La peur du terrorisme est en train de “gagner la guerre” du terrorisme, — une drôle d’évolution pour une “drôle de guerre”

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La peur du terrorisme est en train de “gagner la guerre” du terrorisme, — une drôle d’évolution pour une “drôle de guerre”


De façon assez brutale et peut-être significative, la perspective d’une attaque terroriste (aux USA essentiellement), voire de ce que certains s’avancent à nommer une “victoire d’Al Qaïda”, est en train de devenir un élément de la situation internationale. Il s’agit là d’une conséquence de la dramatique situation, pour les Américains, en Irak ; c’est un signe que cette déroute d’une guerre qui n’avait au départ aucun lien avec le terrorisme malgré les constructions virtualistes de l’équipe GW Bush, finit par s’inscrire dans le schéma de la crise générale dont on nous dit qu’elle a tout à voir avec le terrorisme (virtualisme au second, ou au nième degré) ; c’est un signe, également, que la déroute irakienne des USA n’en restera pas là, — au simple échec dans ce pays, — et qu’elle aura des répercussions internationales et, surtout, nationales aux USA. C’est, enfin, un signe que la campagne électorale aux USA est plus que jamais placée devant une perspective inconnue et sans précédent.

Lorsque des experts asiatiques annoncent que Al Qaïda est en train de gagner la guerre contre la terreur, ils veulent signifier surtout que les USA sont en train de la perdre. C’est plus significatif et plus facile à comprendre, et à expliquer d’ailleurs, parce que les USA existent bel et bien, tandis que la forme de l’existence d’Al Qaïda, son éventuel état présent, etc, sont des facteurs extrêmement incertains. D’ailleurs, ces experts insistent plus sur les fautes des Américains que sur une prétendue stratégie et/ou tactique des terroristes d’Al Qaïda, qu’il serait bien malaisé de définir. (Les experts « were speaking at a three-day Asia-Pacific Roundtable on security organised by Malaysia's Institute of Strategic and International Studies (ISIS) »)


« The director of Singapore's Institute of Defence and Strategic Studies, Barry Desker, said al-Qaeda remained resilient and the use of force could not eliminate terror threats.

» “The response cannot be a military one. This is fundamentally a US error,” he said, adding that the US-led war on Iraq and subsequent occupation had driven Islamic militants to wage jihad, or holy war, against Washington.

» “Iraq is seen as the epicentre of jihad,” he said, adding that al-Qaeda was propagating the view that the US occupation was the manifestation of an evil scheme to dissolve Islamic identity.

» Noordin Sopiee, Malaysia's ISIS chairman, said the world was losing the war on terror because “we have expanded the sea of hatred and expanded the reservoir of deep-seated rage (in the Muslim world).” »


Cette impression générale d’une défaite américaine liée à une campagne irakienne qui n’avait au départ aucun lien concret avec le terrorisme, comme l’ont répété sans cesse les adversaires de la guerre, montre la volatilité de l’appréciation de ce “conflit” contre le terrorisme, sa dépendance de facteurs complètement irrationnels par rapport à (ou par absence de rapports avec) la réalité, tels notamment les courants d’interprétation virtualistes et médiatiques. La conséquence de cette situation est évidemment une très grande incertitude psychologique et une variabilité considérable du jugement qui n’est appuyé sur aucune certitude concrète. D’où, encore, la vulnérabilité de ce jugement à des courants généraux d’appréciation qui ne reflètent pas nécessairement la soi-disant réalité observable. D’où, d’ailleurs, cette question : qu’est-ce que la “réalité observable” ? Et la “réalité”, d’ailleurs ?


Une guerre qui est prioritairement, peut-être exclusivement psychologique, — comme nous l’avons voulue, en fait

Chaque jour montre que cette “guerre” est psychologique en substance, c’est-à-dire que les faits n’ont plus aucune valeur décisive ni aucune réalité historique, sinon du point de vue de l’effet sur la psychologie. La réalité le cède complètement à la perception, avec toutes les manipulations qui vont avec. L’historien britannique John Keegan a beau s’époumoner pour rappeler que tout après-guerre est chaotique, — alors, s’inquiète-t-il avec une fièvre significative, pourquoi émettre un jugement catastrophique sur l’Irak ? Parce que la guerre irakienne n’est devenue une “vraie guerre” que dans l’après-guerre et que les Américains avaient fait les choses en sorte que la guerre ne pouvait être que triomphale et rapidement expédiée pour être la victoire annoncée, — sans quoi c’est une “défaite”, et pire que le Viet-nâm, n’en déplaise à l’historien Keegan.

Il faut évidemment rappeler, pour bien saisir le sens de la situation, que les Américains ont voulu, plus encore que les mystérieux réseaux d’Al Qaïda dont on ne sait ni la couleur ni la réalité, la dimension psychologique de cette guerre. C’est eux qui ont installé la dimension psychologique du conflit qui va jusqu’à l’ivresse, qui va effectivement jusqu’à conduire à penser que cette guerre n’a plus aucune réalité décisive que psychologique. Ainsi sont-ils en train de perdre la guerre qu’ils ont voulue eux-mêmes, qui est la guerre psychologique et la guerre de la représentation virtualiste. Dans cette guerre-là, le conflit irakien devait être un triomphe et ce triomphe devait porter un coup fatal au terrorisme, tout cela en aussi peu de temps qu’il faut pour lire un article de Richard Perle. Le contraire se produit, et même si ce n’est pas inattendu ni dramatique au regard de l’Histoire ce l’est au regard des références virtualistes qui nous ont été imposées. Les Américains ont la guerre qu’ils ont voulue et celle-là, ils sont en train de la perdre.

Les répercussions au niveau interne américain sont considérables. L’hypothèse d’une attaque terroriste (contre les USA) est maintenant un facteur “objectif” de la campagne électorale, ou, disons, une perception psychologique avec nombre d’arrière-pensées politiques et idéologiques qui a été objectivée” par l’abondance du commentaire et du débat.


On calcule les cibles et les armes de l’attaque : pourquoi pas Houston, Texas, avec une “bombe sale” ?

Désormais, les analystes stratégiques discutent, non plus de cette possibilité d’attaque mais à propos de la cible probable de cette attaque. Ainsi, l’institut d’analyse Stratfor, basé au Texas, prévoit la probabilité la plus grande pour une attaque contre Houston, Texas. Stratfor estime que cette attaque a la plus grande chance de se faire à l’aide d’une “bombe sale”. Stratfor s’explique en un langage impressionnant de rationalité.


« The timing for an attack within the United States is nearly perfect: while Americans are engrossed with Iraq, presidential politics and the rising price of oil. Logic dictates that cells are in place and awaiting a signal to act; as in the recent attack in the Saudi city of Yanbu, operatives could have had time to infiltrate the potential target, observing the lay of the land and the routines of security forces.

» Although Stratfor believes that strikes could be carried out against multiple targets of opportunity, certain factors — including time and al Qaeda's targeting criteria — lead us to conclude that Houston, Texas, is near the top of the list. Not only is it home to much of the nation's oil infrastructure, which carries significant economic implications, but it also is a city of 5 million people — and the home of former President George H.W. Bush. A strike here would lend a personal nature to the attack that would send a clear message across the desk of President George W. Bush.

» In our view, the strike would be sophisticated and spectacular. It likely would involve either a dirty bomb deployed within the city, or a conventional attack against oil infrastructure, carried out on the scale of Sept. 11.

» In this case, we believe a truck bomb is the most likely delivery mechanism — perhaps a stolen delivery van, helping to mask the driver's intentions. This scenario was discussed by a sleeper cell in New York City before the first World Trade Center attack in 1993, and al Qaeda has shown a tendency to return to previous attack plans. The assailants might use a ramming car to break through perimeter fences while either shooting or running over security guards. However, it also is feasible that they could use legitimate company identification cards in order to slip past the guards. Once near the target, the explosive would be detonated, killing the attack team. »


Quelles conséquences une attaque aurait-elle sur les présidentielles? C’est de plus en plus compliqué

Désormais, une sorte de “science” conjoncturelle s’impose, qui est celle de l’analyse des effets d’une attaque terroriste contre les USA sur l’issue de la campagne électorale.

Du coup, la perspective se complique. Jusqu’alors, il n’était question que d’effets décisifs d’une possible attaque dans le sens d’une victoire de GW ; la chose était si complètement acquise qu’on envisageait évidemment que cette attaque pourrait bien être le résultat d’un montage provocateur de l’administration elle-même. Aujourd’hui, cette perspective est elle-même largement disputée, ce qui implique que d’éventuels provocateurs ne sauraient même plus s’il est avantageux de monter une fausse attaque, ou de susciter une vraie, etc… La spéculation virtualiste finirait donc par paralyser même l’art étrange de la manipulation et de la provocation.


« Most analysts believe a new terrorist attack on U.S. soil also would increase support for Bush, at least in the short run, as Americans follow the time-honored instinct of rallying around the president in a crisis.

» But much that has already happened in this year's campaign has confounded the conventional wisdom — and the terrorism issue may prove equally unpredictable.

(…)

» Baker, the Rutgers scholar, said the likely reaction of U.S. voters would be quite different than in Spain. “Rather than seeming to accede to what the terrorists want, I think we would show much greater defiance,” he said. “Our response would be, find somebody to bomb.”

» Most analysts and pollsters said a terrorist attack shortly before the election would probably increase support for Bush. But one occurring earlier might not, they said, because the initial rally-'round-the-president reaction would have time to fade — and be supplanted by controversy about whether the administration had done an effective job of guarding against an attack.

» Zogby, who is something of a maverick in his field, said he thought this conventional wisdom was wrong. The closer an attack occurs to Election Day, he said, the less support Bush would gain from it.

» “If it happens in the next couple of months, it is to the benefit of the president,” Zogby said. “If it happens after the Democratic convention, after Kerry successfully defines himself as a credible candidate ... it could actually backfire on the president.” »