Le cadeau de DEBKAFiles à Sarkozy

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Le cadeau de DEBKAFiles à Sarkozy

Une des seules vérités assurées de la crise haute, au Moyen-Orient, c’est la haine de Netanyahou pour Obama. L’intensité et la constance de ce sentiment passe tous les autres, y compris tout ce qui peut être élaboré, dans l’arène morale et psychologique internationale, à l’encontre d’un Assad aujourd’hui comme d’un Kadhafi hier, ou à l’encontre des Iraniens en général, tout cela dans le cadre civilisé des directions politiques des pays du bloc BAO. On retrouve la virulence extrême du sentiment de l’homme à la psychologie exacerbée dans l’hystérie permanente du messianisme, – notamment, selon l’ancien chef du Shin Bet, Diskin (voir le 7 mai 2012).

Obama est haï par Netanyahou parce qu’il s’obstine à interférer dans les projets d’attaque de l’Iran du même Netanyahou. Sans doute cette haine est-elle exacerbée par l’habileté dans la spéciosité de l’argument nécessairement fabriqué pour chaque occasion et la sinuosité dans les fausses promesses du président Obama. (Ne parlons pas d’autres facteurs plus primaires, tenant aux aspects extérieurs, comme la couleur de la peau, qui pourraient parfois pénétrer le cuir épais et exclusiviste, sinon suprématiste, de Netanyahou.) Quoi qu’il en soit, cette haine de Netanyahou pour Obama a essaimé jusqu’à la publication de DEBKAFiles, qui en fait un de ses axes centraux de référence pour juger de la politique US et des relations entre les USA et Israël. C’est, à notre sens, d’abord pour cette raison que DEBKAFiles publie, le 30 mai 2012, une bien étrange et somme toute remarquable analyse qui présente des “révélations“ sur un projet d’attaque aérienne contre le palais présidentiel d’Assad, de concert entre les Saoudiens et les Français (et les Émirats Arabes Unis, semble-t-il). Ainsi arrivons-nous à notre sujet, – ecce homo, l’ex-président Sarkozy…

En effet, l’affaire se serait située principalement en avril, et même jusqu’au tout début mai selon DEBKAFiles, avec les Saoudiens et le Français Sarkozy faisant le siège d’Obama pour avoir son soutien opérationnel. L’idée était donc d’attaquer et de détruire le palais présidentiel, de tuer Assad et sa famille, ses plus proches collaborateurs, de détruire certaines infrastructures fondamentales de coordination des forces gouvernementales syriennes. Les Français auraient engagé l’aviation embarquée du porte-avions Charles-de-Gaulle (le général doit exulter…). DEBKAFiles donne ces précisions sur les démarches entreprises et les aspects techniques de l’attaque, le tout étant basé sur l’argument politique que la situation en Syrie étant désormais bloquée à l’avantage d’Assad il fallait un coup de force et un coup de main...

«This plan was presented to President Obama separately by Nicolas Sarkozy before he was voted out of office and Saudi Defense Minister Prince Salman, who arrived at the White House on April 12 for a personal presentation. The prince maintained that there is no end in sight for the Syrian conflict; it would only spread and ignite the rest of the Middle East. The peril could only be rooted out at source by a single, sharp military strike that would remove Assad and his close clan for good. This would be the only acceptable kind of Western-Arab armed intervention in Syria and it had the added advantage of being effective without bringing foreign boots to Syrian soil.

»In early May, Sarkozy was still trying to talk Obama around to the plan. He spent his last days in the Elysée Palace in long telephone conversations with the White House in which he drove home three points:

»1. Because Assad has concentrated his family, top military command and intelligence chiefs at a single nerve center behind the fortified walls of the Qassioun Palace, the snake’s head can feasibly be cut off at one stroke. 
The case of Libya’s Muammar Qaddafi was different because, unlike Assad, he never stayed long in one place and was constantly on the move.

»2. Once that nerve center is destroyed, Syrian army and intelligence would be bereft of their sources of command. Their troops may remain in their bases and wait for news, while their officers may use the sudden political vacuum in Damascus to try and seize power. In either case, the Syrian military would be free of its orders to crush the anti-Assad revolt.

»3. The French, Saudi and UAE air forces lack a central command center capable of coordinating a major combined air operation and therefore depend on the United States to provide this essential component. American military input is also vital for paralyzing Syria’s air defenses by applying its cyber warfare capabilities to disrupt the radar systems of Syria’s anti-air missile batteries.»

La réaction d’Obama est ainsi décrite par DEBKAFiles, d’une façon complètement venimeuse, rencontrant de cette façon le principal but de l’analyse qui est d’accentuer le discrédit du président US, du point de vue israélien, Netanyahou-style, et des amis américanistes du même bord : «Our Washington sources report that Obama consistently resisted repeated French and Saudi efforts to jump aboard their initiative. The Saudi defense minister at one point in their conversation told the US president harshly that it was time for the Americans to stop talking and start acting. But Obama remained unmoved...»

…C’est une bien curieuse affaire, sur le crédit de laquelle il est impossible de se prononcer, mais qui concerne d’autre part cette sorte de projets que certains ont soupçonné Sarkozy d’envisager, notamment pour sauver sa campagne présidentielle en introduisant un élément dramatique du type “tout ou rien”. De ce point de vue de la situation intérieure française, comme du point de vue de la psychologie du personnage, on ne trouve aucun argument péremptoire pour écarter l’hypothèse que cette affaire ait été vraiment envisagée. Du point de vue de la “politique extérieure” (est-ce la bonne expression ?) de Sarkozy, c’est à peu près le même jugement ; tant pour ce qui concerne son acharnement extraordinaire dans ce type de politique agressive et interventionniste dont il avait cru découvrir qu’elle lui donnait, en plus, une stature d’homme d’État et de chef de guerre, et à fort bon compte pour son compte, c’est-à-dire des morts et des morts, des destructions diverses, le chaos dans une région, etc., mais enrobés dans le vernis rutilant des “valeurs” type-BHL ; tant pour ce qui concerne sa méthode de gouvernement qui, dans certains cas, était de ramener à lui tous les pouvoirs pour exercer effectivement une politique complètement personnelle, ce qu’on pourrait qualifier de “politique d’aventurier” ou de “politique de bande”, complètement illégitime, complètement illégale et conforme après tout aux impulsions du Système.

Il y a des côtés plus douteux dans cette affaire nuisant éventuellement à son crédit, ou alors des faiblesses de la part des promoteurs, portant notamment sur la facilité avec laquelle on expédie la question de la neutralisation des défense aériennes et anti-aériennes des Syriens. DEBKAFiles lui-même n’a pas été avare de détails sur les capacités de cette défense, essentiellement mise en place et conduite par les Russes, comme nous le notions le 8 mars 2012, justement en faisant notamment référence à DEBKAFiles. Si le projet exista effectivement, l’avis des généraux a du peser son poids dans la réaction d’Obama, tandis qu’il n’est nullement assuré que Sarkozy se soit embarrassé de telles contingences.

Bref, l’analyse de DEBKAFiles, par ailleurs évidemment éclairante sur ce qu’elle nous dit de la vindicte de Netanyahou contre Obama, est à classer, selon sa véracité et dans l’hypothèse de la plus grande improbabilité, au moins sous la rubrique “Si non è vero, è ben trovato”…


Mis en ligne le 31 mai 2012 à 14H57