Fuite (virtualiste) en avant

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Fuite (virtualiste) en avant


3 juin 2002 — Le discours prononcé le 1er juin à West Point par le président GW Bush est le plus violent qui ait été prononcé dans le sens de la rhétorique guerrière anti-terroriste depuis le 11 septembre. (Le Times de Londres, ce matin, note précisément ce point intéressant.) Quelques exemples de cette analyse, jusqu'à la menace suprême (une nouvelle stratégie annoncée pour juillet, sous la forme d'un document bureaucratique qui fera certainement couler beaucoup d'encre et ne changera rien à l'état des choses et à la réalité du monde) et jusqu'aux avertissements de GW (« Other nations oppose terror but tolerate the hatred that leads to terror and that must change » : cette injonction de GW aura sans doute autant d'efficacité que celle qui fut adressée, en d'autres occasions, à Sharon et à Musharraf)  :

« The 52-minute speech also contained a series of thinly veiled attacks on countries already singled out as enemies of the US. Mr Bush did not mention any country by name, but he pointed repeatedly to non-democratic regimes that are said to sponsor terrorism. In what officials later hinted was a reference to President Saddam Hussein’s regime in Iraq, Mr Bush said that attempts to contain terrorist activity and anti-US sentiments within some countries would fail without direct action. »

(...)

« The criticism of foreign countries appeared to go further than any other he has made since September 11. “Some nations need military training to fight terror and we will provide it,” Mr Bush said. “Other nations oppose terror but tolerate the hatred that leads to terror and that must change.” White House officials told The Washington Post that these comments were directed at Middle East allies such as Saudi Arabia and Jordan.

» If the United States decides to make surprise strikes on other countries, it will mark a big change in strategy for the US military, which traditionally acts only in self-defence. The speech was billed by the White House as the first instalment of a renewed “overall security framework”. The framework will be expanded in a national security strategy document expected in July. »

C'est donc un pas de plus dans la guerre américaine ? Certes, — mais de quelle guerre parle-t-on exactement ? De ce qui se passe en Afghanistan depuis des mois, où les forces américaines, quand elles n'envoient pas les Britanniques à leur place, sont incapables de rencontrer un seul ennemi ? De ce qui ne va pas se passer en Irak, où les forces américaines disent clairement qu'elles n'ont pas les moyens d'envisager une attaque ? Le seul vrai danger de guerre sérieuse aujourd'hui est nucléaire, il existe entre l'Inde et le Pakistan, il constitue une perspective catastrophique pour les intérêts américains (les Américains ne se doutent encore de rien à cet égard, découvrant seulement le danger de guerre) ; il est la conséquence de la déstabilisation apportée par l'intervention américaine (alliée) dans la région, notamment de l'affaiblissement du pouvoir pakistanais sous les contraintes imposées par son ''allié''américain, et par conséquent de l'incapacité de ce pouvoir pakistanais de réfréner les activités terroristes au Cachemire. Le seul vrai danger de guerre aujourd'hui n'a rien à voir avec la Grande Guerre contre la Terreur.

Alors, que se passe-t-il ?

Notre observation est qu'il y a aujourd'hui une fuite en avant virtualiste du gouvernement des États-Unis. Cette surenchère belliciste est effectivement l'annonce d'une intensification de la guerre virtualiste que conduisent, depuis le 11 septembre, les États-Unis, à coups de communiqués, de conférence de presse, de discours de GW et d'articles des neo-cons. La surenchère virtualiste vient une grosse semaine après l'annonce, officieuse mais complètement sérieuse elle (pas virtualiste, on veut dire), que les forces armées américaines ne peuvent pas suivre, même pour le projet basique de l'attaque contre l'Irak. (Voir notre Analyse du 25 mai.) Le surenchérissement belliciste immédiat de l'administration est la conséquence de cette annonce. Il a été lancé pour des raisons d'intérêt complètement partisans en matière de politique intérieure et politicienne, comme tout ce que fait ce gouvernement, —  pour garder sa base idéologique de soutien (neo-cons et le reste), sa prépondérance politique à Washington face au Congrès, la faveur des sondages et, tout simplement, sa raison d'être. Si GW annonçait demain la réalité, — à savoir qu'on ne trouve pas un seul terroriste et que la puissance militaire américaine est à bout de souffle et a besoin au minimum d'un an pour récupérer avant d'envisager une opération sérieuse, le ridicule emporterait cette administration, GW en premier. Même si le ridicule ne tue plus, il continue à faire souffrir.