L'idée de “défaite” en Afghanistan

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Si l’on parle moins de l’Afghanistan que de l’Irak, la situation n’y est pas vraiment meilleure. L’autorité du gouvernement central ne dépasse pas certains quartiers de Kaboul. Tous les travaux d’infrastructure envisagés par les alliés pour lancer une normalisation dans le pays ont été abandonnés. Les contingents occidentaux vivent en Afghanistan sur une complète défensive. L’évaluation des services de la Commission européenne impliqués dans cette question est qu’on se trouve dans une situation où une “défaite” n’est plus exclue.

Qu’est-ce qu’une “défaite” en Afghanistan? Il est difficile de définir ce mot, car il n’est pas certain qu’il ait un sens militaire. Le SACEUR de l’OTAN, le général Jones, intervient beaucoup en ce moment, au niveau médiatique, pour tenter de remonter le moral des pays membres de l’OTAN concernant la situation en Afghanistan. Voici ce qu’en disent nos sources internes pour une de ses récentes (lundi 24 avril) interventions :

« Le général américain James Jones, commandant en chef des forces de l'Otan en Europe, a rejeté lundi la notion selon laquelle la multiplication des attaques en Afghanistan serait due à un retour des talibans, prévoyant même une diminution des violences à terme. “Il est tentant de voir (dans ces attaques) un retour des talibans. Mais je suis convaincu que tel n'est pas le cas”, a affirmé le général Jones à des journalistes au Quartier général des forces alliées en Europe (Shape) à Mons (Belgique). “Je pense que les talibans sont une réalité (...) mais il est trop facile de décrire les violences actuelles comme marquant une résurgence des talibans”, a-t-il ajouté. “Je pense que la drogue, la criminalité et la corruption, tout ceci joue un rôle”, a déclaré le général Jones. Selon lui, la multiplication des attentats en Afghanistan est liée à l'expansion progressive de l'Otan dans le sud du pays conjuguée à une campagne radicale d'éradication de la drogue, notamment dans la province d'Helmand, principale zone de production d'opium. “Dans cette province d'Helmand, une assez importante campagne d'éradication est en cours. Je pense qu'elle explique en partie cette recrudescence générale des violences”, a-t-il dit. Dans le Sud afghan, les attentats à la bombe ou à la voiture piégée sont très fréquents. Samedi, quatre soldats canadiens ont été tués dans la province de Kandahar, voisine de celle d'Helmand, par l'explosion d'une bombe télécommandée de forte puissance. »

Jones n’a pas tort mais il n’a pas raison. Il est vrai que le désordre en Afghanistan est très divers, qu’il est autant criminel qu’idéologique, et qu’il n’implique pas nécessairement l’idée d’une “offensive” pouvant mener à une “défaite” en termes militaires. Mais le désordre reste le désordre, surtout quand il s’accentue. Les dirigeants politiques européens vivent dans la hantise d’un “gros coup”, entraînant des pertes notables qui les feraient craindre une pression de l’opinion publique pour un retrait.

Voilà d’ailleurs ce qu’est la “défaite” pour ces guerres sans âme et sans but, et ces dirigeants sans légitimité : espérer éviter les pertes et se préparer, avec les premières pertes importantes, à céder à une opinion publique qui n’aura même pas besoin de s’exprimer pour faire basculer le pouvoir politique. La “défaite” aujourd’hui est un concept virtualiste, à la mesure des guerres que nous menons. La défaite est donc possible en Afghanistan, général.


Mis en ligne le 27 avril 2006 à 12H40

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