La Turquie, la Syrie, l’Irak et les Kurdes : l'amateurisme US face à l’“Orient compliqué”

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La Turquie, la Syrie, l’Irak et les Kurdes : l'amateurisme US face à l’“Orient compliqué”


6 janvier 2004 — Alors que Washington est tout entier préoccupé par la “menace intérieure” du terrorisme qui a connu ces dernières semaines un bain de Jouvence, la situation en Irak et autour de l’Irak est en train d’évoluer. Cette évolution implique l’Irak certes, et notamment sa structure intérieure, les Kurdes, la Syrie et l’Irak. C’est une sorte de “Grand Jeu” régional qui est en cours, avec une question majeure qui est l’orientation fondamentale de la Turquie, membre de l’OTAN et pendant des décennies allié fondamental des USA.

Mentionnons ci-après les points principaux.

• Il semble bien que la capture de Saddam Hussein, officiellement faite par les Américains, ait été en réalité l’objet d’un marché entre Kurdes (qui seraient les vrais auteurs de la capture) et les Américains. David Platt, du Sunday Herald, qui avait fait les premières révélations, revient sur cette affaire le 4 janvier et précise que les Kurdes ont obtenu des promesses politiques d’autonomie de Washington contre la livraison de Saddam. Des précisions données le lendemain à Washington paraissent bien confirmer cette version : les Kurdes sont en train de marcher vers l’autonomie avec le soutien de Washington.

• La nouvelle ne fait pas particulièrement plaisir aux chiites irakiens, dont l’intérêt est de voir l’Irak rester bien uni, éventuellement sous leur contrôle puisqu’ils y sont majoritaires. On comprend aussitôt que ce déplaisir est partagé, à 150%, par les Turcs, qui suivent avec une inquiétude croissante le jeu américain de soutien aux poussées autonomistes kurdes. Le cas est particulièrement remarquable et important parce que, sur cette question kurde, les Américains perdent leurs principaux et ultimes alliés en Turquie : les généraux, qui sont d’une sensibilité extraordinaire sur la question kurde. La possibilité existe désormais d’un renversement d’alliance régionale de la Turquie (l’abandon de l’alliance stratégique majeure avec Israël pour une alliance avec Damas, en attendant d’autres pays arabes intéressés), — tout cela, sans oublier la cerise sur le gâteau, qui est l’appartenance de la Turquie à l’OTAN alors que les liens Ankara-Washington pourraient devenir antagonistes. On comprend que le nouveau secrétaire général de l’OTAN, au contraire de son prédécesseur Robertson complètement acquis à Washington, n’est pas pressé d’engager l’OTAN en Irak.

• Au même moment, — coïncidence ou pas, qu’importe, — Assad junior de Syrie entreprend une visite en Turquie. Les Syriens ne se privent pas de commenter cette visite, en la présentant comme un tournant stratégique majeur : « “Assad's visit represents a turning point in regional politics, a turning of a page from the past and opening of a new page,” said analyst Imad Fawzi al-Shueibi. » Les Turcs se gardent bien de démentir, comme l’a fait l’ambassadeur turc à Damas, avec ce point remarquable qu’il n’a pas dissimulé que la situation irakienne était la préoccupation majeure des deux pays. (« Turkey's Ambassador to Syria, Ahmet Oguz Celikkol, said in remarks published Sunday that Assad's visit would be a “turning point” in the two countries' relations, adding that Turkey and Syria consider preserving Iraq's territorial integrity and independence a “substantial issue.” »)

Voilà donc nombre d’éléments rassemblés pour une évolution importante dans la région. La caractéristique intéressante à observer est qu’il s’agit d’abord d’une conséquence de la politique erratique de Washington, de son obsession pour le montage washingtonien autour de l’Irak (de Saddam) et du terrorisme, et d’une conséquence de la perversion de la politique US par le virtualisme et les relations publiques, et par l’amateurisme extraordinaire de la nouvelle génération arrivée au pouvoir. Deux choses :

• L’affaire kurde, qui tétanise les Turcs et les fait envisager un renversement d’alliance en confirmant la distance grandissante entre Ankara et Washington, a été accélérée, sinon déclenchée, par le désir de Washington d’avoir Saddam pour faire un “coup médiatique” aidant GW dans les sondages.

• L’hostilité et les menaces de Washington contre la Syrie, cause directe du rapprochement Damas-Ankara, ne répondent qu’aux lubies expansionnistes de quelques allumés washingtoniens du type néo-conservateurs.

Les analyses sérieuses des experts européens ne feront rien à l’affaire : la politique américaine en Irak est tout ce qu’on veut sauf sérieuse. Elle est menée d’une façon complètement amateuriste, dans l’indifférence et l’ignorance générales des réalités des régions concernées. Ce qui se passe aujourd’hui, avec la perspective de revers très graves pour Washington, est inscrit dans un comportement américain qui n’a cessé de se confirmer.

On rappellera, pour l’exemple, l’épisode des troupes turques qui devaient être engagées en Irak et qui, finalement, ne le furent pas. Nous eûmes à cette occasion (le 28 octobre 2003) quelques commentaires sanglants du ministre turc des affaires étrangères.


« Foreign Minister Abdullah Gul charged that the United States had been inept in handling a request for Turkish troops to be sent to neighbouring Iraq to help its forces there, Anatolia news agency reported.

» “Of course, there is ineptitude here. First they came, very enthusiastic, and said ‘please do not be late’ and then they saw that there are many different issues. They have many hesitations themselves,” Gul was quoted as telling reporters.

» Faced with mounting casualties in postwar Iraq, Washington asked Ankara for military help, but then appeared to back-pedal on the idea in the face of unabating opposition from Iraq's interim leadership.

» The Ankara government, in the meantime, won parliamentary approval for its plans to dispatch troops, braving the ire of public opinion which is overwhelmingly opposed to extending military help to the United States in Iraq.

» Prime Minister Recep Tayyip Erdogan said last week that Washington had called a pause in talks with Ankara over Turkish deployment in Iraq, but said the plan had not been dropped.

»  “The Americans do not know the region very well. They did not pay much attention to the advice given to them. If the officials who are currently administering Iraq had known the region better, things would be better today,” Gul said. »

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