9/11 dans les sables libyens

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9/11 dans les sables libyens

8 septembre 2011 – L’affaire libyenne ne cesse d’être passionnante, de plus en plus et de jour en jour, comme le serait un artefact si représentatif de son époque, à la fois artefact simulacre et artefact monstrueux, avec le cortège d’aberrations, de nonsense, de manipulation et de destructions qui va avec. On parle de la situation politico-militaire, étrange, à la fois prévisible et imprévisible, qui s’est installée. La question centrale, qui envahit désormais la scène de la communication à propos de cette affaire libyenne, c’est celle des islamistes. Elle est tellement brûlante que les Israéliens, ou dans tous les cas certains d’entre eux dans les milieux de la sécurité nationale, jugent que la Libye est devenue l’une des “menaces les plus graves” qu’a à craindre Israël, parce qu’elle est d’ores et déjà aux mains des islamistes.

Nous allons nous arrêter à trois “faits du jour”, trouvés dans les enquêtes et commentaires de journalistes, et dans une conférence d'un officiel (US).

• Le 6 septembre 2011, Soumaya Ghannoushi, du Guardian, publie un article intéressant sur la situation libyenne. Elle décrit les divisions considérables qui existent au sein des forces rebelles, notamment entre le CNT autoproclamé et les combattants rebelles, parmi lesquels on trouve nombre d’islamistes. Elle rapporte que le président du CNT, Jabril, a lancé un avertissement selon lequel il existe “des extrémistes fondamentalistes dans les rangs des rebelles”, appuyé par Abdurrahman Shalgham, ancien ministre des affaires étrangères de Kadhafi et chef de l’actuelle délégation libyenne à l’ONU, accusant le chef des forces rebelles élu à Tripoli (Abdel Hakim Belhadj, l’homme torturé par la CIA et le MI6) d’être “plus un prêcheur qu’un chef militaire”, appuyé encore par un autre membre du CNT, Othman Ben Sassi, disant du même Belhadj  : “Il n’était rien, rien du tout. Il est arrivé au dernier moment et a organisé quelques petites unités”. Ce à quoi Ismail Sallabi, un des membres du Conseil Militaire de Tripoli, réplique en conseillant au CNT de démissionner collectivement puisqu’il n’est fait que de “rescapés de l’époque Kadhafi, une bande de libéraux sans aucun soutien dans la société libyenne”. Le même Sallabi, exprimant une opinion répandue chez les combattants, affirme que l’offensive a pris le CNT complètement par surprise et a complètement bouleversé ce qu’il affirme avoir été la stratégie de l’OTAN : geler la situation et réaliser une partition de facto entre l’Est “libéré” et l’Ouest laissé à Kadhafi.

…Ambiance, par conséquent, largement alimentée par la situation réelle de la Libye new age , selon Soumaya Ghannoushi : «After six months of defiant resistance, fiery speeches, chilling threats and blood-curdling brutality, Gaddafi has finally fallen on his sword. His collapse, however, is far from the end of the story. Instead, it heralds the start of a more complicated chapter in his country's history. As tanks surround Gaddafi's last outposts in Sirte, the cold war over the country's future gathers pace. The common enemy has been forced out of the scene, and now the vast differences between those he had brought together return to occupy the centre stage.

»The vacuum created by Gaddafi's departure is now filled by two polarised camps. The first is the National Transitional Council (NTC), made up largely of ex-ministers and prominent senior Gaddafi officials who jumped from his ship as it began to sink. These enjoy the support of Nato and derive their current power and influence from the backing of western capitals. The second is composed of political and military local leaders who have played a decisive role in the liberation of the various Libyan cities from the Gaddafi brigades.

»The thousands of fighters and activists these command are now convened within local military councils, such as the Tripoli council, which was founded following the liberation of the capital and which recently elected Abdul Hakim Belhaj as its head…»

• Le 7 septembre 2011, Justin Raimondo, de Antiwar.com, développe une théorie complexe, estimant qu’apparaît avec l’affaire libyenne une nouvelle espèce politique, les “islamistes neocons”, directement “développée” par le bloc américanistes-occidentalistes. Il en fait surtout une entreprise britannique, ce qui correspond bien à la tendance britannique, faite de machiavélisme et de fascination pour le monde musulman, d’intervenir avec des plans tortueux dans les intriques islamiques et musulmanes, depuis l’odyssée du colonel Lawrence jusqu’à l’initiative du MI6 préférant, en 1980, favoriser en Iran l’islamisme radical de Khomeini contre les communistes (le MI6 livra aux khomeinistes, sans aucune contrepartie, la liste complète des membres dirigeants et cadres du parti communiste iranien, ce qui conduisit à l’anéantissement des communistes iraniens et le renforcement décisif du régime Khomeini). Raimondo fait aussi un parallèle avec la stratégie de la CIA incorporant dans ses organisation frontistes type Congrès pour la Liberté de la Culture de la fin des années 1940 des trotskistes pour lutter contre l’URSS et le communisme stalinien. (Nombre de neocons peuvent effectivement être identifiés par une ancienne filiation trotskiste.) Actuellement, estime Raimondo, on retrouve ce schéma au travers de l’organisation, également frontiste si l’on veut, de la fondation Quilliam de Londres («a UK government-funded counter-radicalization think tank in London», selon le Guardian), organisant des islamistes anti-radicaux islamistes, et dont des gens comme Abdul Hakim Belhadj seraient les “sous-marins” en Libye… Bref, un montage comme les affectionnent les services anglo-saxons, MI6 et CIA en tête. Raimondo ne doute pas une seconde que ce montage devrait amener à de terribles effets boomerang aux dépens du bloc BAO, selon l’habitude…

«If you’ve been baffled by the installation of an Islamist regime in Libya by force of NATO arms – well, now you know. We’re aiding one wing of the Islamist movement in order to fight the “extremist’ wing, on the theory that we can domesticate these tigers and turn them into tabby cats.

»If ever a policy was destined to provoke blowback of the worst and deadliest sort, then this is certainly it. The unintended consequences of building up an Islamist movement, not only in Libya but throughout the Middle East, are too obvious to require much explanation. Suffice to say here that the citizens of the newly-minted Libyan “emirate” – forced to live and suffer under a regime of imposed Sharia law – will pay the price of our “strategic” cleverness. So much for the myth that the West is “exporting democracy” throughout the world. What is being exported here is a cadre of Western proxies, whose role as servitors of Washington, London, and Paris is clothed in the religious robes of Quilliamite Islam.

»One fully expects a repetition of this ploy in Egypt, and throughout the Muslim world. As the anniversary of the 9/11 attacks approaches, one thing is clear: we in the West have learned nothing about how to avoid the unintended consequences of our interventionist policies.»

• Enfin, on signale une conférence donnée le 6 septembre 2011 (texte de présentation de AOL.Defense.com), par John Brennan, conseiller d’Obama et coordinateur de la lutte antiterroriste US. Brennan est très préoccupé par la situation en Libye, la pénétration des islamistes chez les rebelles, etc. Si l’on tient compte des obligations de retenue en public, on conclura que Brennan porte sur la situation libyenne un jugement très pessimiste.

«John Brennan, speaking at an intelligence conference organized by the Center for Strategic and International Studies and the Intelligence and National Security Alliance (INSA), twice mentioned concerns about weapons caches in Libya and made clear worries they could make their way into the hands of al Qaeda. Brennan said administration officials “are working very closely” with the transitional government but said there are “lots concerns” because much of the country is not under the firm control of either side.

»Then he made the administrations concerns about al Qaeda getting their mitts on weapons like crystal clear, saying that “a lot of the senior al Qaeda leaders are Libyans... so it's important to work closely with” the new government.»

Prenons le problème de la détermination de la situation libyenne selon le sens qui importe, qui est celui de la communication, en laissant “les faits” de côté, – tant cette notion de “fait”, renvoyant en principe à une “réalité” établie, est totalement subvertie, insaisissable, soumise à toutes les déformations faussaires, dans tous les sens. Parlons de communication, qui est le domaine de la perception influant sur la psychologie, et, de là, sur le jugement et les décisions. Nous parlons donc de narratives, selon le terme que nous affectionnons, ce qui conduit à observer qu’il y a des narratives concurrentes ; il convient alors de déterminer laquelle “prend la tête”, pour éventuellement s’imposer ; nous tiendrons alors la “réalité” triomphante, celle qui va s’imposer aux psychologies. Peu importe que cela n’ait méthodologiquement rien à voir avec la réalité en tant que telle, puisqu’à notre sens ce concept n’a plus aucune validité dans le contexte qui nous importe. Au contraire, en déterminant cette situation selon les narratives, et laquelle s’impose, nous tiendrons une situation qui nous rapprochera de la vérité. Dans ce cas, effectivement, la vérité n’a rien à voir avec la soi-disant réalité, ou les “réalités” ; la vérité de la situation sera ce que nous en déterminons, par rapport aux jugements et positions, et donc aux actions, des principaux acteurs, eux-mêmes prisonniers des différentes narratives, et, au bout du compte, de la narrative qui l’emporte.

…Or, ce que nous avons détaillé plus haut, de la part de commentateurs et autres choisis comme exemples plutôt que comme des exceptions, et suffisamment représentatifs, autorise à penser que la narrative qui est en train de prendre le dessus pourrait être celle de la “prise du pouvoir” en Libye par la “partie” islamiste. Rien de précis sur ce dernier point, savoir qui est qui, si al Qaïda est actif, le al Qaïda mythique dont l’existence n’a nul besoin d’être avérée pour que l’effet psychologique potentiel se concrétise ; mais nous n’avons besoin d’aucune précision à cet égard, puisqu’il s’agit de narrative et de perception, et que cela suffit amplement dans une telle époque plongée dans la subjectivité incontrôlable, schizophrénique et paranoïaque, pour déterminer des jugements, des politiques, des décisions importantes.

Bien entendu, la notion de “prise de pouvoir” n’a ici qu’une forme symbolique d’image. Il est hors de question d’avancer un jugement formel, concernant une structure formelle, bien en place, agissant à visage découvert, etc. Par “prise de pouvoir”, nous entendons essentiellement le constat d’un rapport de force favorable d’une part, d’une tendance générale d’autre part. Lorsqu’un Ismail Sallabi, un membre du Conseil Militaire de Tripoli et de tendance évidemment islamiste, dénonce le CNT comme “une bande de libéraux sans aucun soutien dans la société libyenne”, il énonce à notre sens un argument qui a beaucoup de poids dans la mesure où il identifie le CNT aux Occidentaux de bloc BAO qui devraient, à un moment ou l’autre, si ce n’est déjà fait, être identifiés comme des “envahisseurs” ou des “occupants”, y compris de la part des anciens partisans de Kadhafi. (Au reste, on notera que les sources israéliennes qui suivent de près les événements ne cessent de rappeler que Kadhafi et ses partisans sont prêts à chercher un terrain d’entente “avec al Qaïda”, – disons, plus généralement, “avec les islamistes”.) Dans le cadre général de la situation confuse de la Libye aujourd’hui, le processus conduisant à afficher une certaine hostilité au bloc BAO a beaucoup de chance de se réaliser, et il se réaliserait alors avec des alliances inattendues, dans lesquelles les islamistes des rangs rebelles auraient largement leur place, en s’opposant à cette “bande de libéraux” du CNT, – “libéraux“ désignant dans ce cas, la tendance à épouser la cause américaniste-occidentaliste.

Quant à la version donnée par Raimondo, et d’ailleurs aussitôt tempérée par lui par l’annonce qu’elle débouchera très vite sur un “effet boomerang” pour l’Ouest, elle est concevable dans son principe, mais elle souffre de l’absence de prise en compte de deux éléments. D’une part, la position antagoniste évidente d’Israël face à une telle possibilité (et l’on sait, Raimondo le premier, le poids d’Israël dans les croisades du bloc BAO) ; d’autre part, la position complètement ambiguë des services de renseignement britanniques (le MI6), qu’on aurait effectivement bien vu machiner un tel montage, mais qui ont suivi d’autre part, depuis des années, une politique “officielle” complètement inverse en collaborant activement, et même avec enthousiasme, avec Kadhafi. On doit d’ailleurs noter une remarque significative de Abdel Hakim Belhadj, déjà mentionné plus haut comme le chef des militaires rebelles à Tripoli victime il y a quelques années d’une campagne de “torture” CIA/MI6, qui semblerait indiquer qu’il aurait découvert à cette occasion le double jeu du MI6, – ce qui pourrait confirmer qu’il y a eu des contacts et une coopération entre les islamistes et le MI6, mais conduirait alors à conclure que le “double jeu” du MI6 compromettrait d’avance la simple mise en route du scénario envisagé par Raimondo. (Selon le Guardian du 4 septembre 2011 : «Belhaj told the Guardian that British spies were among the first to interrogate him after he was returned to Tripoli, and that he was very “surprised that the British got involved in what was a very painful period in my life”».)

…Cela n’est pas pour signifier que l’analyse de Raimondo est infondée, mais plutôt qu’elle doit être raccourcie, sinon réduite à rien dans sa partie “coopération” dans la situation présente entre le bloc BAO et les islamistes. Dans ce cas, les manigances qu’envisage Raimondo n’auraient eu comme effet que de renforcer les islamistes, et de favoriser leur affirmation dans l’équation du pouvoir en Libye.

Symboliquement, subversion retournée par l’inversion

…Dans tous les cas, la scène est bien campée pour que les islamistes tiennent un rôle majeur dans l’avenir de la Libye, ce qui ne correspondrait pas vraiment, sur le fond des choses et dans les circonstances qu’on décrit, à la planification américaniste-occidentaliste mais qui, par contre, constitue une potentialité particulièrement intéressante, et hautement symbolique à l’approche du dixième anniversaire de l’attaque du 11 septembre 2001. (Ne parlons pas des Français, laissons-les à part, par charité et par respect pour ce que la Grande Nation sait être lors de ses périodes où elle se rejoint elle-même. Dans ce cas, les Français ont exécuté assez joliment une opération dont l’inspiration arrive au prodige d’être à la fois complètement vide et si complètement basse qu’elle parvient à en être négative. Littéralement, les Français ne savent pas ce qui s’est passé, – d’où le vide, – et pourtant ils ont fait une action mauvaise en substance, – donc, vide, mais tout de même négative, une sorte d’exploit de l’intelligence française enfin débarrassée du poids des concepts structurants régénérés par le gaullisme, tels que souveraineté, légitimité, équilibre des relations internationales, “politique arabe”, etc.)

Nous devons juger l’affaire libyenne, impérativement à la lumière du dixième anniversaire de 9/11, pour atteindre à la dimension symbolique qui, derrière le désordre qu’on a décrit, restitue la vérité de la chose. Cette approche nous dispense, non seulement de débattre, et même de les mentionner en détails, de toutes les thèses conjoncturelles et de circonstance, sur l’entreprise néocoloniale du bloc BAO, sur la guerre du pétrole, sur les plans d’expansion de l’OTAN ou sur le besoin spasmodique d’African Command (le dernier bébé en date du Pentagone) d’arriver à aménager la base abritant son quartier-général sur le territoire africain. (On se demande si le Pentagone ne poursuit pas un rêve secret ; sans doute s’imagine-t-il qu’il aura le Grand Prix Spécial du Jury lorsqu’il disposera de sa millième base dans les terres extérieures; grand bien lui fasse, le brave Moby Dick et son inépuisable ambition quantitative dont la réalisation ne cesse de l’accabler et de l’enfoncer, dans sa parfaite trajectoire autodestructrice.)

Le symbole, c’est autrement sérieux. De même que 9/11 ne vaut que par le symbole, et nullement par les torrents de larmes éditorialistes actuellement en cours de déversement, l’affaire libyenne, devenu un capharnaüm pétro-sablonneux, ne peut être véridiquement estimée que par son interprétation symbolique. Dans ce cas, ce qu’on a dit de la perception de l’affirmation islamiste s’impose plus que jamais comme le facteur absolument essentiel.

Nous posons l’idée que 9/11 a orienté, à partir de 2001, la politique extérieure du bloc américaniste-occidentaliste vers une nième tentative pour introduire en elle-même une dimension métaphysique. Vu la manifestation de la chose, il s’agit bien entendu d’une “métaphysique de la force”, cette étrange conception dont Guglielmo Ferrero fait de sa critique furieuse le fondement de la pensée philosophique de Talleyrand (dans Reconstruction, – Talleyrand au Congrès de Vienne). Talleyrand, selon l’interprétation toute de finesse et de hauteur de Ferrero, avait par nature un “esprit reconstructeur”, c’est-à-dire un esprit à la recherche d’une structuration des relations internationales, dans la recherche de l’harmonie et de l’équilibre qui sont le contraire de l’exploitation de l’usage de la force qui porte en soi la contrainte déstructurante. Il considérait l’usage immodéré de la force, hors de toutes les règles, que ce soit avec les guerres révolutionnaires (surtout à partir de la campagne d’Italie conduite par Bonaparte mais sur instructions précises du Directoire), puis avec les guerres napoléoniennes, comme une poussée déstructurante majeure. (Cela rencontre évidemment notre interprétation du “déchaînement de la matière” à cette même époque.) Talleyrand en faisait effectivement une critique métaphysique en interprétant négativement ce concept totalement subverti jusqu’à l’inversion de la “métaphysique de la force”. Depuis cette période de la Grande Peur (expression employée par Ferrero) de 1789-1815, d’autres tentatives ont eu lieu dans le cadre de l’“idéal de puissance” véhiculé par certaines forces américanistes-occidentalistes, chaque fois avec des résultats catastrophiques engendrant de nouveaux désordres. 9/11 a déclenché une nouvelle tentative de cette sorte, cette fois appuyé sur tout un appareil dialectique, une narrative d’une puissance considérable, utilisés comme outil justifiant le déchaînement de la force (de la matière).

Contrairement aux interprétations primaires qui s’en tiennent à la lettre de la narrative, comme on s’accroche à la dimension véridique du mensonge qu’on croit vrai, l’habillage de communication, – dito, la démocratie, les droits de l’homme, – ne constitue rien d’autre que “la boîte à outils”, selon l'expression qu'ils affectionnent, de cette dynamique. L’enjeu de l’établissement de cette “métaphysique de la force” à partir de 9/11, c’était l’anéantissement, ou la réduction, ou la conversion, etc., de tout ce qu’il pouvait y avoir d’islamiste. Encore une fois, inutile de s’attarder à une analyse de la chose, il se trouve que l’islamisme faisait l’affaire comme matière sur laquelle exercer la force pour forcer à la métaphysique. Cette tentative de “métaphysique de la force” constituait, évidemment, une nième tentative de subversion d’une forme de pensée (la métaphysique) qui ne peut plus exister selon les seules normes modernistes, américanistes et occidentalistes telles qu’elles nous apparaissent au grand jour. La politique extérieure issue de 9/11 était donc en soi profondément subversive.

L’étonnant miracle de l’affaire libyenne, avec ces islamistes qui pullulent, proches de prendre le pouvoir à Tripoli, et qui seront naturellement baptisés “démocrates” s’ils y parviennent puisque les robots congénitaux qui nous dirigent ne peuvent imagine de se dédire, c’est bien que la mouvance islamiste est en train de retourner contre le bloc BAO sa méthodologie de “métaphysique de la force”. Cette position prééminente des islamistes est en effet une complète inversion de l'essence frelatée de la politique de force justifiée et inspirée par 9/11. L’affaire libyenne est en train d’opérer une inversion d’un processus qui constituait lui-même une subversion de la politique extérieure et des relations internationales. Dans ce cas, le meilleur symbole qu’on puisse trouver est le “général” (est-ce son grade autoproclamé ?) Abdel Hakim Belhadj, “traité” pendant plus d’un un an par les SR de Kadhafi, par la CIA et le MI6, et qu’on retrouve caracolant à Tripoli, demandant des explications techniques à ses ex-amis du MI6 qui avaient failli faire de lui un nouveau colonel Lawrence.

…Cela fait tout de même plus sérieux que l’exécution de ben Laden par les mirifiques SEAL, et une façon plus digne de fêter le dixième anniversaire de 9/11. Abdel Hakim Belhadj n’est pas autre chose que le résultat, à la manière d’un boomerang baptisé “inversion de la subversion”, de la croisade métaphysique du bloc BAO. La stratégie du bloc est désormais aveuglante, mais sans nul étonnement de la chose : faire pétroler toute sa surpuissance pour activer en mode turbo son processus d’autodestruction. Ainsi soit-il, dirait Joseph de Maistre, avec en arrière plan un “Deleuze-revu-par-Mattei” rigolant plutôt jaune.