La grande peur des newspapers bien-pensants

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Un article du 10 mai 2005, dans le New York Times (et dans The International Herald Tribune du même jour), montre que la grande presse américaine n’a pas manqué de noter les perspectives de concurrence du journalisme “en ligne”. Il est signé d'Adam Cohen, un membre du conseil éditorial du quotidien new yorkais, et constitue une sorte de prise de position officieuse de la rédaction (en fait de la direction de la rédaction) du quotidien.

On y lit en long, en large et travers, une longue leçon de morale bien dans la manière du journalisme libéral de la côte Est, et du NYT en particulier. Il y est question de l’éthique professionnelle et morale, dont les blogers ne s’embarrasseraient évidemment pas. Adam Cohen nous en fait sentir des tonnes, sur la façon de fonctionner complètement vertueuse de la presse US, surtout libérale, surtout la très professionnelle et ainsi de suite. Lorsqu’on a à l’esprit, comme on le doit, la servilité peu commune de la grande presse américaine vis-à-vis de l’administration, particulièrement les grands journaux dits “de référence” (Washington Post et New York Times), l’effet de cette leçon de morale est particulièrement vif.

Nul doute qu’Adam Cohen écrit en toute bonne foi. La vertu construite par le système pour que ses principaux serviteurs puissent avoir bonne conscience est d’une force considérable ; il s’agit d’une construction complètement virtualiste. La leçon implicite d’Adam Cohen est que la presse américaine est formidablement professionnelle dans les domaines qu’elle s’autorise, selon sa propre auto-censure, à investiguer. Le reste, à peu près 90% des actions de l’administration, est off limits. Il n’y a aucune duplicité là-dedans mais un classement qui renvoie au conformisme de fer des esprits des élites et à leur goût de la servitude bien rentée. Il n’y a donc aucune concurrence avec le journalisme “en ligne” qui s’occupe, plus ou moins bien selon ses moyens et ses capacités, des 90% restants du territoire de l’information, que la grande presse s’interdit d’explorer.

[Insistons là-dessus, pour aller jusqu’au bout de l’explication et s’épargner de lire les sornettes qui nous sont proposées: les 10% qui sont pris en considération et sont traités par la presse bien-pensante le sont très scrupuleusement, très professionnellement. C’est-à-dire qu’il s’agit de mensonges sérieux, sérieusement recoupés auprès de plusieurs menteurs sérieux, qui préfèrent garder l’anonymat pour faire plus sérieux.]

Le véritable enseignement de ce type d’article est que la grande presse (et l’argent qui est derrière) montre son inquiétude grandissante de voir son propre crédit se réduire comme peau de chagrin, par la force des choses, — par son choix d’auto-censure. Voici donc l’essentiel : cela va finir par déplaire aux annonceurs.


Mis en ligne le 11 mai 2005 à 07H30