La crise climatique, ou comment appeler un chat un chat

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La crise climatique, ou comment appeler un chat un chat

28 août 2003 — Après en avoir fait une crise “à la française” comme les chroniqueurs et présentateurs TV parisiens savent faire, la mortalité soudaine des personnes âgées à cause de la chaleur devient une question européenne, c’est-à-dire une polémique touchant tous les pays affectés par la vague de chaleur. Les Britanniques eux-mêmes, au milieu des auditions de la Commission Hutton, ont pris le temps de constater les effets de la vague de chaleur.

Cela indique la puissance du phénomène plus que notre souplesse d’esprit. Dans une époque qui s’applaudit elle-même pour son ouverture d’esprit, pour sa “mondialisation”, dans l’Europe qui fait de même, la lenteur pour réaliser les grands événements, le réflexe de dissimulation pour maquiller les effets de ces événements, la crainte de réaliser leur ampleur, ce curieux “esprit de clocher” et cette étrange politique de l’autruche face aux drames d’une époque exceptionnellement tragique, constituent les effets paradoxalement les plus voyants du virtualisme. L’effet de ces réactions de dissimulation est très court, aussi court qu’il est massif.

Pour cette question de la vague de chaleur, il est temps d’admettre que le drame de l’accroissement de mortalité des personnes âgées n’est d’abord ni un problème sanitaire ni un problème social, bien qu’il soit évidemment ceci et cela au bout du compte ; qu’il est d’abord et principalement, un des effets les plus immédiatement visibles et embarrassants d’une énorme crise, la crise climatique de réchauffement du climat.

On devrait avoir bien vu que l’effort principal, ces dernières semaines, des commentateurs, vulgarisateurs, “consultants” scientifiques a été de rechercher la banalisation de cette crise. Il a été, tout en reconnaissant le réchauffement climatique, de tenter d’en faire quelque chose de “naturel”, — nous n’y pouvons rien, il faut s’y adapter, l’homme est adaptable et ainsi de suite. Cette interprétation est complètement nouvelle et complètement irréaliste. Jusqu’à il y a peu, jusqu’au débat sur la ratification du Protocole de Kyoto, — avec refus des Américains — le débat autour de la “crise climatique” était partagé entre ceux qui annonçaient une crise due aux activités humaines et ceux qui niaient qu’il y ait la moindre crise en vue. Cet été, les “commentaires” devant les effets de la crise climatique ont, brusquement, tendu vers une interprétation “naturelle”. Certains parmi les “adversaires de la crise” ont été jusqu’à dire qu’“on sait depuis longtemps que le climat se réchauffe” à cause d’une évolution naturelle et qu’il faut donc s’y faire.

On se trouve devant une démarche virtualiste constante : comment séparer le système de ses effets catastrophiques ? Comment écarter toute hypothèse mettant en cause le système ? Cette façon de protéger le système se retrouve au niveau de la crise irakienne, avec l’attitude de ceux qui, après s’être opposés à la guerre contre l’Irak, conseillent aujourd’hui de façon pressante d’aller à l’aide des Américains. (Un peu comme si la guerre contre l’Irak était finalement un cataclysme naturel et que tout le monde doit s’attacher à lutter contre ses effets.) Cette attitude totalement idéologique, y compris chez les scientifiques et les experts, et surtout chez eux d’ailleurs, est évidemment une tentative de protection du système au plus court terme possible et l’on sait évidemment qu’aucun problème n’est résolu et qu’aucune prévention n’est assurée. (Dans le cas irakien, aller à l’aide des Américains les soulagerait d’un engagement contraignant et leur permettrait de dégager des troupes pour aller recommencer ailleurs, d’une façon aussi catastrophique).

La vulnérabilité des personnes âgées et l’augmentation de mortalité qui en a suivi ne mettent pas principalement en évidence une crise sanitaire et une crise sociale, mais d’abord l’urgence de la crise climatique. En rester au constat soi-disant “naturel” constitue l’habituelle complicité dans cette sorte de circonstance, alors qu’on ne peut ignorer que l’activité humaine porte une part fondamentale de responsabilité dans le dérèglement. Mais, comme le montre effectivement le drame des personnes âgées, qui n’est qu’une première conséquence de la crise climatique, les conséquences de cette crise sont désormais très pressantes. Le débat sur le climat et la lutte contre la pollution vont devenir extrêmement pressants et ne manqueront pas, rapidement, eux aussi, de devenir idéologiques. La réalité est que la crise climatique, en plus d’être une catastrophe climatique, est aussi une crise fondamentale, une crise stratégique et une part essentielle de notre crise de civilisation. La mise en cause du système de notre civilisation est évidente. Les effets politiques sont inévitables, comme on le constate déjà dans des domaines importants. L’homme ayant dominé, ou cru dominer les grandes lois naturelles, n’évitera pas de devoir affronter les conséquences de cette prétention fondamentale par rapport aux effets obtenus.

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