme symptôme

En vertu d’une ruse inattendue de calendrier, le référendum kurde a été recouvert médiatiquement par celui de la Catalogne. Les forces centrifuges travaillent au sein d’une Europe unie dans le carcan d’un euro qui la fait doucement imploser. Les régions ou provinces relativement privilégies au sein de nations récemment unifiées souhaiteront leur détachement pour ne pas avoir à financer d’autres moins favorisées. L’Italie du Nord, la Flandre, l’Ecosse risquent ainsi de demander leur indépendance.

Ce que n’ont pas réussi à concrétiser les guerres de 1870, 1914 et 1939, à savoir l’établissement de l’hégémonie allemande sur le continent européen, l’Union européenne le réalise pleinement. A ce qu’il restera du Royaume-Uni (brexité totalement ou en partie) reviendra la fonction d’assurer le pôle financier, à la France des fromages et des châteaux, celle du tourisme, l’Allemagne réunifiée au prix de la pulvérisation de l’industrie lourde du Bloc de l’Est maintiendra le cap de la production industrielle.

La Tchéquie est déjà désunie de la Slovaquie, la Yougoslavie démembrée, l’Ukraine est en passe de l’être. Un gros navire amiral germanique escorté d’un petit destroyer français ne maintiendra pas longtemps toute une escouade de petites provinces sous la coupe d’un deutsche mark rebaptisé euro qui concentrerait en lui toute la souveraineté.

L’autre rejeton du cauchemar nazi

Bâti selon le principe maintenant violemment tourmenté de l’Etat-nation européen, l‘Etat d’Israël qui se veut celui d’un peuple ‘juif’ copieusement inventé en mobilisant les ressources d’universitaires, d’idéologues et de propagandistes est en réalité celui d’une communauté parlant la même langue, le yiddish. Ce peuple-langue plus que peuple-religion ne trouvait plus sa place dans une géographie politique en recomposition depuis la fin du XIXe siècle. Une bonne partie de son élite a alors milité en faveur d’un internationalisme socialiste, une infime minorité pour un nationalisme en recherche d’une terre à occuper. Les Juifs assimilés occidentaux, bien intégrés et quelquefois très fortunés, honteux de leurs coreligionnaires en turban et à papillotes ont aidé très tôt à les rendre invisibles en favorisant leur implantation en Palestine dès la fin du 19ème siècle.

La colonisation de la Palestine a été décidée par l’empire britannique qui avait besoin de sécuriser l’Egypte et les voies terrestres vers la Mésopotamie et, obsession majeure de l’Indian Office, vers l’Inde. Elle le fut dans le train des discussions engagées entre Mark Sykes et François Georges-Picot qui négociaient les tracés des lignes de partage des terres arabes qu’allaient s’adjuger la France et le Royaume-Uni comme butin au décours de la Première Guerre mondiale. La déclaration de Lord Balfour faite au baron de Rothschild en octobre 1917 sous la dictée de Haim Weizmann venu de Biélorussie et futur premier Président d’Israël, ingénieur chimiste qui aida à la mise au point de la synthèse de l’acétone primordial dans la fabrication des munitions, est une promesse de création d’un foyer juif. Les savantes ambiguïtés de la langue ont permis de transformer ‘un foyer juif en Palestine’ en Palestine devenue un foyer juif. Dès lors, les dirigeants sionistes provenant d’Europe centrale et orientale qui n’ont de juif qu’une vague culture traditionnelle et qui ont abandonné la langue faite sur la base de dialectes germaniques avec des éléments rajoutés araméens, vieil hébreux et slaves au profit d'une langue nouvelle créée par des linguistes à partir d'une structure slave, d'un vocabulaire vieil hébraïque repris et de nouveaux rajouts empruntés, araméens, arabes, yiddish et slaves. Dans le but de quitter la contrée dont ils étaient originaires et pour prendre en charge l’expulsion des Palestiniens et le vol de leurs terres. Sous le regard attendri des Européens dont ils perpétuent les intentions civilisatrices et émancipatrices à l’égard des peuples inférieurs à coup de brigandage armé dispensateur de bombardements démocratiques. Un machin s’est établi sous les yeux écarquillés d’abord de surprise puis d’effroi, enfin d’horreur d’une population indigène qui doit sa tradition raffinée à une longue fréquentation de l’histoire de sa terre, lieu de confluence des Pharaons, des Grecs, des Araméens, des Byzantins et des Arabes. Ce machin en activité phagocytaire perpétuelle de son environnement s’infiltre dans la moindre interstice, le moindre clivage pour le majorer et exercer son talent entropisateur.

Lui aussi a fait sienne la devise de Harvey Weinstein, il est devenu le prototype de l’État mafieux de par sa formation et vocation congénitales. En posant la question du devenir de la nature d’Israël, Simona Weiglass y répondait. 25% du revenu des secteurs de haute technologie est issu d’industries véreuses ou frauduleuses. Des situations de monopole surenchérissent les prix à la consommation sans que cette situation puisse être combattue par des gouvernements corrompus. Le blanchiment d’argent a concouru à une hausse aberrante de l’immobilier, 120% en quelques années. Il a été calculé que l’économie souterraine de cette entité a progressé de 22% en 2008 à 28% en 2014. Non seulement 90 députés sur 120 sont totalement soumis aux lobbyistes, mais l’entrée à la Knesset d’Inbal Gavrieli, la fille d’un chef du crime organisé, confirme indubitablement la nature mafieuse de la seule démocratie du Moyen Orient.

Le Droit au sens admis par les démocraties bourgeoises n’a pas cours dans les colonies, en particulier le droit à la propriété- ce pourquoi en réalité il a été conçu et formalisé car prioritaire dans la hiérarchie par rapport au principe de l’égalité et  au droit à la vie, à être logé et instruit (inaliénable etc et blablabla) est suspendu. Cette rupture considère le peuple palestinien occupé comme une catégorie (humaine ?) n’ayant pas un statut qui le rende éligible à la être protégé par le sacro-saint droit à la propriété. La résultante de cette abrogation fait que l’Etat sioniste prélève des biens lors de raids de l’armée dans les maisons palestiniennes, détruit les biens collectifs comme les stations d’épuration d’eau, interdit l’usage des puits. Surtout, il se saisit de terres sous des prétextes divers, le plus fréquent est la sécurité, lesquelles terres prises à peu de frais, les impôts américains paient les frais de la soldatesque, sont une réserve foncière gratuite pour les spéculateurs immobiliers et autres blanchisseurs d’argent.

La richesse de cette entité provient d’un pillage consenti par les puissances occidentales à titre ‘compensatoire’ depuis maintenant 70 ans. Alors que les Conventions de Genève imposent aux puissances occupantes l’entretien de la population occupée, le système sioniste en charge l’ONU, c’est-à-dire l’ensemble des nations, par le biais de l’UNRWA, et à titre ‘humanitaire’ des pays voire l’Union européenne qui paient des écoles, des hôpitaux rapidement détruits et sans cesse relevés.

Les entorses permanentes à un Droit réputé universel créent les brèches par lesquelles s’engouffrent la rapine institutionnelle, la corruption des mœurs, un sentiment de pouvoir sans limites  sur plus faible que soi et les pires crimes, assassinats pour prélèvements d’organes par exemple. Israël représente bien le prototype des systèmes politiques occidentaux.

1917-2017, un siècle de maffioseries à grande et petite échelle, cela suffit, il faut que le voleur rendre gorge.

Badia Benjelloun