Ivanov de retour, signe des temps, circa-2018 ?

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Ivanov de retour, signe des temps, circa-2018 ?

D’abord un “petit fait vrai” à-la-Stendhal justifiant notre titre , qui, dans les temps extraordinaires que nous vivons, ne peut être exonéré d’une interprétation politique ferme. Il s’agit de la réapparition, à un niveau important, de Sergei Ivanov, ancien ministre de la défense russe et ancien chef de cabinet, et très proche par conséquent, de Vladimir Poutine. Quasiment “limogé” il y a un an quoiqu’avec toutes les amabilités d’usage, Ivanov est réapparu à un statut d’importance dans la délégation russe menée par Poutine en Finlande.

TheDuran.com nous donne des nouvelles en ces termes, ce 3 août 2017 : « There was great surprise in August of 2016, when Vladimir Putin’s longtime chief-of-staff and trusted KGB colleague, was removed from his post. He was replaced by the younger but relatively unknown Anton Vaino. Ivanov was relegated to an apparent sinecure post, “Special representative for environment and transport issues.”

But now that may have changed. Ivanov made a surprise appearance alongside Putin at top level negotiations with the President of Finland last week. [...] As the first high profile appearance for Ivanov in nearly a year, the trip raises the possibility that Ivanov could be making a comeback into Putin’s inner circle. Kremlin watchers will surely want to keep a close eye on his future moves. »

Ce n’est pas une habitude russe de remettre en selle une personnalité de haut niveau qu’on a mis sur une voie de garage, aussi aimable et confortable soit-elle (la voie de garage). Ce qui est fait est fait, en général ; ici, ce ne semble pas être le cas ; bien qu’il ne s’agisse que d’un simple fait sans importance politique fondamentale, il est tout de même délibéré et à visibilité importante puisqu’il s’agit d’une visite à l’étranger. Une certaine spéculation à ce propos est concevable, autour du thème d’une “retour en grâce” d’un homme de Poutine, mais remarquable à la fois par sa personnalité très marquée, l’aisance sinon le magnétisme de ses contacts avec ses “collègues” du bloc-BAO, particulièrement les journalistes qu’il savait traiter à la hussarde sans pourtant jamais en faire des adversaires ; enfin, ses positions politiques nettement fermes, disons représentant le côté éventuellement le plus ferme de Poutine.

Or et par ailleurs, il semble bien que Poutine, malgré une formidable popularité persistante (83%), se trouve de plus en plus vulnérable à une critique qui ne serait plus celle de milieux marginaux à propos de billevesées venues d'une quelconque feuille de route de la CIA, mais bien d’une partie non négligeable de l’establishment russe. En cause : sa très grande mollesse face aux pressions et aux attaques hystériques des USA. Ainsi passons-nous là du cas Ivanov, qui n’est pour l’instant qu’un épiphénomène, à celui, beaucoup plus marquant, de Medvedev.

La position extrêmement ferme de Medvedev face à la situation US, que nous soulignions hier avec force, a été relevée par d’autres, notamment par Alexander Mercouris, également sur TheDuran.com, dans un texte publié dans la soirée d’hier. Parlant donc du long commentaire de Medvedev que nous avons avons nous-mêmes publié, Mercouris observe : « This is extraordinary language.  It says there is now no hope of improving relations with the new US administration and it straightforwardly accuses President Trump’s political opponents in the US of preparing to remove him.  It makes clear that there is no prospect of the US and Russia establishing normal inter-country in any foreseeable future.

» Contrast the strength and anger of Medvedev’s comments with Putin’s far more emollient ones... [...]Where Medvedev has completely given up on the US and says that Russia should focus on building itself up through self-reliance, Putin continues to say that Russia has “many friends” there, and that the “many sober-minded people” in the US will ensure that one day the US comes to its senses about Russia.

» Perhaps Putin is right.  However I suspect that on this issue Medvedev’s views are far more in line with popular and indeed elite opinion in Moscow than Putin’s are. »

A plusieurs reprises dans son texte, Mercouris souligne que Medvedev a la réputation d’être un “atlantiste” au sein de la direction russe, précisant que lui-même ne le croit pas et donnant la fermeté du texte de Medvedev comme preuve. De ce point de vue, nous avons une autre appréciation que celle de Mercouris (on a pu le comprendre hier encore), de même que nous pensons que des divergences de tendance entre les deux hommes (Poutine et Medvedev) n’empêche nullement une coordination tactique de leurs réactions pour obtenir un meilleur effet dans la perception extérieure qu’on a de l’attitude russe.

Medvedev n’est pas tant un “atlantiste” qu’un “globaliste”, ou un libéral-occidentaliste dans l’échiquier politique russe ; quoi qu’il en soit, sa réaction reste conséquente même avec cette position, puisque l’argument de ce même texte où nous parlons de lui est bien qu’il réagit de la même façon que d’autres “globalistes”, ou “atlantistes” selon la classification de Mercouris, notamment européens (UE), qui réagissent avec fureur après le vote du Congrès renversant complètement les positions d’American-Firster/protectionnistes à Washington D.C., en faisant du Congrès-attaquant-Trump ce que tous ces alliés globalistes de Washington D.C. craignaient essentiellement de Trump. Mercouris souligne également la place centrale qui est faite dans la réaction de Medvedev à l’irrationalisme hystérique du Congrès, que nous jugeons nous-mêmes comme étant le facteur fondamental de la situation à “D.C.-la-folle” (« L’hystérie antirusse est apparue comme étant devenue un facteur essentiel, non seulement de la politique extérieure [comme ce fut souvent le cas] mais aussi le politique intérieure US [c’est nouveau]. »)

Dans tous les cas, nous ne pensons pas que Medvedev, qui représente une faction non négligeable de la direction russe (les directions financières et économiques), ait modifié cette attitude et changé de tendance. Par contre, il exprime certainement une évolution de cette tendance, de plus en plus exaspérée par l’attitude US (et du bloc-BAO en général) vis-à-vis de la Russie, et qui se durcit de plus en plus vis-à-vis des USA/du bloc-BAO. Sans nécessairement abandonner ses conceptions théoriques idéologiques et technocratiques, cette tendance, avec Medvedev en tête, s’inscrit de plus en plus dans une attitude russe, sinon nationaliste dans tous les cas patriotique, et tend à rejoindre sur les questions de politique générale le bloc jusqu’alors restreint aux seuls nationalistes ; elle va même jusqu’à faire l’éloge d’une politique économique autarcique, imposée par les événements et qui constitue opérationnellement une certaine contradiction de l’attitude théorique évoquée. Le paradoxe serait alors que le centriste Poutine, s’il restait sur sa même ligne conciliante, se trouverait politiquement de plus en plus isolé malgré sa phénoménale popularité qui est essentiellement dû à l’image d’une politique de résistance et de fermeté vis-à-vis du bloc-BAO qui lui a été imposée par les événements plus qu’il ne l’a voulue explicitement.

Dans ce cas encore, le retour d’Ivanov, s’il se confirme, montrerait que Poutine est de plus en plus conscient de cette faiblesse et qu’il veut renforcer sa propre aile dure en remettant en selle un homme qui était réputé pour sa dureté spectaculaire et médiatiquement très efficace vis-à-vis de l’OTAN et des USA notamment. Un autre homme à suivre pour enrichir la réflexion du point de vue de la position de Poutine est l’évolution de Rogozine, vice-Premier ministre et nationaliste affirmé, ancien représentant russe à l’OTAN et un “dur” dans le mode spectaculaire d’Ivanov.

Mais enfin, ce qu’on fait là est de développer une réflexion sur la direction russe et surtout sur la position de Poutine à la lumière des pressions insensées des USA, dans la perspective des élections présidentielles du printemps 2018. Il est évident que chaque nouvelle pression des USA et de “D.C.-la–folle” affaiblit la position de Poutine s’il reste dans la configuration actuelle et accélère des pressions internes pour qu’il durcisse sa position s’il veut une réélection en 2018, ou pour qu’il passe la main s’il en reste là où il est. Cette dernière hypothèse peut par ailleurs rejoindre une certaine lassitude du pouvoir de Poutine après dix-sept ans de son exercice (comme président et premier ministre), lassitude qu’on a pu distinguer ici ou là.

De toutes les façons, il est difficile de penser que l’actuel comportement erratique et furieux de “D.C.-la-folle” n’aura pas de conséquences sur les élections présidentielles de 2018, en introduisant, d’une façon ou l’autre, avec Poutine ou sans lui, l’annonce d’un durcissement russe. Cette question des relations internationales et de la sécurité fondamentale de la Russie sera, encore plus qu’en 2012, le sujet principal de la campagne.

 

Mis en ligne le 04 août 2017 à 10H45

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