Frithjof Schuon et la liquidation chrétienne

Les Carnets de Nicolas Bonnal

   Forum

Il y a 7 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 4500

Frithjof Schuon et la liquidation chrétienne

Disons le nûment : ce pape a jeté l’enfant Jésus avec l’eau du baptême dans l’indifférence de la gent catholique. A part une poignée de purs, son troupeau BCBG a gobé l’ignominie. Il est vrai que déjà Montesquieu se moquait de « la vieille idole » (le pape donc), que Feuerbach parla de cette pseudo-religion théâtrale pour bourgeois il y a déjà un siècle et demi : « depuis longtemps la religion a disparu et sa place est occupée par son apparence, son masque, c’est-à-dire par l’Eglise… »

L’Eglise et le papisme ne veulent même plus assurer le service minimum nécessaire pour maintenir à flot la nef des mous. Mais ce n’est pas cela qui terrifiera leurs chères ouailles.

Frithjof Schuon écrivait lui plus récemment, expliquant que la religion se sentait de trop, prête à tout déjà pour se faire bien voir (mais par qui mon Dieu ?) :

« La science moderne a eu pour effet, entre autres, de blesser mortellement la religion, en posant concrètement des problèmes que seul l’ésotérisme peut résoudre, et que rien ne résout en fait puisque l’ésotérisme n’est pas écouté, et ne l’est moins que jamais. En face de ces problèmes nouveaux, la religion est désarmée, et elle emprunte maladroitement et en tâtonnant les arguments de l’adversaire, ce qui l’oblige à fausser insensiblement sa propre perspective et à se renier de plus en plus ; sa doctrine n’est pas atteinte, certes, mais les fausses opinions empruntées à ses négateurs la rongent sournoisement « de l’intérieur », témoin l’exégèse moderne, l’aplatissement démagogique de la liturgie, le darwinisme teilhardien, les « prêtres ouvriers », et « l’art sacré » d’obédience surréaliste et « abstraite ». Les découvertes scientifiques ne prouvent rien contre les positions traditionnelles de la religion, bien entendu, mais personne n’est là pour le montrer ; trop de croyants estiment au contraire que c’est à la religion de « secouer la poussière des siècles », c’est à dire de se « libérer » de tout ce qui fait - ou manifeste - son essence ; l’absence de connaissances métaphysiques ou ésotériques d’une part et la force suggestive émanant des découvertes scientifiques et aussi des psychoses collectives d’autre part, font de la religion une victime presque sans défense, une victime refusant même dans une large mesure d’utiliser les arguments dont elle dispose. Il serait pourtant facile, au lieu de glisser dans les erreurs d’autrui, de démontrer que le monde fabriqué par le scientisme tend partout à faire du moyen une fin et de la fin un moyen, et qu’il aboutit, soit à une mystique d’envie, d’amertume et de haine, soit à un matérialisme béat et niveleur ; que la science, bien que neutre en elle-même – car les faits sont les faits –, est pourtant une semence de corruption et d’anéantissement dans les mains de l’homme qui en moyenne n’a pas une connaissance suffisante de la nature profonde de l’Existence pour pouvoir intégrer – et par là neutraliser – les faits scientifiques dans une vue totale du monde ; que les conséquences philosophiques de la science impliquent des contradictions foncières ; que l’homme n’a jamais été aussi mal connu et aussi mésinterprété  qu’à partir du moment où on le passa aux « rayons X » d’une psychologie fondée sur des postulats radicalement faux et contraires à sa nature. »

Et notre grand mystique soufi et styliste ajoutait :

« Au point de vue de la vérité totale - redisons-le une fois de plus - il vaut mille fois mieux croire que Dieu a créé le monde en six jours et que l’au-delà se situe sous le disque terrestre ou dans le ciel tournant, que de connaître la distance d’une nébuleuse à une autre tout en ignorant que les phénomènes ne font que manifester une Réalité transcendante qui nous détermine de toutes parts et qui donne à notre condition humaine tout son sens et tout son contenu ; aussi les grandes traditions, conscientes de ce qu’un savoir prométhéen mènerait à la perte de la vérité essentielle et salvatrice, n’ont-elles jamais prescrit ni encouragé cette accumulation de connaissances tout extérieures et, en fait, mortelles pour l’homme. »

 

Sources

Regards sur les mondes anciens, p.33

Feuerbach – L’essence du christianisme