Baudelaire et la sauvagerie américaine

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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 1924

Baudelaire et la sauvagerie américaine

Le massacre pas très fin et pas très bien raconté surtout (et pour cause…) de fric-city Las Vegas a rajeuni tous les pessimistes es-déclin. Et de tonner contre ce monde pourtant si bien où tout fout le camp, contre cette bonne vieille société démocratique-  et surtout libre et libérale – où soudainement « on ne respecte plus rien » !

Récemment donc, l’ex-agent DEA David Hathaway commençait ainsi sa bonne chronique réac sur notre bon site libertarien de Lewrockwell.com :

‘When you observe shootings; divorce; drug use; low savings rates; diminished work ethic; an increased focus on recreational pursuits; few or no offspring; disrespect within the family; personal mutilation; skimpy clothing; loud-mouthed arrogance; foul-mouthed internet culture; youtube skate-and-crash motifs; non-musical music; and diminished desire and ability to read, study and learn; you may think, why now?’

On a l’impression que cette dégénérescence US est récente, alors ? Non, sans rire ? Et si c’était faux ? Ah, les années soixante, ah, Clinton ?

Or ce pays faisait peur à Baudelaire (voyez mon texte, voyez aussi celui sur Poe) avec ses lynchages, son avortement pour toutes et son racisme avéré. Cette fois lisons Imperium du fameux Francis Parker Yockey écrit au lendemain de la deuxième guerre mondiale :

“American family life has been thoroughly disintegrated by the Culture-distorting regime. In the usual American home, the parents actually have less authority than the children. The schools enforce no discipline, nor do the churches. The function of forming the minds of the young has been abdicated by all in favour of the cinema.”

Yockey parle comme Alexis Carrel (voyez mon livre là aussi). Il rajoute, alors que les comédies screwball faisaient fureur sur les écrans, célébrées alors et depuis comme des chefs d’œuvre de l’espèce humaine par notre critique ciné aux ordres :

“Marriage in America has been replaced by Divorce. This is said with no paradoxical intent. In the large cities, statistics show that one of every two marriages ends in divorce. Taking the country as a whole, the figure is one in three. This situation can no longer be described as Marriage, since the essence of Marriage is its permanence. The divorce trade is a large business upon which lawyers, private detectives and other charlatans thrive, and from which the spiritual standards of the nation suffer, as reflected in the emotionally indifferent attitude of American children.”

Cette indifférence émotionnelle des enfants made in USA (on n’est plus nationaux, on est « made in ») fait peur ; mais Gustave de Beaumont l’évoque dans son livre Marie, ou de l’esclavage ! La famille sans sentiments…

Yockey ajoute, plus inspiré :

“The Western erotic, grounded in the chivalry of Gothic times, with the concomitant honour-imperative of the centuries of Western history, has been driven out. The ideal of Wedekind, the Culture-distorter who preached compulsory Bohemianism in Europe around the turn of the 20th century, has been realized by the Culture-distorting regime in America. Inverted puritanism has arisen.”

On peut noter qu’on a réimposé le puritanisme à coups de féminisme et de lois sur le harcèlement et autres, d’origine nazie d’ailleurs (lisez encore mon texte sur ce sujet, Hitler et le politiquement correct).

Certains diront que Yockey était fasciste. Ils n’ont qu’à lire la bio de Brando par Manso (voyez ma damnation des stars) ou celle de Jobs par Isaacson. Les deux sans le vouloir offrent un panorama désolé et désolant de la terre américaine sur le plan des valeurs morales et de l’éthique sociale. Et on est dans les années quarante et cinquante que beaucoup évoquent avec une larme à l’œil sans y voir de plus près. Je pourrai remonter et citer Edward Allsworth Ross ; j’ai écrit un chapitre sur ce sociologue dans mon livre sur Trump, qui décrit les mœurs sauvages des trente millions de migrants en Amérique, qui vivent à dix sur une femme, se battent dans des bidonvilles et déplacent les américains de souche, comme on dit…

Et comme on commence à me gaver avec le drapeau américain, le patriotisme américain et les bonnes manières américaines, je repasse un peu de Baudelaire et de ses textes sur Edgar Poe (on appréciera le fait qu’il décrit déjà la tuerie de Las Vegas, un classique somme toute là-bas) :

« Mais ce qui est difficile dans une monarchie tempérée ou dans une république régulière, devient presque impraticable dans une espèce de capharnaüm, où chacun, sergent de ville de l’opinion, fait la police au profit de ses vices – ou de ses vertus, c’est tout un, – où un poëte, un romancier d’un pays à esclaves est un écrivain détestable aux yeux d’un critique abolitionniste, – où l’on ne sait quel est le plus grand scandale, – le débraillé du cynisme ou l’imperturbabilité de l’hypocrisie biblique. Brûler des nègres enchaînés, coupables d’avoir senti leur joue noire fourmiller du rouge de l’honneur, jouer du revolver dans un parterre de théâtre, établir la polygamie dans les paradis de l’Ouest, que les Sauvages (ce terme a l’air d’une injustice) n’avaient pas encore souillés de ces honteuses utopies, afficher sur les murs, sans doute pour consacrer le principe de la liberté illimitée, la guérison des maladies de neuf mois, tels sont quelques-uns des traits saillants, quelques-unes des illustrations morales du noble pays de Franklin, l’inventeur de la morale de comptoir, le héros d’un siècle voué à la matière. Il est bon d’appeler sans cesse le regard sur ces merveilles de brutalité, en un temps où l’américanomanie est devenue presque une passion de bon ton, à ce point qu’un archevêque a pu nous promettre sans rire que la Providence nous appellerait bientôt à jouir de cet idéal transatlantique ! »

Et encore un peu de Baudelaire (Fusées) pour couronner le tout…

« Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges, ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ses résultats positifs. »

« L’atrophie spirituelle » dont parlera Carrel c’est bien ce qui caractérise ce public abruti qui va écouter les concerts sous contrôle CIA ou avaler les répugnantes explications officielles et médiatiques…

 

Quelques sources

Baudelaire – Notes nouvelles sur Edgar Poe (préface aux nouvelles histoires extraordinaires, ebooksgratuits.fr)

Bonnal – Trump, de la trahison à la rébellion ; la damnation des stars (Filipacchi, disponible en Kindle) ; chroniques sur Dedefensa.org

Edouard Allsworth Ross – The old world in the new (1914)

David Hathaway, the erosion of culture (lewrockwell.com)

Francis Parker Yockey – Imperium

 

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