“C’est un salopard mais c’est notre salopard” (citation des années 1950)

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Sur le site atimes.com, Pepe Escobar dresse un portrait convaincant du dictateur Karimov et de ses œuvres récentes en Ouzbekistan, avec massacres divers dont il a bien fallu se faire l’écho dans la presse libre des démocraties avancées. Les soldats ouzbeks, entraînés par les Special Forces US, ont mis bon ordre dans le désordre qui pointait. Escobar nous raconte assez bien pourquoi Karimov est “notre homme” (autre expression fameuse): pétrole, position stratégique, réalisme de fer, à-la-Brzezinski avec son “Grand Échiquier”. Le malheureux Pépé Escobar s’en étrangle de rage.

« So you won't see the White House, or Secretary of State Condoleezza Rice, hammering Karimov. You won't hear many in Washington calling for free elections in Uzbekistan. The former strongmen of color-coded, “revolutionary” Georgia, Ukraine and Kyrgyzstan were monsters who had to be removed for “freedom and democracy” to prevail. So is the dictator of Belarus. Not Karimov. He's “our” dictator: the Saddam Hussein of Central Asia is George W Bush's man. »

Dans les années 1950, évoquant un dictateur d’Amérique centrale, un ambassadeur US de l’administration Eisenhower, une sorte de Negroponte de l’époque mais au parler leste et réaliste, avait eu cette phrase fameuse : « He’s a bastard but he’s our bastard » (traduit par “C’est un salopard mais c’est notre salopard”). Il signifiait par là que le salopard en question n’était bien sûr pas très fréquentable, comme tout salopard qui ne se respecte pas, mais qu’il émargeait à la CIA et défendait les intérêts US dans son pays, et donc qu’on ne toucherait pas à un seul de ses cheveux malgré ses turpitudes abominables.

Karimov, c’est “notre dictateur” des années 2000 (nous sommes plus policés, c'est là que niche le progrès moral), et il se trouve que nous nous trouvons dans la région richement dotée et proclamée essentielle du Caucase. En réalité, à part la géographie rien de très nouveau. L’aventure du massacre en Ouzbekistan et de la non-réaction de Washington est d’une banalité consternante. Des péripéties de cette sorte nous rappellent aussi ce qu’il y a de pauvreté dans l’aventure américaniste, entre l’ivresse des mots et la platitude, éventuellement sanglante, des situations. Elles nous ramènent sur terre, au chevet du petit homme faisant fonction de Président.


Mis en ligne le 16 mai 2005 à 18H00