L’insaisissable “American Gorbatchev”

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L’insaisissable “American Gorbatchev”

La nomination par le ministère de la justice d’un Conseiller Spécial chargé de superviser les enquêtes sur Russiagate ouvre une nouvelle phase dans la crise du pouvoir américaniste à Washington D.C. La personne désignée est l’ancien directeur du FBI Robert Mueller, prédécesseur de Comey qui a été mis à pied par Trump, cette mise à pied déclenchant un nouveau paroxysme dans l’attaque générale contre Trump. Les réactions à cette nomination ont été en général favorables, des deux côtés et notamment concernant la personnalité de Mueller ; son effet principal a été ainsi de faire baisser au moins temporairement la tension hystérique de ces derniers jours. S’il est encore trop tôt pour mesurer la réaction en profondeur des uns et des autres, il nous paraît très difficile d’y voir un tournant impliquant la fin de l’affrontement interne à Washington D.C., notamment comme l’affirment Trump et ses partisans. On dira simplement que la bataille devrait connaître un répit temporaire, les forces en présence, et notamment la fureur agressive anti-Trump de la presseSystème, devant se regrouper pour repartir dans la bataille dans le cadre de communication nouveau créé par la nomination de Mueller.

La nomination a été effective sur une décision de l’adjoint au ministre de la justice Rod Rosenstein. (Le ministre, Jeff Sessions, s’est lui-même mis en dehors du processus d’enquête de Russiagate, il y a deux mois, après des accusations de partialité lancées contre lui par l’opposition.) Trump n’a été avisé de cette nomination qu’après qu’elle ait été signée par Rosenstein, mais une demi-heure avant que l’annonce publique en soit faire. La réaction de Trump a été très favorable, encore une fois selon sa conviction pour nous bien peu fondée que l’affaire va désormais vers une issue favorable pour lui et un retour à l’ordre à Washington D.C. Bien entendu, toute analogie avec le Watergate à ce stade est complètement incorrecte : le département de la justice avait nommé un Conseiller Spécial à la fin du printemps 1973 (Archibald Cox, ensuite mis en à pied par Nixon et remplacé par Leon Jaworski) bien après que des personnes aient été inculpées dans l’affaire, que des démissions aient eu lieu, que des indices solides aient été réunis, c’est-à-dire qu’il ait été déterminé qu’il y avait effectivement “une affaire”. Au contraire, rien de concret n’a été déterminé dans le Russiagate ; mais en vérité cela importe peu, puisqu’il s’agit d’une “affaire” qui évolue dans un cadre de simulacre complet, qui n’a aucune besoin d’une assise quelconque de quelque vérité-de-situation que ce soit ; pour cette raison, la dynamique générale de la bataille devrait se poursuivre à moins qu’un événement majeur de rupture n’intervienne.

• Depuis deux semaines, Trump fait face à un nouveau paroxysme de l’attaque, du “Coup d’État rampant” (mais tonitruant et à rallonges successives) développé contre lui quasiment depuis son élection, sous la forme de fuites dans la presseSystème, de dossiers montés de toutes pièces, d’attaques ad hominem, etc. dans une mesure extraordinaire. Partout retentit le mot de “destitution” pour des cas divers, dont aucun n’apporte aucune preuve de quelque délit que ce soit, ou ne présente aucun cas qui soit impérativement passible d’une destitution. (La dernière en date, une fuite venue de Comey, le directeur du FBI licencié, comme “revanche” de sa mise à pied, ne présente en rien un cas d’une suffisante gravité pour être classé dans ce genre : mais l’accueil qui en est fait montre bien entendu que tout sera fait pour que ce soit le cas.) Les réactions de Trump, d’ailleurs comme son action principale de ces derniers jours (la mise à pied de Comey) sont extrêmement maladroites, inappropriées, et donnent des munitions à ses adversaires en nourrissant le paroxysme de leur psychologie. Tactiquement, le businessman-président devenu homme-téléréalité, dans un environnement qui n’a rien à voir ni avec le business ni avec la téléréalité et tout avec le massacre psychologique, a un comportement médiocre, pour ne pas dire absolument désastreux.

• Mais encore s’agit-il d’un problème secondaire, justement de pure tactique par rapport au phénomène stratégique, ou dirait-on “méta-stratégique”, qui caractérise cette situation sans précédent ni équivalent (SPSE). Le vrai est que Washington D.C., selon une formule très prisée pour la campagne présidentielle française, évolue “hors-sol” ou même, selon une formule que nous préférerions pour mieux rendre compte de l’ampleur du phénomène, “hors-atmosphère” comme l’on dirait “d’un autre monde” ou, mieux encore, “d’une autre réalité”. Dans un tel climat, tout est possible, et si possible le pire bien entendu. Le parti démocrate, soutenu ou poussé par une presseSystème qui étale sans la moindre retenue son parti-pris et sa volonté de détruire Trump, semble décidé à tout faire pour aller jusqu’au bout ; cette idée vaut aussi bien après la nomination du Conseiller Spécial dont il est sans nul doute attendu catégoriquement de la part des “frondeurs” (!) qu’il confirme la “culpabilité” totale et incontestable sans preuve nécessaire du président dans une affaire qui est un simulacre complet (donc non-comptable des règles juridiques courantes, comme la production de preuves pour établir une culpabilité). On ajoutera à cela, pour revenir sur terre pour un instant, que les démocrates savent également que s’ils ne parviennent pas à liquider Trump, il se pourrait que l’affaire Rich parvienne à se révéler et à percer, pour risquer de les mette dans une impasse catastrophique.

(• L’affaire Rich : PresseSystème et démocrates sont complètement liés par les mêmes obligations, enchaînés au déterminisme-narrative qui les oblige à assumer jusqu’au bout, jusqu’à la destruction de Trump, la narrative de la collusion Trump-Russie [Russiagate] pendant la campagne. Le black-out de la presseSystème est quasi-complet sur d’importantes nouvelles concernant la mort inexpliquée de Seth Rich, un permanent du Democratic National Committee [DNC] et partisan de Sanders, assassiné en juillet 2016 au moment où éclatait le scandale des fuites WikiLeaks concernant les e-mails du DNC, qui fut aussitôt mis au compte des Russes. Il apparaît de plus en plus possible/probable que la source de WikiLeaks n’est pas la Russie mais bien Rich, dont on dit qu’il a livré 44.000 e-mails du DNC et de la campagne Clinton à WikiLeaks. [Les précisions dans cette affaire viennent d’un détective privé engagé par la famille de Rich qui semblent vouloir connaître la vérité, mais aussi par des sources présentées comme venues du FBI. Néanmoins, la famille Rich a affirmé que le détective privé qu’elle avait engagé, Rod Wheeler, ne parlait pas en son nom sur ce point, ce qui ferait s’interroger sur les pressions qui s’exercent ou pas sur elle.] L’essentiel de la presseSystème ne dit pas un mot de ces avancées de l’affaire Rich, sinon l’un ou l’autre pour en faire une théorie conspirationniste [NBC : “DNC Staffer’s murder draws fresh conspiracy theories”] alors que toute la presseSystème pétrole depuis neuf mois à coups de FakeNews sur le Russiagate, pure théorie conspirationniste puisqu’aucun élément ne l’a corroborée jusqu’ici malgré les myriades d’enquêtes sur le cas [FBI, CIA, Congrès].)

•... Mais, répétons-le, il ne fait aucun doute qu’au-delà de ce cas rationnel de l’affrontement (l’affaire Rich), le plus important est que le Russiagate a engendré un climat d’hystérie totale, où la nécessité de s’en tenir à une architecture faussaire a ouvert la voie à ce que nous nommons un déterminisme-narrativiste conduisant ceux qui en sont victimes à oublier les origines de la dynamique, puis à écarter tout ce qui pourrait la contrarier, et donc à accepter comme vérité pure la narrative originelle concoctée en marge de l’épisode de la désignation d’Hillary comme candidate, et de la mise à jour de la corruption absolue et sordide du DNC. De ce point de vue, le rationnel l’a complètement cédé à l’irrationnel, ce qui enferme toute la machinerie-Système dans un soutien absolue à cette narrative. C’est également à la lumière de ce point de vue que l’on doit entendre le professeur Stephen Cohen, spécialiste de la Russie et l’un des extrêmement rares expert et universitaire à avoir constamment mis en cause la politique d’hostilité à la Russie, avertir que l’hystérie américaniste est devenue “la menace la plus sérieuse” contre la sécurité nationale des USA, sinon “l’Ennemi même des États-Unis” (voir le DVD sur Fox.News) :

« Professor Cohen: Assault on Trump is greatest threat to our country... [...] .Cohen believes that President Trump is being accused of treason and there’s no evidence of such accusations. Cohen believes the enemy of America is its own hysteria…and this hysteria “has become a security threat to the US.” »

• L’hystérie étant ce qu’elle est, c’est-à-dire comme un vent furieux poussant un immense incendie d’une grande forêt de résineux affectée par une sécheresse d’une saison sans fin, on voit de plus en plus mal comment Trump pourrait résister à la marée folle qui l’encercle et ne cesse de le frapper s’il continue à appliquer la tactique malencontreuse et impuissante qu’il a suivie jusqu’ici. De tous les côtés surgissent “fuites” appropriées, déclarations furieuses (et incendiaires, bien entendu). Ajoutons-y une image rafraîchissante : l’incendie est, dans ce cas, comme la coque d’un navire criblée de voies d’eau qui se déclarent les unes après les autres et vers lesquelles on court pour tenter de les étouffer, les unes et les autres, à chaque instant distancé par le rythme. Un des derniers avatars en date pour Trump est d’un nouveau style, c’est l’envahissement de la panique jusqu’à interdire d’espérer boucher une voie d’eau : Comey viré, Trump veut rapidement un remplaçant à la tête du FBI, mais les pressentis jettent l’éponge les après les autres car ils ne veulent pas sacrifier ce qu’ils ont pour une position qui se transformerait instantanément en martyre et en calvaire pour eux, dès qu’ils l’assumeraient (sans parler de l’épreuve de type maccarthyste que serait pour eux la confirmation par le Sénat)... La nomination de Mueller changera-t-elle cela ? Nous nous nous garderions bien d’en mettre le plus minuscule petit doigt à couper...

« The quandary emerged on Tuesday when two high-profile potential candidates, a moderate judge and a conservative senator, signaled they did not want the job. Speaking to Reuters, advisers to Judge Merrick Garland and U.S. Senator John Cornyn of Texas said they discouraged them from leading the FBI, cautioning that “they would be leaving important, secure jobs for one fraught with politics and controversy.” They added that the new FBI director would “have little job security and heightened scrutiny by political observers following President Donald Trump's abrupt firing of James Comey” on May 9. »

• L’aggravation de la situation intérieure, et de la situation à Washington D.C., est mise en évidence par une intervention de Poutine, lors d’une conférence de presse à la suite de sa rencontre à Moscou avec le Premier ministre italien. Le président russe a été jusqu’à évoquer le risque de détérioration très grave, de déstabilisation interne qui existait aux USA même, du fait de ces agissements internes. Il a dit cela après avoir proposé de faire parvenir au Congrès US une transcription des entretiens Trump-Lavrov prouvant qu’aucun secret “classified” n’avait été fourni par Trump à Lavrov.

« “Nous sommes en train d'assister au développement d'une véritable schizophrénie politique aux Etats-Unis”, a constaté Vladimir Poutine à propos de l'affaire. Selon lui, le président américain Donald Trump se voit empêché de faire son travail correctement. “Ceux qui déstabilisent la situation politique interne aux Etats-Unis en utilisant des accusations contre la Russie, soit ne comprennent pas qu'ils font du tort à leur propre pays, et dans ce cas-là, ils sont tout simplement stupides, soit le font délibérément en toute connaissance de cause et sont donc des personnes dangereuses et corrompues”, a-t-il ajouté. ”On peut se demander jusqu'où ces gens, qui véhiculent autant de mensonges, sont prêts à aller et quel est leur prochain objectif”, a conclu le président russe. »

... Bien entendu, la proposition de Poutine a été repoussée avec horreur par diverses voix exprimant l’unanimité d’un Congrès horrifié. Comment serait-il possible de simplement toucher, sans parler de le lire, un document officiellement transmis par la Russie ? Ainsi, par de tels actes impies de sembler pactiser avec le Diable perd-on, par terrible inconséquence, l’Honorable Virginité dont sont parés tous les membres respectés et absolument vertueux du Congrès des États-Unis. Cette remarquable pantomime à laquelle est conduite toute cette volaille chargée de titres, d’honneurs et de prébendes des corrupteurs, est assez bien décrite par Finian Cunningham qui fait à cette occasion appel à une parabole du film Matrix. Dans son livre L’homme dévasté, Mattei consacre sept pages au film Matrix, dans lequel il voit une remarquable parabole postmoderne et hyper-technologisée de la fameuse allégorie platonicienne de la caverne. Effectivement, l’on comprend l’horreur qui envahit les membres du Congrès des États-Unis à l’idée de faire le choix de la consultation de ce qui pourrait être la vérité dans cette affaire, – car, qui sait, les Russes peuvent dire vrai par inadvertance et donner un compte-rendu juste de la rencontre...

« In an extraordinary moment this week, Russian leader Vladimir Putin offered Washington a challenge to discover the truth over sensational US media claims that President Trump had leaked top-secret information to Russia. Washington rebuffed Putin’s offer.

» It was akin to the iconic scene in the sci-fi movie, The Matrix, in which protagonists are offered a red or blue pill. Consuming the former leads them to awaken to the truth, however painful that awakening might be from shattering erstwhile illusions. Ingesting the alternative blue pill allows one to continue in a state of illusion, albeit in the form of slavery to The Matrix... »

• Finalement, la conclusion devrait revenir à notre ami de grande sagesse Publius Tacitus du site SST, texte d’ailleurs publié avant l’annonce de la nomination du Conseiller Spécial Mueller, – mais justement, cette conclusion toujours valable de notre point de vue puisque, selon nous toujours, la nomination de Mueller comme enquêteur général de Russiagate ne change rien au fond hystérique de cette affaire. Publius Tacitus exprime simplement l’avis, 1) que l’establishment, ou le Deep State, ou “la Matrice”, etc., c’est-à-dire le Système veut la peau de Trump, pour différentes raisons dont nous sommes conduits à penser qu’elles sont toutes gouvernées par cette hystérie maintes fois mentionnée ; et 2) que si Trump veut s’en sortir, il doit nécessairement changer d’attitude, de tactique, et entrer résolument dans le combat, en frappant ceux qu’il doit frapper, en s’affirmant clairement là où il le peut et où il le doit, tracer une ligne droite dans sa politique, abandonner les incohérences, les maladresses, les rodomontades sans suite, les changements d’avis et de cap, – bref, et c’est bien le plus ardu, quitter le domaine de la téléréalité où il excelle. Plus encore, nous dirions que s’il veut s’en sortir, Trump, il doit suivre les conseils du vieux Gorbatchev qui a reçu une visite d’une délégation US il y a trois jours à Moscou, à laquelle il (Gorbatchev) a parlé du danger terrifiant que recèlent les relations internationales, et surtout les relations USA-Russie aujourd’hui, et combien les USA devraient songer aujourd’hui à faire leur perestroïka (et leur glasnost). C’est le sempiternel problème, dont nous parlons depuis presque dix ans de l’“American Gorbatchev...  A cette époque, sur la question de savoir si Obama, sur le point d’être élu, pouvait être cet “American Gorbatchev”, nous répondions : « A une question récente qu’on nous posait, nous situions à 10%-15% la possibilité qu’un Obama devienne un “American Gorbatchev”… Mais le dîner avait été arrosé. Revenons de nos vapeurs et à plus de raison, pour situer cette possibilité entre 1% et 2%. » Avec Trump les pourcentages (1% à 2%) n’ont guère varié... Revenons-en à Publius Tacitus :

« This is going to continue until Trump carries out the equivalent of a public execution. Someone involved in the leaking of these stories must be caught and unmasked. Frankly, this will be another test of the competence of Trump and his team. They have allowed moles to remain in place (I've heard this repeated complaint from an friend in the upper realms of the intel community). People who should have been fired or moved when Trump took over have been allowed to stay. Well, if you don't kill the rats, don't be shocked when they eat your food and defecate in your kitchen.

» The negative news on Trump is not likely to let up. In fact, it will probably intensify as he heads overseas. Rather than being able to focus on international diplomacy, Trump will be distracted, looking back over his shoulder at the flood of leaks surrounding the White House and his Presidency. He had better learn how to build dams or he will drown. »

 

Mis en ligne le 18 mai 2017 à 10H15