Dormir debout

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Dormir debout

Un nouvel événement, baptisé « Nuit debout », explosait sur la Place de la République, à Paris, le 31 mars dernier. Mis en scène par des gauchistes issus de l’élite intellocrate française, le mouvement prend de l’expansion et fait parler de lui dans tous les grands médias de l’occident. Disant s’inspirer de mouvements tels qu’Occupy Wall Street, ou Los Indignados, les promoteurs de ce « printemps français » ont profité de la contestation spontanée de la nouvelle loi française de réforme du Code du travail, imposée par la ministre El Khomri, pour mettre en scène un grand « happening » destiné à canaliser le désarroi d’une jeunesse laissée pour compte par l’appareil politique en place.

À une époque où le Front national de Marine Le Pen parvient à drainer une part croissante de l’électorat des moins de 35 ans, voilà que les intellocrates qui gravitent autour du Parti socialiste ont décidé de créer un nouveau dispositif d’ingénierie sociale afin de changer la donne. On ne s’étonnera, donc pas, que la mairesse de Paris, Anne Hidalgo, ait fini par consentir toute une série de dérogations afin de permettre à cette mouvance contestataire d’occuper indéfiniment le cœur de la cité. Toutefois, cette dernière semble s’être ravisée depuis que le mouvement a connu de nombreux débordements, au point où les édiles sont obligés d’admettre que la Place de la République doive demeurer un « espace partagé ». En effet, les manifestants et toute une kyrielle de curieux se sont arrogé le droit d’occuper indéfiniment une portion appréciable du domaine public … ce qui fait que les « simples citoyens » ne se sentent plus en sécurité dans les parages, alors que même les employés des services d’entretien de la voie publique n’y sont plus bienvenus !

Malgré qu’il soit tout sauf spontané, il semblerait que le mouvement ait pris une tangente nettement incontrôlable, dérivant, chaque jour davantage, tel un phénomène de masse qui serait sorti de sa trajectoire orbitale. Les participants à ce grand happening, faussement festif, ont réussi à accomplir une chose en particulier : occuper le domaine public et capter l’attention des médias. Le mouvement s’est propagé, à la manière d’une explosion de métastases, un peu partout en France pour générer une sorte de chaos de basse intensité qui contribue à exaspérer une part croissante des citoyens qui ne peuvent pas se permettre d’aller discuter et chahuter jusqu’aux petites heures. Comble de l’aberration, les porte-paroles du mouvement refusent toujours de se réclamer d’une lutte en particulier ou de décliner une programmatique qui aurait, c’est la moindre des choses, le mérite de justifier toute cette vaste fumisterie.

Résurgence d’un gauchisme au service de l’oligarchie

On assiste à une répétition du tristement célèbre Mai 68, dans un contexte où les tenants du mondialisme savent qu’ils ne disposent plus d’une grande marge de manœuvre pour contraindre la population à adopter leur plan de match. À l’époque, le général de Gaulle voulait restituer à la France toute sa souveraineté en faisant en sorte de désengager les Forces armées françaises du Commandement intégré de l’OTAN, en rapatriant une part considérable des réserves d’or de la nation et en adoptant une position neutre au Moyen-Orient. Mal lui en prit. Toute la contestation estudiantine, démarrant autour de la Sorbonne, sera utilisée comme un écran de fumée, avec des Daniel Cohn-Bendit désignés comme « leaders naturels » qui auront pour principale tâche de paralyser la France au grand complet. Les forces ouvrières et prolétaires, la paysannerie et les petits patrons seront temporairement séduits par un « appel aux armes » qui s’avèrera être une mascarade mise-en-scène avec l’aide des services secrets américains.

On connait la suite … l’équipe Pompidou-Giscard-Rothschild prendra la relève afin de mettre un terme au pouvoir régalien de battre monnaie en adoptant la loi de janvier 1973 sur la Banque de France. À partir de ce moment fatidique, la Banque de France ne pourra plus prêter à l’État sans intérêt ou à des taux très faibles. Ce qui conduira le gouvernement français à contracter des emprunts auprès des marchés financiers privés lors de la mise en œuvre de grands projets d’infrastructure par exemple. Toutefois, ce n’est qu’en 1993, sous la houlette du Traité de Maastricht, que l’interdiction d’emprunter à la Banque de France sera gravé dans le marbre des dispositions qui règlent le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’Union européenne devenant une matrice destinée à neutraliser les capacités régaliennes des états de l’Europe de l’ouest, la France sera de plus en plus dépendante des décisions financières prises au sein de la City de Londres et de Wall Street. Les effets délétères de cette confiscation sauvage ont atteint des proportions sidérantes alors que la dette publique française s’élevait à plus de 2 000 milliards d’euros en 2014. Rappelons que nos cousins de l’Hexagone ont déjà été saignés pour plus de 1 400 milliards d’euros d’intérêts depuis la mise en orbite d’une loi qui aura permis aux puissants conglomérats financiers et bancaires de spolier les finances publiques françaises.

Créer une crise sociale pour une prise de contrôle politique

Or donc, tout ce mouvement dit de Mai 68 aura pour effet de créer une crise sociale qui débouchera sur un cul-de-sac politique et constitutionnel qui aura pour effet de forcer le Général de Gaule à quitter ses fonctions de président de la République. Les alliés objectifs de Jean Monnet, et de tous les architectes de la construction européiste, s’appuieront sur toute cette agitation sociale pour frapper la France au cœur même de sa souveraineté. Il s’agissait de briser en morceaux les acquis du Conseil national de la Résistance (CNR) – une alliance mettant en scène toutes les forces politiques françaises engagées dans le processus de résistance à l’occupation nazie et qui allait se transformer en puissant pacte socioéconomique aux lendemains de la libération – afin de mettre un terme à la cohésion d’une France qui avait su renouer avec son legs patriotique.

La « gauche-caviar » reprendra la main avec l’élection de Mitterrand en 1981, réutilisant les concepts libertaires de Mai 68 afin de mieux berner le peuple de France. L’opération SOS Racisme sera mise de l’avant, quelques années après l’accession des socialistes au pouvoir, afin de cristalliser l’énergie de la génération X plongée en plein désarroi face à une crise économique sévère et à la montée en flèche d’une nouvelle droite conservatrice (néoconservateurs) belliqueuse. Il s’agira pour Mitterrand, et son fidèle conseiller Jacques Attali, de façonner de nouvelles « politiques sociétales » prenant appui sur un communautarisme florissant afin de faire avaler la pilule du chômage de masse. Dans la même veine, l’Opération « Je suis Charlie » fut une réédition par le pouvoir socialiste français de ce système de captation des frustrations populaires par le truchement d’une formidable campagne d’ingénierie sociale.

« Nuit Debout » pourrait bien être du même acabit,  une sorte de faire-valoir permettant de mettre en scène un climat de crise sociale propice à des changements politiques menés derrière les coulisses. Il va de soi que la colère estudiantine et la montée des mouvements de protestation correspondent à un légitime désir de changement dans un contexte où l’oligarchie financière et les bourgeoisies compradores luttent pour maintenir leur domination. Comme en Mai 68, les acteurs en présence se révoltent contre des lois abusives (destruction de la protection sociale et mise sous le boisseau des libertés constitutionnelles) et prennent d’assaut le domaine public à défaut de pouvoir compter sur une classe politique qui a été complètement anesthésiée par le grand capital. Toutefois, il s’agit d’un mouvement de contestation « sauvage », « spontanée », qui ne s’appuie sur aucune lutte ouvrière ou populaire, mettant en scène des idéologues (Frédéric Lordon et consorts) qui ont déjà leurs entrées dans le système de la représentation médiatique et intellocrate.

Un cul-de-sac idéologique

Le journaliste indépendant et analyste Thierry Meyssan se questionnait, le 20 avril dernier, sur l’énorme dispositif logistique et médiatique mis au service d’un mouvement soi-disant « spontané » qui n’a pas mis beaucoup de temps pour devenir l’événement de l’heure. Meyssan cite un extrait de l’appel concocté par « Convergence des luttes » – un comité faux-nez aux ordres des instigateurs de l’événement – afin de nous faire prendre conscience de la supercherie en cours :

« Ce mouvement n’est pas né et ne mourra pas à Paris. Du printemps arabe au mouvement du 15M, de la place Tahrir au parc de Gezi, la place de la République et les nombreux autres lieux occupés ce soir en France sont l’illustration des mêmes colères, des mêmes espoirs et de la même conviction : la nécessité d’une société nouvelle, où démocratie dignité et liberté ne sont pas des déclarations vides »

- Extrait de l’« Appel de la Nuit Debout », place de la République le 8 avril 2016, Paris

Nul besoin de chercher bien loin pour comprendre que nous sommes bel et bien en présence d’une forme de « printemps français » qui, après avoir été exporté en Belgique et au Québec, pourrait se muer en « printemps de la francophonie ». À condition qu’il ne s’épuise pas en cours de route …

Thierry Meyssan nous rappelle quelques vérités élémentaires au sujet des mouvements sociaux qui finissent par servir d’éléments de déstabilisation. Il en a pour preuve ce fameux « printemps arable », qui aurait vu le jour suite au « projet du département d’État (USA) de renverser les régimes laïques arabes et de les remplacer par les Frères musulmans ». Tout le reste est à l’avenant… Meyssan va jusqu’à émettre l’hypothèse que Gene Sharp, un « ingénieur social » à la tête du Centre for Applied Nonviolent Action and Strategies (Canvas), pourrait être impliqué au premier chef derrière tout ce mouvement de troupe. Et, de nous rappeler que l’action de Gene Sharp, appuyée par le département d’État des USA, vise, invariablement, à façonner des manifestations artificielles qui serviront de catalyseurs pour des changements de régime ou la stérilisation d’une opposition devenue encombrante.

Les jeunes activistes qui s’activent, c’est le cas de le dire, dans le cadre de « Nuit debout » prennent la parole lors de commissions thématiques où sont débattus des thèmes farfelus qui ne remettent aucunement en cause les poncifs d’un néolibéralisme qui ne fait plus de quartier. Il est manifeste que nos oligarques aux commandes sont pressés d’en finir avec des notions telles que la « lutte des classes » ou la « souveraineté des nations ». Voilà pourquoi les activistes, autorisés à prendre la parole, prônent une kyrielle d’idées qui tournent invariablement autour de l’abolition des frontières, de la redéfinition des structures familiales et sociales, de la dénonciation de l’appareil d’état et de son rôle au niveau de l’organisation de la société. Tout sauf un programme de revendications qui aurait le mérite d’identifier des problématiques susceptibles d’interpeler la nature et la structure du désastre historique qui menace de faire imploser la France à brève échéance.

L’ouverture des frontières est la panacée promise

L’état ne parvenant plus à contenir la masse des migrants qui déferle aux quatre coins de l’Hexagone, l’économie se dirigeant vers un crash anticipé depuis 2008 et la jeunesse ne voyant plus la lumière au bout du tunnel, vivement une « révolution colorée » pour distraire les masses et procéder, manu militari, au « changement de régime » qui s’impose.

Sur ces entrefaites, il faudra peser sur l’accélérateur pour que la jeunesse aux aboies réclame encore plus d’ouverture des frontières et focalise toute sa hargne en direction des patriotes de tous poils qui sont assimilés à de viles fascistes sans autre forme de procès. Puisque, ne l’oublions pas, la mise-à-mort de la souveraineté des nations est au cœur de tout ce processus d’ingénierie sociale et de prise de contrôle de la sphère politique. Il n’y a qu’à consulter les soi-disant sites « alternatifs » ou « citoyens » pour réaliser à quel point l’« accueil des migrants » et l’« abolition des frontières » représentent des invariants qui font office de profession de foi au cœur même d’un véritable dispositif de consentement collectif. Comme si les états nationaux – et le peu de prérogatives régaliennes qui leur reste – étaient les responsables de la délocalisation des centres de production, de la spéculation sur les marchés financiers ou de l’éclatement de conflits militaires qui sont destinés à redessiner la géographie du monde tout en faisant les choux gras du complexe militaro-industriel.

L’« ouverture » sur le monde, sur les autres et sur de nouveaux modes de vie apparaissant sous son vrai jour, c’est-à-dire comme une panacée destinée à préparer les esprits faibles à accepter l’inévitable. Puisqu’il s’agit de préparer le terrain pour que soit, enfin, adoptés une poignée de traités transatlantiques qui permettront aux multinationales de l’Empire de faire main-basse sur les sédiments de ce qui constituait la charpente des nations occidentales. Pendant que les idiots utiles du grand capital, guidés par les faux-prophètes de l’altermondialisme (mouvements citoyens factices au service d’un mondialisme réel et effectif), s’en prennent aux places symboliques de la cité, d’autres activistes, moins scrupuleux et plus aguerris, procèdent aux dernières modifications à apporter afin que tout ce bouquet de traités mortifères se transforme en tombeau de nos souverainetés nationales.

Il est révélateur de consulter les articles de la presse anglo-saxonne dite « alternative » pour réaliser à quel point les médias de l’Empire sont bien mieux renseignés que les officines de la rectitude francophone. Alors que le très britannique « The Guardian » s’extasie face à cette « nouvelle révolution générationnelle », un obscur organe de presse dénommé « open Democracy – free thinking for the world » souligne que « ce qui distingue un mouvement social de toutes autres formes de mobilisations c’est le fait qu’il ne se focalise pas autour d’une revendication en particulier (telle qu’une réforme du monde du travail), mais remette, plutôt, en question certaines des valeurs qui constituent les fondements d’une société ». Tout est dit, la coupe est pleine !

Les observateurs aguerris se questionnent au sujet de cette nouvelle « révolution colorée » qui ne va nulle part. Il y a péril en la demeure, puisqu’une partie de cette jeunesse manipulée risque de se transformer en cohortes de zombies appelés à provoquer d’innombrables zones de turbulence dans un contexte où une part croissante de la population n’en peut plus d’être prise en otage quotidiennement. Parce que c’est de cela qu’il s’agit : après avoir été trahis par la classe politique, les citoyens lambda doivent céder la place publique à une génération spontanée de contestataires qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes. Mais, qui ont le mérite d’intéresser les médias, trop heureux de se sustenter au beau milieu de cette orgie de non-sens.

Patrice-Hans Perrier

L’auteur de ce billet est un journaliste indépendant qui surveille la scène politique des deux côtés de l’Atlantique. Et, de fil en aiguille, l’analyse cèdera bientôt la place à la littérature dans son plus simple appareil.

 

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