Les Russes en Syrie sont excellents, dit le Pentagone

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Les Russes en Syrie sont excellents, dit le Pentagone

Surprise, surprise ... Une de plus, après les déclarations de Obama, du 2 octobre et du 1er décembre, selon lesquelles les Russes rencontraient énormément de difficultés en Syrie, obtenaient des résultats médiocres à des coûts élevés, et s’enfonçaient dans un nouvel Afghanistan. (Celui de 1980 bien entendu, pas celui de 2001 pour les USA, dont on sait quel succès opérationnel il a constitué et continue de constituer.) Reuters a diffusé, le 28 décembre, une analyse générale fondée sur des interviews avec divers analystes du Pentagone, d’où il se déduit : 1) que la campagne russe en Syrie, après trois mois d’opérations, donne d’excellents résultats, avec notamment celui de stabiliser le régime Assad qui était fortement menacé cet été ; 2) que cette campagne est peu coûteuse (entre $1 et $2 milliards pour un an) et peut aisément être poursuivie sans problème pour le budget de la Fédération de Russie.

Les analystes admettent que l’engagement russe a en plus l’avantage d’être extrêmement souple et léger en termes de matériels et de forces, avec une infrastructure également réduite (les bases de Tartus et Lattaquié), ce qui dénote un excellent rendement, des matériels et des forces de très grande qualité, une très grande capacité d’adaptation et enfin une coordination particulièrement féconde avec les forces terrestres (syriennes dans ce cas, éventuellement kurdes) qu’ils viennent renforcer et soutenir. Un avantage supplémentaire est vu dans le fait que les Russes peuvent expérimenter dans des conditions de combat des matériels nouveaux, et démontrent leurs capacités opérationnelles immédiatement disponibles (qualités rarement rencontrées dans les matériels US). Le jugement général est que les Russes savaient ce qu’ils faisaient en s’engageant, et qu’ils y étaient préparés d’une façon qui leur rapporterait indiscutablement des bénéfices, ce qui montre une capacité prévisionnelle excellente. (« The Russians didn't go blindly into this," said the U.S. intelligence official, adding that they “are getting some benefit out of the cost.” »)

Pour tout de même expliquer la différence complète d’évaluation par rapport aux déclarations d’Obama, les analystes du Pentagone sont conduits à des arguments sans guère de sens par rapport à la situation de politique générale telle qu’elle est évaluée et conduite aujourd’hui : "[T]he president’s point has been...it's not going to succeed in the long run, [...] The Russians have become bound up in a civil war in a way that's going to be extremely difficult to extricate themselves from... » Obama n’a jamais avancé cette condition, mais admettons qu’il l’ait fait ; il s’avère qu’il est alors complètement hors de propos puisque l’intervention russe a pour but d’abord de stabiliser le régime Assad aux dépens de ses adversaires pour lui permettre de figurer à une place centrale dans les négociations pour un arrangement politique de la situation ; c’est-à-dire qu’elle a pour but, et qu’elle y réussit selon les analystes du Pentagone, de faire cesser ce conflit précis qui menace le régime Assad et nullement de s’engager dans une “guerre civile” qui n’existe pas puisqu’il s’agit plutôt d’une guerre hybride/asymétrique alimentée par des agressions extérieures dans tous les sens et elles-mêmes concurrentes, et enfin qui sont elles-mêmes soumises, désormais, à leurs propres déstabilisations internes (la Turquie). Mais on peut pardonner aux analystes du Pentagone leur explication poussive dans la mesure où ils sont évidemment confrontés à un récit très particulier, sans rapport avec la vérité-de-situation, qui émane de la “bulle”/narrative de la Maison-Blanche dont le principal objectif est de mettre en valeur les qualités oratoires du président.

Antiwar.com résume justement cette analyse dans un commentaire de Jason Ditz, le 29 décembre : « While Obama Administration officials initially were outspoken about predicting a quick, disastrous failure for the Russian war against ISIS in Syria, US officials are now saying their assessment is that Russia is achieving its goals in the conflict. This is an incredible admission for US officials, even if given anonymously, as Russia’s only been engaged in the war for three months. Administration officials now believe the Assad government is in a “indisputable” safer position because of Russia’s involvement.

» Beyond that, the officials say, Russia is keeping the costs of their military involvement relatively low, and it likely can be sustained indefinitely at a cost of $1-$2 billion annually. With minimal casualties, Russia could keep this going a long time. The officials also say they believe Russia’s involvement was designed in part to allow them to test new weapons in battlefield conditions, and that this means the military is seeing “benefits” from the conflict for the cost. »

Les constats que font ces analystes du Pentagone sont propres à soulever des problèmes considérables au sein de la communauté de sécurité nationale US, dans la mesure où ils conduisent à des considérations extrêmement inquiétantes pour les capacités US. En effet, les USA ont multiplié depuis quinze ans les engagements massifs, avec infiniment plus d’hommes, de matériels, à des coûts infiniment plus élevés que ne le font les Russes, et ne sont jamais parvenus à des résultats tels que ceux qu’obtiennent les Russes au vu de leurs premiers trois mois d’engagement.

Si ces considérations devaient être transcrites en analyses de fond, cela devrait moins signifier pour les USA que les forces armées russes sont d’un niveau exceptionnel sinon “miraculeux” et emploient les méthodes adéquates, que le constat que leur propre énorme puissance militaire est totalement inadaptée à toutes les sortes de conflits que recèle cette époque. Nous voulons dire par là que le véritable enseignement pour les USA devrait être que leur propre puissance militaire est dans une crise si profonde qu’elle est proche d’un véritable effondrement des capacités, tandis que les Russes ont certes opéré un redressement magistral par rapport à leur situation de 1990, mais qu’ils ne constituent pas pour autant un cas unique et inatteignable. Les Russes tiennent compte des conditions opérationnelles réelles, des conditions culturelles et humaines, et font ce qu’il faut pour s’y adapter, en employant des technologies elles-mêmes adaptées aux conditions opérationnelles. Les système américaniste, lui, est totalement incapable d’une telle sorte d’effort parce qu’il part du pré-supposé que son exceptionnalisme rend futile et grotesque tout effort d’adaptation à l’autre, et à d’autres conditions opérationnelles que celles qu’il a déterminées en fonction de ce qu’il estime être la situation du monde à l’image de son propre exceptionnalisme. Son travail principal, aujourd’hui, est d’arriver à convaincre les conditions opérationnelles générales du monde de s’adapter à un système d’arme catastrophique (le JSF/F-35) sans songer un instant que la catastrophe se trouve du côté de la conception et de la réalisation, à un coût qui permettrait aux Russes de tenir de deux à trois siècles en Syrie, de ce système d’arme.

Pendant que les Russes font ce qu’ils font en Syrie, les USA initient un grand exercice d’intégration entre le F-22, le Typhoon et le Rafale dont on voit mal l’utilité, sinon l’affirmation de communication d’une fausse intégration “atlantiste” de ces trois forces aériennes, pour des conflits hypothétiques dont nul ne sait comment, quand et avec qui ils se produiront. Par ailleurs, on sait bien ce que vaut cette sorte d’“intégration” dans un environnement qui se veut otanien, donc atlantiste et américaniste, comme on l’a vu lors du conflit libyen en 2011, où les pilotes français préféraient utiliser leur propre soutien national de renseignement et d’identification des cibles offert par les capacités françaises en place, d’ailleurs largement suffisantes, plutôt que le soutien US fait d’énormes moyens mais d’une telle lourdeur et d’une telle lenteur qu’elles étaient d’un usage opérationnel nul puisque les renseignements parvenaient après que les missions aient été effectuées.

 

Mis en ligne le 29 décembre 2015 à 13H41 

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