Comment la culture moderne détruit nos pays 

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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 Comment la culture moderne détruit nos pays 

On nous parle de la catastrophe économique italienne ou espagnole. Je dois dire que j’en moque un peu et que vais ici parler de la catastrophe culturelle et morale de ces deux magnifiques pays à qui une grande partie de l’humanité doit tant. J’ai parlé de la culture moderne comme arme de destruction massive. On y est en plein ici.

La catastrophe anthropologique actuelle est déjà décrite par Pier-Paolo Pasolini dans ses écrits corsaires, publiés par la presse italienne vers 1974, juste avant son assassinat. Pasolini observe que le vrai Grand Remplacement, celui des âmes et des cerveaux, a eu lieu avec notre américanisation, l’hédonisme et la télévision. Les attentats false flag qu’il dénonce, et qui se succèdent en Italie à une vitesse démente pour « mettre fin à une opposition politique apparue par surprise » (Guy Debord) jouent un grand rôle vers 1970. Ce drôle de néomarxiste (il aime la société soviétique), de chrétien (il est opposé à la lâcheté du nouveau Vatican) et d’homosexuel (il est opposé à l’avortement) n’y va pas par quatre chemins : « leur silence et leur passivité ont l’apparence d’une atroce névrose euphorique, qui leur fait accepter sans aucune résistance le nouvel hédonisme avec lequel le pouvoir réel remplace les hautes valeurs morales du passé. »

Pasolini était effaré par la fin rapide de la civilisation paysanne (il a raison), soulignant ensuite que tout va disparaître, la tradition, l’éducation, la confession religieuse.  Le cinéma italien connaît d’ailleurs sa dernière grande décennie avant de disparaître avec tous ses maîtres Risi, Visconti, Fellini, etc. (Bertolucci n’est ni italien ni cinéaste).

Le laïcisme de nos abrutis des médias lui répugne : c’est « un hédonisme néo-laïc, aveuglement oublieux de toute valeur humaniste et complètement étranger à toutes les sciences humaines. »

La tradition de résignation et de patience et de sacrifice disparaît : « les italiens en effet ne veulent plus abandonner cette commodité et ce bien-être, même misérable, qu’ils ont atteint.”

Vive mon confort, mort aux valeurs !

L’Eglise ralliée va en crever, sur fond de fin des paysans : « la fin de l’église est désormais inévitable, à cause de la trahison de millions et de millions de fidèles, surtout ces paysans convertis à la laïcité et à l’hédonisme consommateur. » Mélange de nihilisme, de conformisme bovin et de nullité morale et spirituelle, la laïcité est en effet très prometteuse. On découvre aujourd’hui sa haine rageuse du christianisme et son adoration pour tout ersatz de substitution religieuse.

Pasolini souligne la salauderie de la démocratie chrétienne soumise aux USA, ainsi que la salauderie du christianisme bourgeois et mondain qui se recycle alors dans la construction européenne et la mondialisation libérale (mais la colère, comme dit l’apôtre, finira par les atteindre).

Il écrit que l’Eglise de Vatican II, « pas très cultivée » risque de connaître une fin peu glorieuse, et qu’elle devrait tout faire pour éviter cette « fin non glorieuse » (ingloriosa). » Il ajoute que « le plus grave serait d’accepter passivement sa propre liquidation. » C’est ce qu’on fait pourtant.

Citons ma phrase préférée de Léon Bloy : «Et ce cortège est contemplé par un peuple immense, mais si prodigieusement imbécile qu'on peut lui casser les dents à coups de maillet et l'émasculer avec des tenailles de forgeur de fer, avant qu'il s'aperçoive seulement qu'il a des maîtres, — les épouvantables maîtres qu'il tolère et qu'il s'est choisis. »

L’hédonisme se fout de tout (macché sacrificio…) avec son outil la télévision, bien attaquée aussi par d’autres maîtres alors - comme Godard ou Fellini : « et puis quoi le sacrifice, et puis quoi la foi, et puis quoi l’ascétisme, et puis quoi les bons sentiments, et puis quoi ces bonnes manières. »

Et le maître de ponctuer : « la télévision a été le principal artisan de la victoire du non au referendum, à travers la laïcisation des citoyens. »

La laïcisation des citoyens, on la retiendra celle-là. A la même époque le philosophe marxiste Henri Lefebvre pleure son église campagnarde et agraire. Car le marxisme ne survivra pas non plus à la société industrielle qui industrialisa l’homme.

La tolérance est déjà au goût du jour, et la laïcité de nos saligauds : « le système et l’hédonisme ridiculisent l’épargne, la prévoyance, la respectabilité, la pudeur, la retenue, tous les bons sentiments d’antan. »

Pasolini conclue que le consumérisme et  l’hédonisme de masse ont abouti à une  « révolution anthropologique. »

Le cinéaste fut assassiné quelques mois plus tard. Le film Salo établissait le lien entre libéralisme libertaire et fascisme, reliés par Sade et le dérèglement sexuel (voyez les scandales pédophiles un peu partout, et lisez mon texte sur Sade et la mondialisation).

A quarante ans de là, je donne les grands moments d’une interview qui fit scandale en Espagne, celle du grand historien américain du franquisme Stanley Payne. Voici ce que disait Payne à ses journalistes interloqués (trop bêtes sans doute pour être scandalisés) : « l’espagnol moyen s’est converti en un être anesthésié dépourvu d’ambitions transcendantales ». Payne ignore les soi-disant bouleversements technologiques (on n’est pas sur la lune, l’énergie est hors de prix, et les vols aériens sont plus lents qu’en 1970) et il souligne que les moyens de communication ont atomisé les espagnols en anesthésiant la société, comme dans les autres pays développés. Du vrai Tocqueville…

Payne reprend le thème de l’abrutissement par la technologie, la communication, l’hédonisme, de la télé-poubelle ou le sport, qui en Espagne vire à l’obsession tératologique.

Il ajoute que le citoyen entretenu demande un peu, mais pas beaucoup pour bouffer et regarder sa télé ou son portable…  Il est modeste dans ses appétits, ajoute-t-il cruellement. Enfin il précise ce qu’on appelle d’un point de vue historique le politiquement correct, le buénismo. Ce bonisme prétend dominer la société et éviter les révoltes en promouvant le conformisme.

C’est toute la vague des pseudo-antisystèmes (Podemos, Syriza, etc.) que notre savant américain dénonce bien ici.

 

 

 

Sources

Nicolas Bonnal – Chroniques ; la culture comme arme de destruction  massive (Kindle-Amazon)

Pasolini – Ecrits corsaires

Payne – El español medio se ha convertido…

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