La Catalogne et la fragilité du monde

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La Catalogne et la fragilité du monde

Selon une habitude bien établie, nous avons choisi un texte pour déblayer le terrain sur lequel doit s’exercer notre réflexion sur l’évolution de crise de la Catalogne en Espagne. Comme à l'habitude, nous cherchons, en convoquant certains éléments extérieurs pour les faire entrer dans le jeu de notre réflexion, à orienter cette réflexion vers le domaine le plus vaste possible par rapport au Système. Nous avons choisi un texte de WSWS.org datant d’hier dans sa version française, parce qu’il nous paraît décrire le mieux l’évolution de la situation.

Il s’agit d’une dramatisation et d’une aggravation évidentes de la situation de la crise catalane, du fait du gouvernement central espagnol, avec l’arrestation de deux dirigeants indépendantistes (Jordi Sanchez de l’Assemblée nationale catalane [ANC] et Jordi Cuixart d’Omnium Cultural) et l’imminente application de l’article 155 de la Constitution, c’est-à-dire le choix pour le gouvernement espagnol de l’option maximaliste. L’article 155, décrit souvent comme “l’option nucléaire”, c’est la “guerre ouverte” avec la dynamique indépendantiste au prix de l’abandon, pour cette phase, d’un arrangement autour du statut de l’autonomie.

La situation, du point de vue des indépendantistes est résumée par cette déclaration du porte-parole d’Omnium (l'un des deux partis dont le dirigeant a été arrêté), Marcel Mauri, à des manifestants lundi soir : « Même le régime de Franco n’avait pas osé envoyer les présidents d’Omnium et de l’ANC en prison. A partir d’aujourd’hui, nous allons donc descendre dans la rue pour exiger la libération des prisonniers politiques et la démocratie ». Le jugement général qui est désormais possible s’il veut rendre compte de la gravité de la situation est substantivé effectivement par une possibilité que l’“option nucléaire” soit agrémentée très précisément de sa dimension stratégique totale, impliquant rien de moins qu’un état de siège marqué par des mesures militaires de contrainte et quasiment d'“occupation” : « L’article 155 pourrait être invoqué en liaison avec l’article 116, qui établit le cadre juridique de la proclamation de l’état de siège impliquant la suspension des droits démocratiques et l’imposition d’un régime policier et militaire. » (Dans un texte de ce jour, 20 octobre, WSWS.org accentue son appréciation prospective selon laquelle Madrid préparerait l’installation d’un cadre militaire d’état de siège en Catalogne.)

Le choix du texte de WSWS.org se justifie dans ce cas parce que le sérieux de travail habituel de ce site, qui dispose de correspondants dans le pays (le trotskisme étant internationaliste par définition), n’est pas entaché par une prise de position partisane comme c’est souvent le cas. Le site est aussi hostile aux deux parties en présence : les trotskistes dénoncent aussi bien la “réaction bourgeoise” du gouvernement de Madrid que le “nationalisme anti-internationaliste” des indépendantistes. Les anathèmes idéologiques habituels n’ont dans ce cas pas d’influence sur le jugement puisqu’ils s’équilibrent. Le texte donne donc une image assez fidèle d’une situation à la fois bloquée, très intense, très risquée, pouvant déboucher sur une crise majeure.

Cette tension s’est reflétée dans la réunion des dirigeants des États-membres de l’UE, hier à Bruxelles, où le Premier ministre espagnol a retrouvé ses soutiens fidèles allemand et français (et britannique, dans leur drôle de position un pied-en-dedans, un pied-en-dehors) ; mais aussi, derrière un sourire de façade et une poignée de main glaciale, l'appréciation très critique à cause de la politique de contrainte de Madrid, exprimée publiquement et réaffirmée pour l’occasion hier (“Je persiste et signe”) par le Premier ministre belge, lequel a reçu le soutien explicite du Premier ministre luxembourgeois.

Ces deux petits pays sont effectivement petits, mais n’en font pas moins partie du noyau historique de l’Europe des Six du Traité de Rome de 1956 et par conséquent leurs paroles comptent plus que leurs poids nationaux spécifiques. Ainsi, avec les deux colosses allemand et français, également “européens historiques”, on trouve une situation symbolique impliquant le noyau historique d’une UE qui est, sur le problème espagnol, dans un état potentiel de division significative en cas d’aggravation de la situation espagnole.

Il y a une décade, après la déclaration du président de la Catalogne annonçant la décision de l’indépendance pour annoncer sa suspension dix secondes plus tard, on avait le sentiment que la porte était ouverte, pour le gouvernement espagnol et par le moyen de contacts et d’échanges tactiques, pour laisser “pourrir la crise” au détriment des indépendantistes qui avaient incontestablement effectué un demi-recul tactique. Il n’en a rien été : nous ne sommes plus au temps où l’on “laisse pourrir les crises” dans le but de les clore sous des arrangements divers, parce que nous ne cessons de faire le constat que nous sommes dans une époque où il est impossible de terminer une crise. Le fonctionnement de cette époque crisique est que les crises connaissent des paroxysmes entrecoupés de périodes de périodes de stagnation où rien ne se résout, ou bien le contraire (des périodes de stagnation entrecoupées de paroxysmes).

Dans l’affaire espagnole, le cas est beaucoup trop pressant, beaucoup trop sensible, et le gouvernement central semble évoluer comme s’il pensait qu’il se trouve sur un volcan proche de faire éruption, dans une situation où il est complètement question d’une menace de paroxysme et pas du tout d’une possibilité de stagnation. Il est vrai que la Catalogne et l’Espagne sont trop centraux en Europe, ils sont trop historiquement “européens”, pour qu’effectivement leur crise commune ne soit pas perçue comme une cause directe d'un bouleversement tellurique dans un tel environnement ; dans ce cas, Madrid semble agir comme si l’urgence de la situation obligeait à frapper vite et fort..

D’autre part, la situation européenne pèse sur les jugements. L’ironie est considérable et plutôt macabre, – ironie noire et sarcastique, – de voir l’Espagne agiter avec une pseudo-autorité et une légitimité en toc les arguments de l’unitarisme centraliste et de la souveraineté nationale. Il s’agit d’un pays qui, comme tous ses voisins et compères de l'UE, depuis dix ans-vingt ans, et de plus en plus vite, brade tous les attributs de sa souveraineté et de son pouvoir central au profit d’entités finalement indéfinies et insaisissables, – aussi bien le Corporate Power globalisé qu’une UE complètement ankylosée dans sa bureaucratie ; des entités qui sont elles-mêmes totalement impuissantes à exprimer quelque légitimité et quelque souveraineté que ce soit.

Entre le pouvoir national réduit à la peau de chagrin bien connue et le pouvoir supranational sans la moindre expression ni légitimité, c’est bien une situation du vide et du rien que nous percevons. La chose explique après tout aussi bien le maximalisme du gouvernement central espagnol : on est d’autant plus maximaliste, autoritariste et tranchant, que l’on dispose d’une autorité en constante délégitimation, que l’on est faible et peu assuré de ses “lendemains qui chantent”. Franco, totalement isolé de ses voisins lorsque l’Espagne était infréquentable et puante sous les quolibets méprisants des grandes âmes démocratiques et européennes, pouvait traiter à sa façon ses problèmes d’irrédentisme sans craindre de chuter lui-même ni de secouer l’Europe.

Effectivement, “la situation européenne pèse sur les jugements” parce qu’elle n’est pas brillante, allant de crise interne en crise interne, de contrecoup des crises extérieures en contrecoup des crises extérieures (avec la Russie, avec les USA). Finalement et malgré son langage militant qui n’est pas précisément léger, mais qui pourrait s’avérer juste pour ce cas, WSWS.org n’a pas tout à fait tort lorsqu’il écrit :

« L’Union européenne et les chefs d’autres gouvernements européens n’offrent aucune alternative à cette poussée vers un régime autoritaire. Au contraire, ils continuent à affirmer clairement qu’ils soutiennent la répression de Rajoy parce qu’ils partagent le même objectif : réprimer l’opposition sociale à la guerre, au militarisme et à l’austérité. »

L’Espagne n’est pas la Grèce, la crise espagnole de 2017 ne ressemble pas à la crise grecque de 2015, – pour se référer à l'épisode crisique intérieur à l'Europe qui a précédé la crise actuelle. Autant on avait vu venir la crise grecque et autant ses contours et son contenu étaient identifiables ; autant on n’a pas vraiment vu venir la crise grecque sinon comme un accident de parcours qui serait rapidement résolu et contourné. Ainsi la crise espagnole se révèle-t-elle finalement porteuse de potentialités et de possibilités bien plus dramatiques qu’une crise conjoncturelle comme la crise grecque. On dira que la crise grecque avait mis en évidence le caractère totalitaire, oppressif et intraitable de l’entité-UE sous influence de la finance et de l’Allemagne, effectivement dans ce domaine financier avec les effroyables conséquences sociales ; on dira également que la crise espagnole, elle, révèle de façon imprévue, au travers de réactions brutales notamment de la direction espagnole, une vulnérabilité et une fragilité (de l’Espagne, c’est-à-dire de l’Europe, c’est-à-dire du Système) qu’on n’attendait pas à ce moment, en ce lieu et de cette façon.

Étrange impression là-dessus... Alors que les cris d’avertissement de Cohn-Bendit il y a quinze jours concernant une “guerre civile” qui préparerait ses feux faisaient en général sourire, les gémissements furieux d’un Bernard Guetta, annonçant la même chose hier, font penser d’une façon bien différente. Ce n’est faire ni de Cohn-Bendit, ni de Guetta des foudres de guerre de la boule de cristal qu’ils ne sont certainement pas, – on peut avoir raison sans y rien comprendre... Non, c’est plutôt rendre compte au travers des emportements de la pensée de l’évolution du climat.

Ci-dessous, le texte de WSWS.org du 19 octobre 2017. Selon la formule consacrée dont la signification est limitée, le titre complet (« L’emprisonnement de dirigeants séparatistes déclenche des manifestations en Catalogne ») a été transformé pour des raisons techniques.

dedefensa.org

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Après l’emprisonnement des deux séparatistes catalans

Lundi soir, la Haute cour d’Espagne a ordonné l’emprisonnement sans mise en liberté provisoire sous caution des dirigeants des plus grandes organisations séparatistes de Catalogne : Jordi Sànchez de l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Jordi Cuixart d’Òmnium Cultural.

Les deux dirigeants sont détenus dans l’attente d’une enquête sur des accusations de sédition fabriquées de toutes pièces. Ils sont accusés d’orchestrer des manifestations les 20 et 21 septembre, au cours desquelles des manifestants auraient tenté d’empêcher des raids policiers sur des organisations et l’arrestation de responsables associés au référendum d’indépendance du 1ᵉʳ octobre en Catalogne. La sédition comporte une peine maximale de 15 ans d’emprisonnement.

La décision de la Haute Cour et l’arrestation de Sànchez et de Cuixart marquent les premières détentions de prisonniers politiques depuis la fin de la dictature du général Francisco Franco.

L’emprisonnement des deux chefs séparatistes a déclenché des protestations à travers la Catalogne. Lundi soir, des milliers de personnes ont défilé en battant des casseroles. Mardi, des milliers d’autres sont descendus dans les rues de Barcelone à la pause de midi. Une autre manifestation a eu lieu plus tard dans la soirée.

Le porte-parole d’Omnium, Marcel Mauri, a déclaré aux manifestants : « Même le régime de Franco n’avait pas osé envoyer les présidents d’Omnium et de l’ANC en prison. A partir d’aujourd’hui, nous allons donc descendre dans la rue pour exiger la libération des prisonniers politiques et la démocratie ». Mardi, les deux organisations ont appelé à une manifestation samedi prochain pour exiger la libération des deux dirigeants.

La décision de la Haute Cour est une indication des mesures dictatoriales que le gouvernement du Parti populaire espagnol (PP) est prêt à exécuter, ouvrant la voie à l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole, que le Premier ministre Mariano Rajoy prévoit d’invoquer jeudi. L’invocation de l’article suspendra le gouvernement régional de Catalogne et mettra la région sous administration directe de Madrid. L’article 155 pourrait être invoqué en liaison avec l’article 116, qui établit le cadre juridique de la proclamation de l’état de siège impliquant la suspension des droits démocratiques et l’imposition d’un régime policier et militaire.

Dans sa décision, la juge Carmen Lamela a déclaré que les événements de septembre « ne constituaient pas une protestation civile isolée, spontanée ou pacifique contre les actions policières menées sur ordre d’un juge ». Elle a ajouté : « Au contraire, les activités décrites s’inscrivaient dans une stratégie complexe où Jordi Cuixart et Jordi Sánchez sont impliqués depuis longtemps dans le cadre d’une feuille de route visant à l’indépendance de la Catalogne ».

La décision de Lamela va à l’encontre de nombreux reportages et vidéos montrant Cuixart et Sánchez intervenant dans la manifestation pour réclamer une protestation pacifique contre l’arrestation de 14 responsables du gouvernement catalan. Ce n’est qu’après que les deux hommes sont partis que des cas isolés de violence à petite échelle ont eu lieu, ce qui a entraîné le vandalisme de plusieurs véhicules de la Garde civile.

Dans le même tribunal où les séparatistes ont été condamnés à l’emprisonnement, le chef de la police régionale des Mossos d’Esquadra, Josep Luís Trapero, également objet d’une enquête pour sédition, pour avoir omis de contrôler les manifestations du 20-21 septembre, fut mis en liberté conditionnelle de fait en attendant la sentence. Il a été contraint de rendre son passeport, de rester en Espagne et de se présenter au tribunal toutes les deux semaines.

Le Bureau du procureur de la Haute Cour, considérant les restrictions de Lamela sur Trapero trop clémentes, cherche des moyens de l’emprisonner en déposant un appel contre son ordre de libération. Le bureau demande que l’enquête sur la sédition soit prolongée jusqu’au 1ᵉʳ octobre, le jour du référendum sécessionniste. À cette fin, les gardes civils ont cherché dans les bureaux du gouvernement régional à Reus (Tarragona) des preuves que les Mossos n’avaient pas suivi les ordres de saisir les urnes et le matériel électoral le jour du référendum.

Le pouvoir judiciaire espagnol a clairement fait savoir que ce ne sont que les premières étapes d’un emprisonnement en masse des séparatistes. Mardi, la Cour constitutionnelle a statué à l’unanimité que la loi référendaire votée par le parlement catalan le 6 septembre est inconstitutionnelle et dépourvue de toute force juridique contraignante et que le parlement catalan s’est mis « hors la loi ».

La décision ouvre la voie à des poursuites judiciaires contre toute personne impliquée dans l’organisation du référendum du 1ᵉʳ Octobre, ou qui « ne l’a pas empêchée », des maires, des conseillers, des fonctionnaires et d’autres personnes qui ont participé aux préparatifs du référendum.

La presse bourgeoise ne salue pas seulement l’emprisonnement des séparatistes, elle réclame avec insistance des mesures plus impitoyables. Isabel San Sebastián, pour le quotidien conservateur ABC, a déclaré : « Puigdemont et son bras droit, Trapero, doivent payer cher les dégâts causés par leur trahison. Eux et quelques autres, de [Carme] Forcadell, présidente du parlement régional en rébellion ouverte contre l’ordre légal […] [au vice-premier ministre Oriol] Junqueras et [au ministre régional Raül] Romeva, responsable du financement et de la promotion de ce coup d’État, jusqu’aux 78 signataires de cette “déclaration d’indépendance”, signée en violation flagrante de la Constitution actuelle.

» Ils doivent tous répondre de leurs actes devant la justice, mieux vaut tôt que tard. Les procureurs doivent accuser et les tribunaux doivent juger, indépendamment de considérations politiques. Le code pénal marque la voie à suivre dans les articles sur la rébellion, la sédition, le détournement de fonds publics et l’incitation à la haine. Nous devons agir sans ménagement. »

San Sebastián reflète l’opinion croissante au sein de la classe dirigeante selon laquelle la meilleure façon de supprimer le désir de sécession est d’incarcérer les séparatistes. Des membres du PP ont déjà parlé de l’interdiction des partis et des programmes qui favorisent la sécession, de changer radicalement le système éducatif catalan et de dissoudre les Mossos.

Le fait que ces mesures aient pu susciter une opposition de masse est considéré comme une opportunité par des sections de la classe dirigeante, qui auraient donc un prétexte pour déployer l’armée dans un état d’urgence comme en dispose l’article 116. Une telle réponse est largement discutée depuis des semaines dans la presse. Cela signifierait la répression non seulement des masses catalanes, mais aussi de la classe ouvrière dans le reste du pays. L’armée espagnole a déjà élaboré des plans pour l’opération Cota de Malla, où elle appuiera la police et les opérations de la Garde civile en Catalogne.

D’autres sections de l’élite dirigeante, une minorité, sont plus prudentes, qui soulèvent des inquiétudes sur la possibilité que les protestations n’échappent au contrôle. La Vanguardia, basée à Barcelone, a averti que l’arrestation des dirigeants séparatistes « est une très mauvaise nouvelle ». Le quotidien a poursuivi : « Ces tensions peuvent maintenant être facilement transférées des bureaux institutionnels et des tribunaux dans les rues, où les possibilités d’une situation incontrôlable se multiplieront. »

Ce qui est clair, c’est que les mesures réactionnaires du gouvernement PP, soutenues par le parti Citoyens et le Parti Socialiste (PSOE), et par toutes les sections de l’État, ne s’arrêteront pas même si le Premier ministre catalan Puigdemont recule sur le projet sécessionniste, ce qu’on lui a ordonné de faire à partir de jeudi.

Après un quart de siècle d’austérité et de guerres impérialistes, les mécanismes par lesquels la classe dirigeante a cherché à réguler les tensions sociales et à contenir les conflits de classes en Espagne et ailleurs en Europe se sont effondrés. L’Espagne revient maintenant à l’ère des formes de régime autoritaire qui ont dominé une grande partie de son histoire au cours du XXᵉ siècle.

L’Union européenne et les chefs d’autres gouvernements européens n’offrent aucune alternative à cette poussée vers un régime autoritaire. Au contraire, ils continuent à affirmer clairement qu’ils soutiennent la répression de Rajoy parce qu’ils partagent le même objectif : réprimer l’opposition sociale à la guerre, au militarisme et à l’austérité.

Mardi, la Commission européenne a refusé de commenter l’emprisonnement des dirigeants séparatistes, affirmant une fois de plus que la crise catalane est « une affaire interne » concernant « l’ordre juridique interne et constitutionnel de l’Espagne ».

Alejandro López et Paul Mitchell

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