La guerre qui n’existe pas

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Le brigadier général Justin Kelly, Australien, a fait une déclaration, reprise par le Sidney Morning Herald, qui a beaucoup d’intérêt pour la compréhension de la situation générale du monde. Pour autant, elle ne peut nous surprendre.

L’intérêt dans le cas de Kelly est qu’il s’agit d’un “spécialiste” (un militaire), qui écarte le souci des conséquences conceptuelles, voire politiques, de ses déclarations. Kelly nous dit que la guerre contre la terreur (le terrorisme) n’existe pas, que ce qu’il se passe aujourd’hui est une nouvelle forme de guerre, fondamentalement définissable selon les buts politiques qu’elle poursuit et nullement contrainte par les activités terroristes : «  Kelly dismissed several of the central tenets of the Iraq war and the war on terrorism, saying the “war” part is all about politics and terrorism is merely a tactic. » Définie autrement, la soi-disant guerre contre la terreur revient à ceci : « Although such wars were fuelled by global issues, they were essentially counter-insurgent operations fought on a local level. » (En d’autres termes : la guerre a changé de forme : elle est plus globale et se livre sous la forme, classique mais différente de la guerre conventionnelle, d’une guerre anti-guérilla.)

Autre remarque intéressante quoique de simple bon sens et rejoignant l’évidence derrière l’artifice virtualiste qui sert de présentation des événements depuis le 11 septembre : Kelly observe que les pressions brutales de la guerre de haute intensité telle que les Américains cherchent à la perpétuer n’ont aucune efficacité, et qu’on ne peut forcer les gens à changer d’opinion, de parti, de pensée à coups de bombes (« the proposition you can bomb someone into thinking as we do has been found to be untrue »). Au contraire ces actes brutaux ont des effets déstructurants culturels extrêmement forts : « The brigadier said populations were being cut off from their traditional roots, giving them “aspirations that cannot be immediately met”, and fuelling a search for identity. »

Cette description technique du major général Kelly rencontre bien la perception selon laquelle cette guerre a des effets d’abord déstructurants, qu’elle agit, du point de vue culturel, de la même façon que la globalisation, qu’elle est, enfin, une part de cette stratégie de la globalisation. Le major général Kelly présente la chose comme une erreur, un fourvoiement, un facteur regrettable avec des effets imprévus dont il faut se garder désormais. Il a à cet égard l’angélisme du technicien, qui est peut-être fondé. Une autre façon de voir est qu’il y a dans cette forme d’action déstructurante une certaine volonté non exprimée, ou bien une tendance inconsciente mais naturelle, qui sert le but de la déstructuration par la déculturation et l’a-culturation.


Mis en ligne le 30 avril 2005 à 07H00