L’Europe se déchire, — c’est plutôt douloureux mais c’est complètement nécessaire

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L’Europe se déchire, — c’est plutôt douloureux mais c’est complètement nécessaire


Une semaine importante de plus dans la crise irakienne, qui devient de plus en plus une crise transatlantique majeure, la plus grave depuis la crise des euromissiles en 1979-83 (à notre sens, bien plus grave que celle de 1979-83).

Rappel de quelques faits importants de la semaine :

• l’annonce d’une opposition de la France à la guerre contre l’Irak dans l’état actuel des choses, à l’ONU lundi 20 janvier ;

• l’affirmation du rapprochement franco-allemand fondé sur la nécessité stratégique partagée d’une opposition à la guerre irakienne, à l’occasion de l’anniversaire du Traité de l’Élysée ;

• la mésentente transatlantique et intra-européenne affichée à l’OTAN, mercredi, avec, — c’est une première en la matière — un vote sur la demande d’aide américaine dans le cadre du conflit irakien (non encore déclenché) ; par 15 votes pour contre 4 contre, la demande est renvoyée (il faut l’unanimité à l’OTAN pour une décision du Conseil), et les 4 opposants qui dessinent le “noyau dur” de l’Europe : Allemagne, Belgique, France, Luxembourg (4 des 6 membres fondateurs du Traité de Rome de 1956) ;

• la tension qui augmente entre l’Europe (une partie de l’Europe) et les USA, mercredi-vendredi, avec les commentaires de Rumsfeld sur la « vieille Europe » et tout ce qui suit.

• Que fait Tony Blair ? D’un côté, il est partant à 150% dans la guerre, de l’autre on le dit extrêmement déçu par l’échec de sa conférence de paix sur le Moyen-Orient, dû en bonne partie à l’indifférence complète, méprisante et ainsi de suite, des Américains qui n’ont pas levé le petit doigt ; d’un autre côté encore, on annonce qu’il envisage de relancer une super-coopération avec les Français dans le cadre de la défense européenne. So what ? Rien d’autre que l’inquiétude très forte de Blair de voir cet antagonisme USA-Europe qui l’éloigne d’autant, lui, de l’Europe.

• Ce week-end (25-26 janvier), un article du Washington Post nous apprend que l’on songe plutôt, par contraste avec les bruits de guerre qui se poursuivent, à repousser l’attaque, vers mars par exemple. Parce qu’on n’est pas prêt, que l’opinion publique recule plutôt qu’autre chose, que les alliés rechignent et ainsi de suite.


L’affirmation d’un phénomène, — le différend et la différence Europe-USA — dont les racines remontent loin dans l’histoire, au moins aux années 1920

Que se passe-t-il ? Pas de surprise, en admettant que l’essentiel de ces derniers événements est évidemment l’approfondissement constant et accéléré du gouffre entre Europe et USA. Certains le remarquent ou y contribuent involontairement, comme Solana il y a quelques jours.

Ce qui se passe est l’arrivée à maturation d’un phénomène dont la phase finale remonte à l’attaque du 11 septembre 2001, dans ses effets secondaires qui deviennent les effets essentiels ; dont la phase intermédiaire a commencé à la chute du Mur et à la fin de l’URSS (1989-91) ; dont la phase historique initiale se confond avec le début de l’ère stratégique actuelle, en 1945-48 ; dont la phase originelle remonte à l’entre-deux guerres, lorsque les USA établirent leur hégémonie commerciale et financière, avec des effets extrêmement forts en Europe.

La crise n’est pas inattendue mais c’est sa force qui surprend, et quelque chose qui est comme un caractère d’inéluctabilité. Cela est dû pour l’essentiel, pour ce qui est du conjoncturel, à l’activisme américain, à l’indifférence, à la gratuité des actes de mépris américains vis-à-vis de leurs alliés. La forme, dans ce cas, joue un rôle fondamental. Il y a dans les remarques de Rumsfeld sur la « old europe », d’un côté même pas de quoi fouetter un chat, une réponse à l’emporte-pièce, à peine railleuse ; d’un autre côté, si l’on considère le climat et quand on connaît les arrière-pensées (elles sont transparentes), la remarque est reçue comme d’une désinvolture inouïe et comme un refus dévastateur de la moindre attitude de respect. La servilité générale des Européens vis-à-vis des USA a toujours prospéré sur une entente tacite : au moins, la forme doit être respectée, pour que les politiciens européens qui instrumentent cette servilité puissent régulièrement vendre leur cause à leur électorat, à la saison des élections. (Et parce qu’ils ont, dans le secret des alcôves, disons un reste de dignité.) Rumsfeld ne joue plus ce jeu.

Cette peccadille (de Rumsfeld), en un sens, donne un effet extraordinairement grand pour le discrédit de la cause et de la politique américaines. Les effets d’une intervention comme celle de Rumsfeld constituent, au niveau de la psychologie, un énorme jerrican d’huile jeté sur le feu, — et l’on en cherche en vain la raison, sinon le goût de l’effet gratuit et l’absence complète d’intérêt pour une gestion rationnelle des intérêts américains outre-mer (y a-t-il intérêt plus important que le capital d’influence des USA accumulé en 50 ans ? Mais non, pour Rumsfeld ce n’est rien). Il s’agit d’un effet pervers d’une gravité inouïe mais que l’auteur de la peccadille et ceux qui devraient y prêter attention en priorité semblent totalement ignorer. A cela, on mesure la décadence d’un système d’influence.

Un exemple de cet effet pervers des gesticulations US ? Cette remarque, rapportée par le Guardian du 24 janvier , qui marque combien la logorrhée américaine arrive à susciter les réactions les plus dommageables à la cause américaine, à rassembler dans la cause anti-US ceux-là même qui furent parmi les plus ardents pro-américains pendant 50 ans (dans ce cas, les chrétiens-démocrates bavarois): « By far the strongest response came from the arch-conservative Bavarian Christian Social Union. Its spokesman on European affairs, Bernd Posselt, accused Mr Rumsfeld of ''neo-colonialism''. He added: ''The US has to learn that the European Union is a partner and not a protectorate.'' »

Même chose en France, où c’est la droite, traditionnellement inclinée à beaucoup de retenue vis-à-vis des USA, et même beaucoup plus car elle tient à ses titres de sagesse qu’elle se décerne à elle-même (ce que les autres, les jaloux, désignent comme “la droite la plus bête du monde”), — c’est elle qui a réagi avec le plus de virulence, au travers de déclarations ministérielles diverses et à l’emporte-pièce. («  So heated was the response to Donald Rumsfeld's remarks, particularly and all the more surprisingly on the right, that the French president, Jacques Chirac, appealed for calm. »). Est-ce bien efficace, du point de vue américain, du point de vue de l’influence américaine, de susciter tout cela pour une remarque dont on se serait bien passé ?


Il y a ceux qui, entendant Rumsfeld annoncer la réalité selon Washington, ont cru que le ciel leur tombait sur la tête

L’intervention de Rumsfeld, toujours elle, vue d’un autre observatoire. Elle a eu un effet électrique. Pourtant, répétons-le, pas de quoi fouetter un chat. Rumsfeld a dit ce que tout le monde sait, — ou devrait savoir, non ? (Il a dit que l’Europe est vieille et qu’elle commence à perdre l’habitude d’obéir au doigt et à l’oeil ; qu’il y a un élargissement vers l’Est ; que cette nouvelle Europe-là, la jeune, la moderne, est alignée sans un pli dans les rangs selon les consignes US. Qui ignore tout cela ?) Sur le fait de la vieillesse, le porte-parole de l’Élysée a répondu justement, avec une légèreté de bon aloi, en parlant du bon sens et de l’expérience des vieux ; ce que Rumsfeld, tout aussi léger avec ses 70 ans, ne contestera pas (il le met ironiquement en évidence lui-même, car il ne manque pas d’humour, lorsqu’il fait dire à son porte-parole pour essayer de rectifier le tir : « At his age, the secretary considers 'old' a term of endearment. »)

Mais il y a les plus graves, les dramatiques, ceux qui ont l’impression que le monde leur tombe sur la tête. Ce sont les Européens classiquement “ouverts”, libéraux, qui se disent humanistes et ainsi de suite ; les Européens qui y croient, selon la formule confortable de l’“Europe (presque-) puissance complètement amie avec les US, mais à égalité”. Ce sont les Européens qui sont devenus Européens après la guerre, à l’ombre des Pères Fondateurs et du Plan Marshall, quand l’avenir et la modernité ne pouvaient être qu’américains, quand on rêvait de faire les “États-Unis d’Europe” comme une réplique des USA, dans tous les sens de l’idée ; ces Européens voient évidemment l’Europe comme une entité indépendante, autonome, affirmée, vertueuse en un mot et, en même temps, totalement amie des USA, partageant les mêmes préoccupations, les mêmes valeurs, les mêmes émotions, suivant la même politique et ainsi de suite, quasiment un clone des USA qui serait en même temps quelque chose de complètement original et d’autonome. Ce sont les Européens atlantistes. Ces atlantisto-européens sont en plein désarroi.

Le Monde est de ceux-là, d’où son édito funèbre du 24 janvier, sur « Ce “vieux Rumsfeld” ». Au contraire des autres réactions, pas la moindre ironie, aucune légèreté ; c’est plutôt la veillée mortuaire. Il faut dire que Le Monde est de ceux qui affichèrent avec enthousiasme l’idée très surréaliste, du point de vue de la réalité stratégique et de la substance politique, — l’idée que ce jour où les forces de l’OTAN, conduites et manipulées par les Américains, entrèrent au Kosovo est un jour de triomphe pour l’Europe, pratiquement le jour annonçant que l’Europe existe, qu’elle est née ce jour-là.

Pour ceux-là, voici ce qu’écrit Le Monde :


« Ce n'est pas que l'Allemagne ou la France manquent d'énergie ou d'ambition pour l'Europe – bien au contraire. C'est plutôt que leur conception de l'Europe devient minoritaire au sein de l'Union. Le fait est peut-être déplaisant à entendre, mais il est, pour l'heure, incontournable : les pays de l'Est européen dont le sommet de Copenhague vient d'entériner l'adhésion à l'Union sont massivement disposés à suivre mécaniquement le leadership américain en matière de défense et de politique étrangère. Ils n'ont pas l'ambition de construire une Europe qui aurait, sur la scène internationale, une identité politique singulière. Encore traumatisés par les années passées sous le joug soviétique, ils ne font confiance qu'à une puissance pour garantir leur sécurité : les Etats-Unis. Ils sont plus attachés au maintien d'un lien transatlantique fort qu'à l'avènement d'une Europe puissance chère à l'Allemagne et à la France.

» Un grand marché unique, à l'abri de l'OTAN. Telle est la conception de l'Union que l'on se fait à Prague, Varsovie, Budapest, par exemple. Les Etats-Unis s'en accommodent très bien : c'est la leur. Aujourd'hui, la Hongrie accueille 3 000 opposants irakiens formés par les Etats-Unis pour être les agents de liaison de l'armée américaine en cas de guerre contre l'Irak. Et à peine les ronéos avaient-elles sorti le communiqué de Copenhague que Varsovie annonçait son choix du F-16 pour équiper les forces aériennes polonaises.

» Le New York Times citait hier, dans un ordre précis, la nouvelle grille des alliés européens de l'Amérique selon la Maison Blanche de George W. Bush. En tête de liste figuraient la Grande-Bretagne, la Pologne et l'Espagne (celle de José Maria Aznar). Il se peut que M. Rumsfeld n'ait pas tout à fait raison quand il relève que ''le centre de gravité'' de l'Europe se déplace vers l'est. Il se peut qu'il aille plutôt au nord, en direction des neutres, du bloc scandinave, emporté dans le sillage d'une Allemagne unifiée, avec, au bout du compte, une forte tentation pacifiste, guère plus rassurante.

» Mais ce que révèlent encore les propos de M. Rumsfeld, c'est l'incapacité de l'Amérique à tolérer un allié indépendant qui s'appellerait l'Europe. Ils manifestent aussi, hélas, l'incapacité de cette Europe à avoir une position commune sur l'Irak, autour d'un principe : pas de guerre sans avoir prouvé la réalité du danger irakien et la priorité à lui accorder. »


Cet article est stupéfiant à bien des égards. Ces gens, journalistes professionnels, ces vieux routiers de l’info et des couloirs des réunions, — ces gens croient-ils vraiment à une idée pareille : « C'est plutôt que leur conception de l'Europe devient minoritaire au sein de l'Union » ? (c’est-à-dire : la conception de l'Europe de la France et de l’Allemagne), —

• Croient-ils que l’Allemagne et la France ont la même conception de l’Europe ?

• Croient-ils que, dans les Conseils européens, à part un pelé et deux tondus évidemment marginalisés, on assiste à des débats d’idées, de conceptions, et que tantôt l’une est majoritaire, et puis que c’est l’autre qui le devient ?

• Croient-ils que cela existe, cela : une majorité selon une conception, au sein des débats européens ?

En d’autres mots : ignorent-ils ce qu’est l’Europe communautaire ? Un tourbillon, une confusion de petits calculs, de batailles d’influence sans grandeur, de petits intérêts aveugles, d’ignorance complète des enjeux, ce qui est à peu près l’exact reflet de la situation dans au moins à peu près tous les pays sur les 15 de l’UE, sauf peut-être un, voire 2 ou 3 au maximum, dans les temps de grande crise. Là-dessus, dans ce désordre majoritaire, il existe quelques points de conviction nationaux qui ne doivent rien aux débats de salons germanopratins. Le plus solide, et de très, très loin, c’est la conviction française ; peut-être peut-on y ajouter la conviction britannique, par instants ; puis, par éclairs, la conviction de l’un ou l’autre (les Belges, par exemple, en ont une aujourd’hui). Le reste, y compris les Allemands, en fait de conviction, nos journalistes professionnels devraient savoir qu’il n’y en a point et qu’on vire-volte entre la vanité européenne et l’alignement sur Washington, les nécessités électorales et les pressions états-uniennes.

Depuis un demi-siècle, un seul pays, quand il est en forme ou que les événements le favorisent, bouscule et emporte tous les autres et forcent les événements selon la puissance affirmée de ses convictions, et c’est la France, — seul pays à avoir une conviction européenne réelle, une conviction d’“Europe-puissance”. Alors, nous n’avons pas besoin d’attendre les pays de l’Est pour voir une majorité théorique pro-US, puisqu’elle existe déjà ; et, comme toujours, et encore plus avec des pays qui ont la corruption si facile (et nous parlons de la corruption psychologique à laquelle sont si sensibles ceux qui n’ont nulle conviction), cette certitude et cette majorité théorique se fonderont ou pas selon la violence qui leur sera faite, et comment. C’est de cette façon que marche l’Europe.

Quant à la découverte, dans l’édito du Monde, de « l'incapacité de l'Amérique à tolérer un allié indépendant qui s'appellerait l'Europe », elle est également stupéfiante par la vertu d’aveuglement qu’elle suppose de ne pas l’avoir vue avant, si c’est le cas ; elle est intéressante par les involontaires vérités qu’elle découvre, car “incapacité” (des US à «  tolérer un allié indépendant ») est bien le mot qui convient : comme une impuissance, comme une maladie, et c’est là le plus grave. Les USA, dans tous les cas Washington et la bande qui conduit l’oligarchie en place, ne peuvent, encore plus psychologiquement qu’intellectuellement, concevoir un mot comme “indépendance”, comme “autonomie”, qui soit appliqué à d’autres qu’eux-mêmes. Cela règle notre affaire des choix qui reste à l’Europe : exister ou ne pas exister, et on voit par quels moyens et selon quels choix.


La réputation désormais faite aux “nouveaux” Européens venus de l’Est  : des traîtres avant même d’avoir trahi

Quant aux “petits nouveaux” venus de l’Est, qui piaffent d’impatience de trahir paraît-il, ils n’imaginent pas une seconde le cadeau empoisonné qui leur est fait : la méfiance universelle.

Nous ne considérons pas une seconde que l’arrivée des 10 (les nouveaux de l’Est) soit une catastrophe qui va faire basculer l’Europe dans le camp US. L’Europe est dans le camp US jusqu’au cou, depuis longtemps comme chacun sait, et ces derniers temps pas moins, jusqu’aux remous des derniers jours. (Comme on sait, Michel Jobert entra dans un conseil atlantique en 1974 et dit à ses amis européens qui venaient de capituler une fois de plus : « Bonjour les traîtres. ») L’arrivée des 10 révèle la chose, une sorte de “roi est nu” à l’échelle transatlantique.

Avant d’être entrés, les malheureux 10 sont déjà l’objet de tous les soupçons du monde et ils portent, sans avoir fauté plus que d’autres, l’étiquette “traître” sur le front. Jamais une commande de F-16 (pourtant, les Ouest-Européens ne se privent pas de ce genre de sport) n’a été commentée officieusement avec autant d’acrimonie que celle qui vient d’être passée par la Pologne.

L’arrivée prochaine des 10 lance diverses initiatives pour trouver des formules de travail “à la majorité renforcée”, repliée sur un “noyau dur”, etc. Bref, ils ne sont pas encore là que, déjà, on forge des structures d’où ils seront évidemment exclus, et où l’on compte bien aller de l’avant. (Est-ce impossible ? Une Europe de la défense sans le Danemark, le Portugal, l’Espagne, etc, est-ce tellement grave ? [D’autant que les Britanniques nous réserveraient peut-être quelques surprises, comme d’habitude].)

Bref, l’Europe qui se prépare eut-elle été possible sans les 10 qui arrivent ?


Notre conclusion qu’on devine, — laissée à deux commentateurs non-Européens

D’où notre réaction finale, — car dans ce champ de ruine, cette pulvérisation des illusions et des croyances, cette mise à nu des liens de sujétion, des chaînes, de l’asservissement et de la corruption des esprits, apparaît ce fait simple et singulier que la situation devient insupportable. D’où la révolte de quelques pays. (Non pas les seules France et Allemagne ; il faut y ajouter la Belgique et, sans doute, le Luxembourg, ce qui n’est pas si négligeable,— outre la décence et la logique démocratiques, il y a une grande importance politique dans cette présence.

En fait, conclusion qu’on devine... Conclusion qu’on laisse à deux observateurs extérieurs, chacun avec leurs nuances.

• L’institut d’analyse Stratfor, dans son War Diary du 23 janvier 2003  :


« U.S. Defense Secretary Donald Rumsfeld on Wednesday lashed back at the Paris announcement in a press conference, saying, ''Germany has been a problem, and France has been a problem. But you look at vast numbers of other countries in Europe. They're not with France and Germany on this. They're with the United States.'' Rumsfeld went on to say that France and Germany represented ''old Europe,'' and the center of gravity in NATO and Europe was shifting to the east.

» This is big. The post-World War II alliance structure is crumbling fast.

» Leaving no doubt that the two countries are of one mind, Germany and France on Tuesday also announced plans to hold joint cabinet meetings and establish dual citizenship. Clearly, the calculation in Paris and Berlin is that Washington will attack Iraq, without U.N. sanction and at odds with much of the world. With any luck, in their view, the war will go poorly for the United States, and perhaps teach Washington a little lesson on the value of coalitions. Regardless, the two countries see a post-war world in which the United States remains the sole superpower, the United Nations is discredited as the leading agent for multilateral opposition to U.S. action, and a vast sea of embittered and threatened countries look for some means of resisting U.S. pressure.

» France and Germany apparently propose to form the core of a new multilateral opposition to U.S. dominance. Russia, tied closely to the European economy and threatened by U.S. deployments to the south and west, seems interested in joining. China could be interested as well. Iran would join, and perhaps others. »


• l’analyste Pepe Escobar, du site atimes.com, dans un texte du 26 janvier.


« The extremely cordial get-together between French President Jacques Chirac and German Chancellor Gerhard Schroeder in Versailles — and a day later in Berlin, as part of the 40th anniversary of the Elysee Treaty solidifying Franco-German peace — may and will have enormous ramifications. It could mean the real engine of Europe now thinks and acts independently from the US. And it could demonstrate what in fact is the practical irrelevance of NATO. Conservative, scandal-tainted Chirac and social democrat Schroeder took at least four years to find a common ground and a smooth modus operandi. Washington hawks' obsession with Iraq finally did the trick for them. »