L’économie selon Donald Tusk

Brèves de crise

   Forum

Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 762

L’économie selon Donald Tusk

Si l’on s’attache aux “Remarques par le président Tusk après la première session de travail de la rencontre du Conseil européen” (hier), selon l’intitulé du communiqué, on lit ces passages qui font l’essentiel du texte ... Le matin, il y fut question de la sécurité énergétique ; l’après-midi, il y fut question des sanctions économiques contre la Russie, qui furent prolongées comme on le sait, dans un élan d’unanimité qui en dit long sur bien des choses, notamment sur la psychologie de nos dirigeants. Voici deux paragraphes du texte de Tusk avec les passages soulignés en gras, qui nous fournissent le matériel pour nos remarques.

«...Much of our discussion this time focused on energy security. The European Union depends more and more on gas from external suppliers. Where gas is imported from different sources and contracts are flexible, things are fine. But most bilateral contracts with our dominant supplier, Russia, are concluded on a long term basis, sometimes more than 20 years. That can be unhealthy. Both for our security, and for our market. Gas contracts should be about the economy, about business. They should not be used as political weapons. [...]

»This evening, we discussed Ukraine and Russia. Leaders decided to align our sanctions regime to the implementation of the Minsk agreements brokered by Chancellor Merkel and President Hollande. The European Council agreed that the duration of economic sanctions will be clearly linked to the complete implementation of the Minsk agreements, bearing in mind that this is only foreseen by the end of 2015. Additionally, the European Council stands ready to take further decisions if necessary.»

Le premier souligné en gras nous précise donc, en un français que nous espérons bon : «Mais nombre de contrats bilatéraux avec notre partenaire principal (*), la Russie, sont conclus sur la base du long terme, parfois plus de vingt ans. Cela peut être malsain. A la fois pour notre sécurité, et pour les marchés. Les contrats gaziers devraient concerner l’économie, le business. Ils ne devraient pas être utilisés comme des armes politiques.» (* Nous avons traduit dominant par “principal“, ce qui, en bonne traduction, et dictionnaire Collins-Robert consulté, nous paraît mieux convenir que “dominant”, avec une connotation admise de “dominateur” qui rend un son parfois politique alors que Mr. Tusk nous assure que nous parlons économie et rien qu’économie. Mis au fait des choses, sans doute sera-t-il sensible à la nuance.) Le second souligné gras nous précise, lui, que «[L]e Conseil Européens que la durée des sanctions économiques sera clairement lié à la complète application des accords de Minsk...»

Ce que nous trouvons singulier, dans l’esprit de la chose, et pour résumer l’esprit des deux choses impliquées, c’est que, dans le premier cas, il nous est dit qu’il est absolument hors de question que les matières économiques (les contrats gaziers avec la Russie) soient liées en quelque façon que ce soit à des matières politiques, y compris au travers de la durée de ces contrats. Dans le second cas, il nous est dit qu’il est absolument hors de question que les matières économiques (les sanctions contre la Russie portant sur des matières économiques) ne soient pas liées à un processus politique parfaitement identifié comme tel.

Cela signifie-t-il donc que la matière économique change de substance (ne parlons pas d’essence) selon qu’elle va dans la direction Russie-UE ou dans la direction UE-Russie ? Cela signifie-t-il donc que le langage change de sens selon qu’il s’applique à la direction Russie-UE ou à la direction UE-Russie ? Cela signifie-t-il que la sécurité et le marché se satisfont d’une substance et d’un sens diamétralement opposés selon qu’il s’agit de la direction Russie-UE ou de la direction UE-Russie ? Cela signifie-t-il qu’il existe deux mondes parallèles qui ne se rencontrent jamais mais qui satisfont entièrement deux parties distinctes et hermétiquement cloisonnées du cerveau de Mr. Tusk (et tant d’autres puisque personne n’a trouve quoi que ce soit à redire à ce texte) selon qu’il s’agit de la direction Russie-UE ou de la direction UE-Russie ? La réponse est incontestablement positive à toutes ces questions.


Mis en ligne le 20 mars 2015 à 17H11